Vive la reprise 2015 : passeport pour une finale
23 octobre, dernière demi-finale de la 21ème édition du concours Vive la reprise, Le Bijou, Toulouse,
Le Centre de la Chanson, une fois l’an, crée l’événement. Il faut le dire, les prix remis à l’occasion de la finale parisienne, les programmations aussi, offrent une chance aux artistes, dynamisent ou même lancent carrément leur nom. Et pour une fois l’événement réconcilie deux univers de la chanson qui auraient tendance à s’affronter : les partisans du sacrosaint triptyque texte-musique-interprétation et les défenseurs des interprètes qui se sentent oubliés, voire méprisés.
Après Lyon et Ivry, c’est le tour de Toulouse où l’on notera un public sensiblement moins nombreux que l’an passé. Pas de figure reconnue de la chanson toulousaine cette année. Une surprise mais nul ne le sait encore !
Le premier, C’Dric – vague ressemblance avec Omar Sharif – a le charme d’un artiste dont la touche orientale pourrait être un atout. On le verra même s’accompagner à la harpe pour chanter Pierrot de Renaud après une reprise orientalisante donc de Femme du guerrier des Ogres. Les deux chansons dont il est l’auteur surfent sur des thèmes convenus. La crise a frappé, encore… mais la fraternité, même avec un refrain sénégalais, ne suffit pas à convaincre.
Le duo guitare-voix de Robinsonne lui succède. Malgré la force de conviction de l’interprète – du métier c’est évident – le choix des chansons qui font une large place au sort des femmes, d’abord avec le titre des Ogres « Petite fille d’Algérie, belle femme d’Arménie, je me veux de votre pays » (Peuple du moment), puis avec Anne Sylvestre Je chante, excuse-moi, on reste sur une interprétation surannée de la Chanson. On note pourtant l’effort pour harmoniser la courte prestation, lui donner une unité, car les deux chansons originales font écho aux précédentes. C’est Guilam qui termine cette première partie. Quelle bonne idée cette interprétation délicate, en acoustique, ponctuée de quelques accords au ukulélé, de Rêver c’est déjà ça de Souchon ! Deux valses donneront un aperçu de son propre univers, accompagnées à la guitare pour l’une, au piano pour l’autre, une nouvelle chanson et une ancienne que nous avons le privilège de bien connaître (Limites). Le choix de la chanson des Ogres Coups d’poids dans la gueule, son interprétation sans emphase suffisent à nous laisse penser que cette fois-ci est la bonne pour cet artiste dont nous avons été plusieurs ici à approcher l’univers.
Cette demi-finale s’achève sur la confrontation de deux approches divergentes de la chanson. La pianiste Cécile Veyrat propose d’abord une étonnante version du texte de Jean Richepin, célèbre chanson de Brassens, Les oiseaux de passage. Une recréation qui ne manque pas de panache, une interprétation où s’affiche un fort tempérament de chanteuse et de musicienne. On attend la suite avec grand intérêt, voire impatience. Cécile Veyrat propose deux chansons de sa composition, la seconde plus intimiste déroule un paysage intérieur. Complexité du texte, interprétation sophistiquée, peut-être trop de théâtralisation ? Elle termine avec la chanson des Ogres, Solène de Grenoble, un choix qui a tout pour emporter la mise.
Mais c’était sans compter sans doute (nous ne sommes pas membre du jury et le revendiquons) avec le duo au nom mystérieux et jusqu’ici inconnu de Au creux de l’A. Deux très jeunes filles, jeunes filles en fleurs – oui, quelque chose de proustien dans le vêtement d’Alice Benar, les cheveux librement relevés, la petite robe vichy, collants framboise – leur beauté gracile font souffler sur la scène du Bijou un air pur, une fraîcheur au moment où elles entonnent Avril et toi des Ogres. L’accompagnement d’Elisa au Banjo n’a rien qui pèse… Elle suit du regard chaque mouvement des lèvres d’Alice. On saura plus tard que leur duo est en train de naître. Cette fragilité-là ajoute à la beauté minimaliste qui va se confirmer au gré des morceaux. La chanson de Piaf Fais-moi valser en est une si délicate illustration : « Berce-moi doucement comme un oiseau blessé. » Quand Alice se met au violoncelle ou bien s’accompagne seulement du rythme d’un papier frappé sur ses genoux alors qu’Elisa est au cavaquinho brésilien, on reste suspendu à son souffle. Et c’est pour ses propres chansons. Alors sans contestation possible on se réjouit de les revoir le 2 novembre, confrontées d’ailleurs à d’autres beaux tempéraments féminins, au Centre Fleury-Goutte d’or-Barbara.
Le site de Guilam, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Le site de Robinsonne, c’est ici ; ce que NosEnchateurs a déjà dit d’elle, c’est là.
Une précision pour Ivry, les 11 artistes étaient la sélection Ile de France et Nord. Donc en gros, le tiers Nord de la France. Je ne sais pas si L’Est et l’Ouest ont envoyé des maquettes, mais dans cette sélection de 11, il y avait aussi quelqu’un de La Réunion.
Les discussions ont été animées, mais je suppose que c’est pareil ailleurs.