Olivier Béranger, vers d’autres rendez-vous
Festival de la chanson française d’Aix-en-Provence, Théâtre Fontaine d’argent, 5 octobre 2015,
Un guéridon, une lampe ancienne, Olivier Béranger nous fait face, sobre, jean et veste noirs, collier discret. Et sa guitare. Assis sur un haut tabouret devant un grand panneau où on lit, à l’envers, Tout va bien, il a prévenu ceux qui ne le savaient pas encore : c’est ici son ultime concert. Pincement au cœur public, comme je l’ai eu quelques jours avant, à la lecture de ce bref communiqué sur sa page facebook : « Le 5 octobre prochain, je ferai mes adieux à la scène. Je rentrerai ensuite en studio pour enregistrer un album qui ne sera pas suivi d’une tournée… »
Il a choisi ce caveau, un de ces lieux de proximité si agréables pour le spectateur comme pour l’artiste, entre lesquels peut s’établir un véritable lien. Un lieu connu pour sa programmation de one-man show d’humour, mais qui s’adapte tout aussi bien à ce spectacle de chansons, évoquant pour nous le grand temps des cabarets d’après guerre. Ceux où naquit la chanson à texte portée par des interprètes expressifs.
Le public est venu en nombre : les fidèles qui ne ratent aucun de ses concerts comme ceux qui le découvrent sur scène pour la première et le dernière fois. Après nous avoir expliqué sa décision d’arrêter la scène pour raison de santé (une hyper sensibilité auditive), Béranger a choisi, plutôt que de commenter son art, d’alterner poésies et chansons qui se répondent pied à pied, s’enchaînent comme un long message d’amour.
Une vingtaine de titres puisés dans ses trois albums s’égrènent comme les perles d’un chapelet. De prières, point, simplement les choses de la vie, les bonheurs comme les souffrances (ces Larmes secrètes de Roger, cette enfance brisée par L’ami de la famille) les espoirs comme les révoltes, le journal intime de [son] métier d’homme. Chantées avec douceur et tendresse de sa belle voix légère et grave, avec des envols, des berceuses, des cris parfois. Comme à une soirée entre amis autour d’une guitare folk, une Martin HD28 (celle qu’utilisait Eric Clapton ou John Lennon). Le descriptif vaut à lui seul voyage (Olivier est un globe-trotter) : épicéa de sikta massif, palissandre d’Inde de l’Est, acajou, ébène… Une veillée où l’on reprend en chœur « Salomé se lève à six heures… pour qu’on n’abîme pas ses rêves » ou « Les gens simples sont simplement des gens / Avec un cœur dedans. »
Le cœur, celui qu’on a à l’ouvrage, qui se fait fragile parfois, qu’on donne et qui se brise, lui importe tant qu’il figure dans trois titres de chansons et dans toute leur inspiration : « Dans le cœur des gens, pas pour la gloire et pour l’argent (…) juste le temps, de partager, juste un moment. »
La première chanson qu’il ait écrite pour lui-même, Légitime défonce, sorte de tour du monde de l’alcool : « Un ouzo à Falassarna / Un chouchen à Quéven / Un passeport dans chaque port / Un rosé à Bandol » se termine dans un constat réquisitoire qui nous laisse, tout à coup, glacés : « Et ce mec qui rentre tard / Et ta fille qui sort de boîte / Et ce putain de virage à droite. »
Ses chansons dédiées aux femmes (dont la reprise de T’es marron de Francis Lalanne, qui rend honneur à ces femmes méprisées parce que trop généreuses en amour), à ces enfants qui l’ont fait père, même s’ils sont ceux de son aimée, nous touchent, nous les femmes, encore plus.
En cadeau, jouée assis à même le sol, la dernière chanson a été écrite spécialement pour nous, ses derniers spectateurs.
Olivier Béranger fait partie de ces artistes plus éclairés de lumière intérieure que de projecteurs sur scène. Il nous offre une sensibilité exacerbée aux moindres respirations de la vie, des souffles heureux aux derniers râles.
Ses talents d’auteur, de poète, de comédien, nous laissent, malgré notre déception, dans l’espoir D’autres rendez-vous.
Le profil facebook d’Olivier Béranger, c’est ici, ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
« Dans le cœur des gens » audio 2016
« D’autres rendez-vous » filmé pendant ce concert par Constance Leroy
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