Bernard Ascal, pistes de travail
Ce livre élégant, relié d’une fine ficelle, est comme un catalogue d’exposition, sauf que c’est ici l’exposition d’une vie. D’une vie d’homme, d’une vie d’artiste. Celle d’un modeste humain qui est tant un créateur qu’un passeur.
Pas facile en fait de parler d’un homme qui fuse de toute part, qui porte son art sur tous les fronts, en des galeries d’art, dans vos oreilles, en des typographies ordonnées. On le sait peintre ici, flirtant avec le pop-art et le surréalisme ; on le découvre chanteur et musicien là. Il est poète et publie. Il est directeur de collection et n’a de cesse de faire découvrir ou redécouvrir autrui.
J’ai dit d’une vie mais c’est comme si il en avait plusieurs, aux arts imbriqués. En complémentarité, en cohérence.
Outre le fait qu’il ait une dizaine de pièces dans sa discographie (ses propres créations, certes, mais aussi des mises en musique et en voix d’auteurs et poètes tels que Raymond Queneau, Abdellatif Laâbi, Joyce Mansour, Benjamin Péret, Max Jacob, Véronique Tadjo et pas mal d’autres encore), l’homme s’est humblement investi d’une lourde succession « chanson » : celle de Marc Robine au sein du label EPM, pour une collection associant Poètes & Chansons. Puis une autre collection encore, Les voix de la poésie. Deux collections qui se sont souvent heurtées à la dure loi d’une économie qui n’entend pas grand chose aux choses de l’esprit.
Pour lui tirer portrait, se saisir d’une part du dossier, d’un bout de l’enquête, ils se sont mis à quatre : Michel Trihoreau, José Pierre, Pierre Tilman et Marc-Albert Levin.
Trihoreau reconstitue le parcours de cet autodidacte en tout, résolu depuis tout gosse à faire de la peinture, qui pour toujours retient de l’église de son enfance la conjugaison de l’architecture, de la peinture et du chant.
Vies parallèles, oui, qui se nourrissent à l’envi, au moins en terme de créativité. Bernard considérant que la peinture ne va pas sans l’écriture de poèmes et de chansons. Je peins donc j’écris. J’écris donc je chante. Et le voici donc aussi chanteur…
Critique chanson et critiques d’art se sont mis dare-dare à explorer, revisiter tout Bernard Ascal. Ça nous donne ce livre pas comme les autres, qu’on aura du mal à sérier, à ranger à tel ou tel endroit de sa bibliothèque. A l’image du bonhomme, en fait : inclassable, irremplaçable. Et fondamentalement nécessaire. Si son nom n’est pas au fronton des grandes salles de spectacles, il est, dans l’ombre, un des artisans de cette chanson. Et si ses toiles n’ont pas encore la côte de très grands peintres, elles en prennent le chemin, gagnant en valeur chaque jour que le peintre fait.
On sort de ce livre gagné de sympathie, d’empathie pour ce singulier Bernard Ascal, avec l’envie de découvrir ce qu’il nous propose. Ses toiles bien sûr, ses textes et ses chansons. Et comment, comme chanteur, il nous fait découvrir ses adaptations chantées de Soupault ou de Laâbi, du Corbusier, de Senghor ou de Doni. Comment ce monsieur est un formidable passeur de poésie.
Bernard Ascal, Sorties de pistes, Éditions du Petit Véhicule, collection « La galerie de l’or du temps », 2015. Le dernier disque en date de Bernard Ascal est « Répétition », album réalisé et offert par le Musée de la Seine-et-Marne à l’occasion, en 2014, de l’expo « Bernard Ascal, chercheur de signes ». Le site de Bernard Ascal, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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