Leny Escudero, 1932-2015
Qui l’a vu un soir en scène sait l’artiste qu’il est, qui vient aujourd’hui de disparaître. L’exilé de sa terre d’Espagne ensanglantée par la guerre civile fut d’abord, au sortir de la guerre et de la Communale, à quatorze ans, un jeune homme à tout faire, avant d’être, la force aidant, terrassier puis carreleur. Et, presque dix ans après son arrivée à Paris, suite à une rencontre avec Jacques Canetti, propulsé sur la scène des Trois Baudets ainsi qu’à Bobino. Leny se pare alors d’un pseudo et c’est Canetti qui lui dit : « Quoi ? Quand on a un nom comme ça, on ne prend pas de pseudonyme ! Vous êtes né avec un nom d’artiste ! » Quatre ans plus tard, 1962, en pleine période yéyé, Leny triomphe avec sa Ballade à Sylvie et Pour une amourette, deux titres, deux tubes sur un même et premier 45 tours, qu’il ne reniera jamais, fidèle à ce qu’il est, à ce qu’il a vécu. L’anecdote veut que le maquettiste de la pochette de ce disque corrige le « s » de Espinal, ville espagnole de naissance de Leny Escudero, le faisant naître à Epinal…
Hors la nostalgie d’une époque depuis longtemps révolue, ce n’est pas forcément le Leny Escudero des débuts que l’amateur de chansons retiendra (à l’énorme succès des débuts, de Pour une amourette à A Malypense et Rachel, succédera un long tour du monde qui le coupe du métier, ce que le dit-métier ne pardonnera pas) mais cet artiste fragile et fort à la fois qui, sur scène, dans les années soixante-dix, nous tétanisa de son talent, de son incroyable présence. A ce titre, le disque Escudero sur scène de 1979 (La Simone, Mon voisin est mort, Van Gogh, Le vieux Jonathan, Si j’en ai vu, La grande farce…) est une pièce d’anthologie, le sommet de l’art d’Escudero. Ce qu’on retiendra, c’est ce capital d’amour, d’estime, de sympathie dont a toujours bénéficié ce chanteur en marge du métier. Des chansons passionnées, impliquées, et cet artiste qui inspire le vécu, dont on lit les souffrances et un peu de l’Histoire sur un visage émacié, terriblement expressif.
Sans jamais avoir été élevé au rang de vedette, Escudero est une des grandes et emblématiques figures de la Chanson. Par son répertoire certes, par son humilité aussi, sa discrétion. Ces jours-ci sortait le second tome de ses mémoires, son décès en fait hélas la promotion. Il fut chanteur engagé, oui, et les pouvoirs politiques et médiatiques aiment bien conjuguer ce terme à l’imparfait. La disparition de celui qui a chanté Vivre pour des idées (titre qu’on mettra en parallèle avec le Mourir pour des idées du père Brassens) ne signifie pas la mort du genre, bien au contraire. Mais c’est quand même une image tutélaire que la chanson d’opinion perd avec lui. Même si le public d’une récente tournée d’Age tendre conservera, lui, le tendre et mélancolique chanteur de Pour une amourette. Chacun son Escudero. Souhaitons que ce soit Le cancre, La grande farce ou Fils d’assassin, hélas toujours actuelles, qui soient un jour reprises par de plus jeunes.
Un grand monsieur vu plusieurs fois en concert, il y a longtemps, du temps de ces chansons magnifiques que vous évoquez chantées d’une manière tellement intense car vécues, que l’on en avait la chair de poule et les yeux embués. Merci Monsieur Escudero, il nous faudra bien veiller à faire vivre votre œuvre en ces temps « d’oubliance » et de facilité.
Comme pour beaucoup de chanteurs qui disparaissent, on entend un peu partout la référence à quelques tubes, pour les médias, Leny Escudero reste le chanteur d’une amourette, mais il est beaucoup plus que ça . Humble et discret, mais « une des grandes et emblématiques figures de la Chanson. » . Une de mes chansons préférées de lui, c’est: « Grand-père » .
https://youtu.be/K8-FywPJcHU
Je viens de rentrer de la mise en place de notre salon Artisanal et j’apprends la nouvelle. Je suis très profondément effondré bien que je le savais malade. Nous avions conversé ensemble à Randan (63), il y a peu. Demain sera gris et il faudra que nous fassions quelque chose entre le 20 et le 25 octobre au 9ème Rencontre Chanson Francophone de Prémilhat. Je suis très triste. Condoléances et amitiés à tous ses amis, nos amis, mes amis.
Ça me flanque un sacré coup ! Cet homme là était un cœur pur, un être merveilleux. J’ai eu le bonheur de chanter avec lui en co-plateau au grand théâtre de La Roche Sur Yon en 1976. Nous avions passé l’après spectacle à jouer au ping-pong tous les deux. Merveilleux souvenir pour lequel je remercie au passage Bernard Keryhuel l’organisateur de ce double concert. J’ai de la peine… en vrai !
Escudero sur scène de 1979
Tout-à-fait d’accord, s’il n’y a qu’un seul album à avoir, c’est celui-là. C’est avec cet album que j’ai épaté quelques jeunesses de 25 ans il y a quelques années, qui ne savaient rien ou presque d’Escudero, et qui ont fait une découverte majeure…
De plus jeunes ont déjà repris, en rock et en émotion, des titres comme Fils d’assassin, Le siècle des réfugiés, Mon voisin est mort ou La grande farce. Et puis l’an 3000 qui interpelle en ces périodes où on parle de conférence climatique. Et la douce Comme un voyageur secret, tant il m’est difficile de citer mes chansons préférées. Cela démontre bien s’il en était besoin l’actualité de Lény.
Malaquet chante Escudero :http://www.deezer.com/album/9967040
On se retrouvait de loin en loin, la dernière fois, j’avais fait le présentateur au théâtre de Montauban (12 ans déjà). Il nous avait quitté avant la fin du repas, nous l’avions trouvé déjà fatigué. Dire que les premières fois que j’ai osé chanter (mariages dans la famille, en Bretagne) à 15 ans… C’était » A Malypense et Ballade à Sylvie ». Tristesse.