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Chansons entre le Fromet et le dessert

FFROMET_CaFromet_digifile_ext-1C’est ni plus ni moins que du chansonnier, issu d’une solide tradition. Les chansonniers exercent en général en des lieux confinés qui sentent le renfermé. De temps à autres, des plus jeunes qu’eux s’enhardissent et s’échappent de ce format étriqué à l’humour forcé, conventionnel, institutionnalisé. Canines saillantes contre molaires cariées et entartrées. Il y eut, souvenez-vous, le fameux duo Font & Val (qui s’est mal terminé, pour l’un comme pour l’autre : Val tragique au sommet…), plus récemment La Chanson du dimanche et, en moins prononcé, Chanson plus bifluorée. Voici Frédéric Fromet, révélation de France-Inter même s’il exerce depuis bien plus longtemps que ça, un insolent génial, un poil de cul dans la soupe radiophonique.

Autant Font & Val doivent tout à Giscard d’Estaing (le transgresseur transgressé), autant La Chanson du dimanche sera pour toujours liée aux années Sarkozy (lui, ses ministres, sa Carla, son Kärcher, son Khadafi…), autant il est plus difficile de bien fixer Frédéric Fromet, de le relier à un président. Lui traduit plus un air du temps, vicié, insolent et insolite, confus dans ses valeurs, qui marine dans l’absurde, dans la démagogie, la surenchère… Ce disque précieux fait survol de son art.

Si le dessinateur Luz signa jadis deux volumes grinçants au doux titre de « J’aime pas la chanson française » qu’il aurait pu dédier à nos lecteurs ; d’une même veine, Fromet enfonce le clou avec La Chanson française. Ça tire, satyre dans tous les coins, pas sûr que les curetons de la Chanson (particulièrement les pèlerins de Barjac) le lui pardonnent. Dévoyés et traitres que nous sommes à notre propre cause, nous aimons.

Sacrilège (mais pas plus que les dangereux caricaturistes de Charlie, armés jusqu’aux dents de crayons, de papier, de gommes et de pinceaux) : Fromet chantonne même (sur l’air de Cadet Rousselle) les exploits de Coulibali et des frères Kouachi, ces fameux trous de balle : « Quand on a une petite quéquette / Il faut une grosse mitraillette / Ah ah Allah akbar / Vous n’aviez rien dans le cal’bar (au moins ils risquent pas de faire du mal aux soixante-dix vierges). » Sacrilège encore, il s’en prend lui-aussi à l’ex bling-bling, l’ami Bismuth. Ainsi qu’au bobo-écolo amateur de chichons, aux jeunes cadres, au off d’Avignon (« ah les gentils Avignonnais / toujours prêts à nous racketter… »), aux tribulations de Gad Edmallette planquant ses sous chez les helvètes, à cet érotisme à portée de clics (« voir maman référencée dans les adresses du Chasseur français… »), au footing et au football (« shoote shoote shoote dans la baballe / t’es déjà con ça peut pas t’faire de mal »), aux récents morts en hélico de la télé-réalité, à la surenchère à gauche (sur l’air approximatif de L’Internationale), aux bouseux (ça fait songer à l’Isabelle de Ricet Barrier…), au Médef (un de ses tubes) et au petit Sarko, encore et toujours lui, qui, de ci de là, se hausse du col et des talonnettes pour figurer à tout prix sur la photo.

Bon, on va pas vous faire ici le total inventaire des facéties (d’aucuns diraient des conneries) de Fromet. Tout est succulent chez lui y’a rien à jeter, sur l’île déserte on peut tout emporter.

Juste signaler, remarquer, insister, sur la production et l’accompagnement de ces chansons. Pour la plupart crées en direct sur l’antenne de France-Inter (dans l’émission « Si tu écoutes, j’annule tout »), alors dans leur costume et posture les plus rudimentaires (voix guitare), elles gagnent là un accompagnement digne des rois (non, non, le Qatar semble n’y être pour rien, cette fois) : le quatuor fameux des Ogres de Barback a travaillé les partitions (putain, ça swingue !), certaines interprétations et ont produit l’album pour qu’il soit bien sûr d’exister. Et c’est grande réussite dans l’insolente accumulation des talents. Les petites bêtises de Fromet qui consignent les faits et gestes de notre société quittent leur statut de simples témoignages pour devenir de vraies chansons, de celles qu’on écoute sur sa platine, souvent, pour un salutaire rab de rires (c’est bon pour la santé, mieux que la viande rouge, le saviez-vous ?) autant que pour le simple plaisir de simplement les écouter.

 

Frédéric Fromet, Ça Fromet, Irfan le label 2015. Le site de Frédéric Fromet c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

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