Cœur de pirate, hélas in english dans le texte
Quoi qu’on pense de Cœur de pirate, cette jeune québécoise s’est fait connaître chez elle et dans toute la francophonie par ses chansons en français. Pas forcément de grandes chansons (des histoires de cœur, mille fois entendues, avec parfois un petit côté vachard) mais avec une jolie et singulière voix, très gamine, pétillante : y’a bien pire sur la bande fm. Deux albums à grande diffusion (un éponyme en 2008 [sortie dans l'Hexagone l'année suivante] puis Blonde en 2011), succès immédiat, comme quoi l’industrie discographique sait faire son travail. Puis, en 2014, Trauma, album de reprises anglophones, un peu comme un projet spécial. Son troisième album de création, Roses, vient de sortir.
La surface commerciale de Béatrice Martin (dite Cœur de pirate), native de Montréal, n’était-elle pas assez vaste encore pour elle et son label, que la voici chanter essentiellement en anglais ? Pour conquérir le monde ! Les Québécois ne doivent-ils pas assez se battre, chaque jour et de plus en plus, pour tenter de préserver leur langue, isolés qu’ils sont dans un pays très majoritairement anglophone, pour ne pas avoir à pactiser si ostensiblement avec le rouleau compresseur linguistique ? Mais peut être que Cœur de pirate en encore trop jeune, trop immature, pour bien comprendre de tels enjeux… Quatre titres en français pour neuf autres en anglais, bonus inclus, c’est désolant. Ce qu’elle que soit leur qualité, qui est un autre débat.
Issu de son premier album, sa chanson Comme des enfants avait atteint la première place du palmarès des albums vendus au Canada en début 2009. C’était la deuxième fois seulement qu’une chanson francophone faisait telle performance. Belle victoire de la francophonie contre l’impérialisme anglo-saxon. Alors pourquoi abdiquer en si bon chemin et passer dans le camp dominant, s’offrir au plus grand dénominateur commun ? Pour quel bénéfice escompté, pour un chèque de quel montant ? « Pour qu’on puisse comprendre mes paroles aux États-Unis » répond-elle en substance… Et les francophones ?
« En français ou en anglais, qu’importe » dit au hasard d’une phrase, presque en fin de texte, l’argumentaire du label. C’est pourtant là le problème. Défendre une langue, défendre sa langue, c’est défendre une culture, sa culture ; c’est défendre l’inestimable, l’infiniment précieux. Il est dit qu’en France tout finit par des chansons. Au Québec ça doit être pareil. Si elles ne se chantent plus que dans la langue du bizness, de la bourse de Washington, ce sera foutu.
Cœur de pirate, Roses, Riviera/Barclay 2015. Le site de Cœur de pirate c’est ici. Paradoxe : les seuls clips disponibles relatifs à ce nouvel album sont en… français. En voici un :
Ce qu’il y a de plus réussi dans l’album, c’est la couverture. Pour le texte, on ne perd pas grand chose à ne rien comprendre, ni en français ni en anglais…
La pochette donne effectivement très envie (belle photo !). Mais c’est vide dedans, y’a rien et moins que rien car tout ou presque y est en anglais. Mais qu’attendre de cette jeune femme qui n’est autre qu’un produit de consommation sans âme : tant qu’il y aura des acheteurs pour une telle médiocrité, on produira de la sorte… Allons plus loin scruter ce qui se chante au Québec : c’est autrement plus intéressant.
S’ils lisent ce billet, les fans de cette pirate pas farouche vont pas être contents. Mais ça fait du bien de le lire
C’est sans doute le « Mistral gagnant » qui est, comme chacun sait, un vent du Sud, qui l’a portée à la conquête de l’Amérique ! Et comme elle le chante si bien, on va l’oublier. Il y a mieux à écouter.
Danièle persifle et signe : je dois dire que j’aime beaucoup ce rappel et cet humour. Effectivement, on se souvient que Coeur de pirate ne semblait pas savoir ce qu’était un mistral gagnant, alors qu’elle venait d’enregistrer cette chanson pour le disque « La bande à Renaud ». Elle pensait que c’était un vent. En québécois je ne sais pas comment on dit, mais en français du vieux continent, c’est se prendre un vent !
