Célina Ramsauer, elle et nous
Septième album pour l’helvète valaisanne Célina Ramsauer, opus dont l’argument principal est tiré d’un inédit de Georges Moustaki, Nous, chanson d’amour que le chanteur, grand cadeau, lui a offert de son vivant, droits d’édition inclus. Il y a longtemps, Célina Ramsauer signait une chanson, Lettre à Monsieur Moustaki, qui avait scellé leur amitié et avait même conduit la suissesse sur le plateau de l’Olympia pour interpréter avec notre Métèque la Lettre en duo (en vidéo ci-dessous). S’en suivit une amitié, jamais démentie.
« Nous, c’est quand plus rien / Ne compte que nous deux / Le même destin / Vu par les mêmes yeux… » L’inédit remonte à 1957 et a semble-t-il longtemps dormi dans les tiroirs d’un bouquiniste. Le hasard veut qu’il y soit découvert par une fan de Célina Ramsauer qui l’acquiert et lui envoie… A qui était destinée cette chanson ? Moustaki l’écrit à 22 ans, quelques mois avant de faire la rencontre d’Édith Piaf et de ne plus la quitter, un an durant, en une relation passionnelle, ludique et créatrice.
Oubliée, perdue des décennies, la chanson orpheline de voix qui la fera vivre existe de nouveau, avec sa part de mystère, sans doute le parfum d’une inconnue qui pudiquement se cache derrière les mots, « cet immense plaisir / impossible à décrire… »
Mais c’est un titre, un seul, sur les dix que comporte l’album. Un qu’on ne saurait qu’il est signé Moustaki passerait inaperçu, dans une tonalité proche de ses voisins de sillons. Qui trouve facilement sa place dans un disque qui ne parle que de l’autre : l’être rencontré, celui qu’on attend bien souvent depuis longtemps (« J’entends parler de toi / Depuis des années »), pour lequel elle sera « le vent, la pluie / tes chagrins / je serai ton sourire / quand tu doutes et t’ennuies / je serait terre et mère. » C’est l’homme, l’amant. C’est aussi, sur le premier titre, son fils, « mon plus grand succès, ma réussite. » C’est un bien beau disque d’amour, de sentiments qui toujours trouvent les mots pour bien s’exprimer, pour s’ajuster. Étonnement, la musique est très latine, comme si d’elle-même, d’instinct, elle avait retrouvé la part brésilienne de Moustaki, lui qui fut un passeur de cette musique bien avant que ce soit de mode. C’est alors sans surprise que le cap-verdien Teofilo Chantre et le brésilien Robson Galdino viennent, comme chanteurs et comme arrangeurs, participer à cette petite entreprise. Ça se sent, ça s’entend et contribue à faire de cet album un opus précieux et obsédant.
Il est étonnant qu’après vingt ans de carrière (elle débuta, adolescente, dans les cafés avec son accordéon) et quelques scènes d’importance en France comme à l’étranger (dont plusieurs fois le Québec), le nom de Célina Ramsauer ne soit pas plus connu hors des frontières de la Suisse romande, qu’il ne se soit pas imposé dans l’Hexagone. On le sait, sur ce site plus qu’ailleurs, que nombre d’artistes participent à faire grandir la chanson : elle est du lot et ça ne se sait pas assez. Dommage.
Le site de Céline Ramsauer, c’est ici.
Mise à jour 23 mai 2019 :
Lettre à Monsieur Moustaki, en duo avec Georges Moustaki
Concert « Transmission » le 14 mai 2016
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