Malaquet, voyage pour Leny
Cet album de douze reprises des chansons de Leny Escudero n’est surtout pas un tribute post-mortem comme on en écoute tant, dont les motivations tiennent parfois plus de l’envie de faire facilement profit de la réputation d’un artiste disparu, que de l’hommage.
D’ailleurs ce genre d’album préfère choisir un artiste plus banquable que ce réfugié du franquisme, insoumis, incorruptible, indigné, pacifiste et engagé. Cet autodidacte auteur de textes parmi les plus beaux de la chanson française, qui évoque l’amour, l’amitié, l’enfance et la famille, la passion du Christ ou la guerre d’Espagne dans des fresques musicales bien en peine de tenir dans les trois minutes réglementaires qui, seules, autorisent le passage sur les ondes.
Sorti au printemps 2015, il s’agissait bien à l’époque de dédier ce beau choix de chansons à l’artiste ami, celui qui a suscité la vocation du chanteur du groupe, Leny vivant, pensant et écrivant, mais ne pouvant plus chanter en direct. De permettre à son public toujours fervent d’écouter, d’abord en album, puis sur scène, l’essence du répertoire de Leny, de le faire découvrir aussi peut-être à plus jeunes, mettant au service de ces textes et mélodies l’énergie rock de ce groupe.
Leny lui-même regrettait qu’aucun jeune, à part ses enfants ou petits enfants, ne reprenne son répertoire. Voilà qui est fait et bien fait.
Malaquet est un quatuor composé de Christophe Trégret (chant), Morguy Dubois (guitare), Jean-Baptiste Ayoub (batterie, claviers) et de Fred Giraudineau (basse). Son précédent album, il y a cinq ans, sobrement baptisé Malaquet, mettait la voix prenante de son chanteur – entre Lavilliers et Cantat – au service d’un rock progressif envoûtant. Et d’une inspiration de solitude et de révolte, d’humanité en fin de cycle, noire et perdue.
Comme il a dû être difficile pour eux de faire un choix dans cinquante ans de chansons ! Mais comme elles résonnent bien avec les sujets de prédilection du groupe, cette plainte de l’homme, seul face à un monde qu’il a contribué à abîmer. Seuls ont été repris les textes écrits par Leny, sur des musiques composées par lui-même (du premier succès Pour une amourette, 1962, à Fils d’assassin, 1977, en passant par le prémonitoire L’an 3000, 1968) ou par son fils Julian, qui a signé notamment la fabuleuse montée de La grande farce, ou Le siècle des réfugiés, particulièrement bien rythmé par la musique de Malaquet. Par le compositeur suisse Thierry Fervant aussi, avec Le bohémien et Mon voisin est mort. L’ensemble se concentre sur les années 70 et s’arrête aux dernières créations de 1994 avec Barrio Chino ou Comme un voyageur secret.
Christine Escudero, la fille de Leny, donne une réplique émouvante au chanteur dans Le voyage.
Sans jamais l’imiter, la voix poignante de Christophe Tregret arrive à soutenir la comparaison avec celle si expressive de son modèle. La tendresse sourd de Comme un voyageur secret, sur les notes douces des cordes, et Pour une amourette prend soudain des allures déchirantes. Les arrangements sobres, vibrants et puissants des musiciens soutiennent sans le dénaturer le message humaniste de Leny, qui a eu le bonheur de pouvoir écouter la maquette de l’album avant de nous quitter.
La page facebook de Malaquet, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
La grande farce, en concert en 2017 au Cellier (44)
Comme un voyageur secret, en concert en 2017 au Cellier (44)
Article mis à jour le 3 avril 2023
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