(commentaire publié sur facebook)
Interesting how Michel Kemper takes issue with Coeur de Pirate’s new album being mostly in English (9 English songs, 4 French songs). He feels that a Quebecoise should stand up for her language instead of going « mainstream » especially since she’s had a lot of success with entirely French language albums. I do think she sounds better in French. I can understand where Kemper is coming from, but it’s funny to see such a strong opinion and to see English described as the language of capitulation to corporate interests. I’m just used to it as what I speak, so I don’t see it as all that malevolent. He also says that she may not understand these issues because she’s young. Maybe he’s trying to be nice and not accuse her of being profit-centered but that’s really condescending. She’s 25 and a mom; she’s not a baby. I always want more French (like cowbell) but her singing in English is a legitimate choice. I suppose I would prefer 9 French songs and 4 English ones.
Soyons objectifs , la version piano voix sur France 2, de Oublie-moi, si le texte n’est pas transcendant, est fort agréable. Pourquoi cette orchestration dégoulinante sur l’album, qui en plus couvre la voix, qui en direct se fait douce !
A 5:15 :
http://www.francetvinfo.fr/culture/musique/coeur-de-pirate-presente-rose-son-nouvel-album_1066789.html
Quant à la version de Mistral gagnant, bien qu’elle n’ait pas compris tout le sens de ce qu’elle disait, je trouve que sa voix d’enfant grave lui convient très bien. Décidément le piano voix lui va mieux que l’orchestration pop qui transforme cet album en soupe (quelques airs en anglais sont malgré tout écoutables, justement par l’orchestration plus discrète, Cast away, The way back home, Our love, The climb).
Et pour en revenir au fond de l’article, les chansons en français bénéficient de la même écoute que celles en anglais, sur Deezer ce sont les 2 premiers titres, un en anglais, un en français, qui arrivent en tête, et sur Spotify elles sont toutes à égalité.
(commentaire publié sur facebook)
Je trouve sa voix irritante tout autant que son personnage de fiancée du pirate… pour une maloine que je suis ce cinéma la rend encore plus insupportable… Pirate d’opérette !
(commentaire prélevé sur facebook)
« Défendre une langue, défendre sa langue, c’est défendre une culture, sa culture ; c’est défendre l’inestimable, l’infiniment précieux. Il est dit qu’en France tout finit par des chansons. Au Québec ça doit être pareil. Si elles ne se chantent plus que dans la langue du bisness, de la bourse de Washington, ce sera foutu. » – Michel Kemper, NosEnchanteurs. Ben moi, je suis parfaitement d’accord avec ça ! Je suis pour un Québec qui chante dans sa langue parlée : le français. On peut le tordre ce français, l’angliciser de temps à autre mais il doit continuer d’exister. Choisir de chanter dans une langue, c’est prendre parti, c’est se nommer, c’est dire haut et fort qu’on existe !
Nos lecteurs historiques et fidèles le savent : ce n’est pas la première fois que NosEnchanteurs traite de ce sujet. Ainsi ce papier publié en août 2011 : http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2011/08/03/je-chante-faux-en-francais/
Et le « chanteur québécois préféré des Français » Pierre Lapointe qui annule pratiquement tous ses concerts en Europe … (Lui au moins chante dans une langue très belle, la sienne). La chanson québécoise est décidément en berne.
Pas tous ! Voici celui de Saint-Etienne, en juin de cette année, lors du festival Paroles et Musiques : http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2015/06/06/paroles-et-musiques-2015-pierre-lapointe-toute-joie-mise-au-clou/
Je l’ai vu à Nîmes en février dernier http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2015/02/19/pierre-lapointe-notre-chanteur-populaire-quebecois-prefere/
il vous reste à courir à Paris le 30 novembre prochain au Théâtre du Rond Point. Vaut le voyage comme dirait notre guide vert national.
Je l’ai vu également à Paris au festival FNAC live avec Cyril Mokaiesh dans un excellent concert mais il a annoncé très récemment qu’il annulait toute sa tournée en Europe pour raison de santé, à l’exception en effet du concert chez Ribes au Rond Point.
je comprends fort bien votre pertinente remarqua sur l’usage un peu trop fréquent de la langue de Shakespeare sur « Roses » le nouveau disque de Cœur de Pirate , néanmoins le premier single extrait (beaucoup diffusée sur les ondes ) est un titre en Français « Oublie-moi ».Les quotas sont respectés !!