Patrick Font, quand s’approche l’hiver…

Fut-il numérique et pas physique, un nouvel album de Patrick Font, ça ne se loupe pas. Parce qu’il est et reste un des plus fins auteurs de chansons qui soient. A soixante-quinze ans, quittant L’automne pour l’hiver, il vient de reprendre le chemin d’un studio, à l’invitation de son jeune confrère (et réalisateur et arrangeur) Lucas Rocher. Le précédent album de Patrick Font remonte à il y a douze ans. En 2010 toutefois, il enregistrait Si tu n’as rien à dire chante-le à la télé ! avec Martial Paoli et Anthony Casanova : rien que le titre valait Font.

Que nous dit-il cette fois-ci l’ainsi Font, Font, Font ? De la poésie, rien que de la poésie, chaque fois en rapport avec un mois, une saison. Avec le temps qui passe et celui qui vient « qui m’éloigne de vous. » Lui qui a si souvent provoqué, ferraillé contre la connerie ambiante, alors que cette connerie triomphe comme jamais, que les fille et petite-fille du borgne se voient impératrices, que la haine bourre les urnes, que les Balkany sont toujours en liberté, que Sarko rétrécit chaque jour plus encore, que le monde crève mais pas la finance (sauf Tapie ?), que l’État d’urgence justifie tout et son contraire, que plus les médias sont nombreux plus ils sont désespérants, eh ben non, Patrick Font ne sort pas, ne sort plus la grande cavalerie, ne mitraille plus à tout va : d’autres le font désormais en vrai et pas pour bonifier l’humanité. Tout ce qui se passe aujourd’hui donne raison à ses précédentes chansons mais lui n’y est pas, n’y est plus. Comme détaché, étonné d’être vieux tout à coup, d’avoir l’âge des feuillages. Il est dans un autre présent, bien plus serein que le nôtre.

Même la musique se fait gamine, intemporelle, lutine dans les paysages comme des chansons éternelles, de celles qu’on abrite dans des carnets de chants, des « Il y a longtemps que je t’aime / Jamais je ne t’oublierai… » Y’a dedans un peu de Béart, celui de L’espérance folle et de L’eau vive.

Lui capte dans le matin frais l’odeur des roses, la vie qui sous la neige renaît : « Un flocon se perche sur le bec d’un oiseau / C’est bien peu de chose mais c’est follement beau. » Cycle de la vie, ça bourgeonne ici, les vieilles branches cassent là.

Et il y a, même en filigrane, l’amour, vaguement coquin, presque courtois, un peu comme on pouvait le chanter il y a cent ans ou plus. Adorable Coquelicot qui fait songer à la Brave Margot du père Brassens, aussi délicieuse et qui provoque autant de gourmandise, de concupiscence.

Ce disque est émouvant, bouleversant. Pas pareil. Mélancolique, nostalgique. « Les cliqueurs de souris / Z’ont peut être raison de vivre avec leur temps / Mais peut-on s’empêcher / D’avoir le dos courbé sous les neiges d’antan ? »

On peut bien sûr espérer que ce ne soit pas le dernier album de Patrick Font. N’empêche qu’il a en lui un air de probables adieux. « Le ciel a mauvaise mine et la brise éternue. »

Patrick Font, L’épouvantail et l’hirondelle, autoproduit 2015.  Pour commander l’album numérique, c’est ici.

Pour le plaisir, on peut écouter ici « On s’en branle » chanté par Lucas Rocher :