William Sheller, le romantisme à la corde
Enfin ! Tel est le cri qu’ont dû pousser les aficionados de William Sheller, frustrés ne pas avoir de nouvelles discographiques de leur artiste de chevet depuis son (moyennement réussi) Avatars de 2008. Soyons justes, l’homme n’était pas resté inactif durant ces années d’absence, n’ayant jamais quitté la scène où il se produisait régulièrement. Il n’empêche : l’envie de pouvoir se mettre entre les oreilles d’autres morceaux que ses sempiternels Symphoman, Homme heureux, Maman est folle ou Carnets à spirales se faisait de plus en plus pressante…
L’artiste a heureusement entendu ces cris plaintifs et a déboulé fin octobre 2015 avec un nouvel album dans sa besace, élégamment dénommé Stylus. Concis (dix titres + un morceau caché, le tout ramassé sur 30 minutes), sobre dans l’orchestration (deux instrumentaux au piano, deux pianos-voix et six chansons dans sa formule scénique actuelle : piano + quatuor à cordes), livré dans un livret de belle facture.
La première écoute se nimbe pourtant d’une petite déception. Sept ans pour ça ! En effet, rien d’exceptionnel de prime abord. Du Sheller qui fait du Sheller et qui nous sort un disque-studio sonnant comme un de ses concerts. Pour la surprise, allez voir ailleurs. Impression renforcée par le fait que l’opus pas bien gros comprend en outre une reprise de son Comme je m’ennuie de toi estampillé 1975 (on notera à ce sujet un petit changement de paroles, qui démontre qu’avec l’âge, l’ami William est devenu plus poli : en 1975, il emmerdait ses amis au téléphone, aujourd’hui, il les fatigue !).
Et puis, au fil des écoutes, l’album sort ses effets pernicieux et finit pas vous enjôler, telle une drogue à accoutumance. Le classicisme a son charme insidieux. La patte de l’artiste est bien là, tant dans ses compositions que dans ses textes. Cet album, il aurait pu le faire il y a vingt ans, c’est vrai. Mais déjà à l’époque, il aurait été le seul à s’engager sur ce chemin !
Et surtout, avec la carrière qu’il a derrière lui et à son âge (69 berges déjà !), reconnaissons que l’homme n’a plus rien à prouver. Libre à lui de s’en tenir à ce qu’il fait de mieux, qui pourrait le lui reprocher ? Résignons-nous donc : en 2015, William Sheller persiste dans son refus de faire des chansons entraînantes dont on peut chanter le refrain avec lui, il a banni l’humour et la légèreté qui le caractérisait à ses débuts, il se moque d’être à la mode, qui de toutes façons se démodera. Qu’il continue à nous chanter les amours qu’on attend (Youpylong, Bus stop), les blessures d’enfance (Les enfants du week-end), les déceptions intimes (Petit Pimpon) ou les légendes issues de contrées mystérieuses (Walpurgis)… C’est ce qu’il fait de mieux et à sa manière unique, immédiatement reconnaissable !
Au final, on se dit que Stylus porte bien son nom. Je doute que Sheller agrandisse sa fan-base avec cet album. Mais il est certain qu’il fera un immense plaisir à tous ceux et celles qui le suivent depuis plus de quarante ans. N’est-ce pas là l’essentiel ?
William Sheller, Stylus, Mercury/Universal 2015. Le site de William Sheller, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
Content de te voir intégrer l’équipe, Pol, ç’avait été une de mes suggestions auprès de Michel.
Un très bel album il est vrai dans la plus pure tradition Sheller. Mais je trouve qu’il a gagné en profondeur encore…Youpilong est une chanson que l’on pourrait peindre aisément, un vraie chanson tableau, presque une illustration de livre de contes: une magnifique ouverture d’album. Les enfants du week-end sont une observation attentive en même temps qu’une chanson témoignage de ce qu’est la vie de parents et d’enfants du divorce. Belle journée illustre l’instant si précieux de vie et d’harmonie en soi et avec l’autre, un quotidien que nous pouvons mépriser mais qu’il est important de se rappeler, comme on cueille un bouquet que l’on serre contre son coeur, dont on fait provision pour les jours gris. Petit Pimpon nous ouvre l’intimité et les paradoxes d’un homme
qui n’a jamais oublié la femme qu’il aimait et dont il aurait voulu qu’elle soit la mère du fils qu’il a eu. On ne fait pas toujours l’enfant
avec le ou la partenaire que nous avons aimé(e) le plus…Rares
sont les chanteurs à évoquer ces secrets d’âme. Sheller l’ose dans une grande pudeur impudique, dans une grande élégance aussi. C’est plus que touchant. Et enfin les souris noires sont une critique
mordante de la guerre, intemporelle.
Un très bel album donc. Qui à la première écoute ne révolutionne rien, mais qui au fil de l’attention qu’on y porte, révèle des trésors et une profondeur inégalées dans l’oeuvre de Sheller. Merci à William de nous avoir ouvert son coeur à ce point…