Barjac 2015. Roucaute mis à nu !
Sauvé dans Catherine Cour, En scène, Festivals, L'Équipe
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Du moins il commence son spectacle (sous le chapiteau, où la température flirte allègrement avec les 40°) par une chanson « de circonstance » : « Déshabille-toi, mon gars, garde que ton âme, garde que ta flamme. » En de telles circonstances, Gilles Roucaute est prêt à tous les sacrifices… Quel beau destin que de se retrouver sans peau, pour un écorché vif !
Roucaute est autant un diseur (ce spectacle, Cracheur de mots, en est la preuve s’il le fallait encore) qu’un chanteur à part entière. En conséquence il nous gratifie d’un spectacle très « consistant », côté textes. La légèreté, réjouissante, c’est qu’il est habillé, éclairé, sublimé par la projection de splendides dessins de sa compagne Liu ya Guang. Estampes et verbe s’y interpellent se tutoient. Il faudra trouver un nom pour qualifier le fait : « chanson graphique » peut-être…
Pour qui le connaît, Gilles est depuis longtemps un tout grand de la chanson. Le fruit est mûr et il convient maintenant que ça se sache ! Il est temps de le cueillir, délicatement, préservant ses sucs et ses parfums… Ses mots se sont bonifiés, exhalant leur summum : qualité de l’inspiration (franchement atypique et volontiers orientée vers la mythologie), de l’écriture, de la composition, de l’interprétation… Tout y est, dans un équilibre solidement tenu, charpenté par l’artiste-artisan qu’il est. L’humour aussi est présent, comme lorsque notre chanteur-citoyen fait comprendre au « brave français moyen » votant pour la première fois « front national » qu’il risque fort d’enclencher un processus le conduisant à l’ultime vote, la fin de l’urne : « Le système électoral… c’est fini ! » Mais, entre nous, le brave français moyen ne saurait être de cette assemblée…
L’horaire très contraint aurait pu être un handicap, obligeant à tailler dans un spectacle bien ficelé, où chaque chanson a sa précise place, s’enchaînant souvent deux par deux, pour « resserrer » encore l’impact des textes. Gilles a intégré l’obstacle et décidé de ne (presque) rien modifier. Textes denses, intenses, succèdent aux plus légers. Les contrôles d’identité « au faciès » ou le conte d’après Noël alternent avec le rêve du sein ou « L’appel de bébé ». La chanson d’amour trouve sa place, un peu vers la fin… et avant le « J’accours » dont le refrain échevelé, morceau d’anthologie est repris en chœur par le public… bien aidé en cela par la projection du texte sur l’écran vidéo providentiel !
Ultime gag qui clôt le programme : l’affichage des remerciements habituels défile sur l’écran, tel un générique qui s’achève par un « Il n’y aura pas de rappel ! T’as vu l’heure ? ». Applaudissements nourris du public… qui tout de même aurait bien voulu un p’tit morceau de plus… mais comprend et apprécie de pouvoir partir à l’heure, qui vers un autre destin, un restaurant, un stand « sandwiches bio » (on est à Barjac, « commune labellisée bio » et dans un festival éco-citoyen, quand même…). Qui à déjà prendre position pour le spectacle du soir. Dans la file d’attente, ça va parler de Roucaute : nombre de festivaliers vont regretter de ne pas être passés par la case sauna.
Le site de Gilles Roucaute, c’est ici ; que que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Gilles Roucaute, dont je suis le parcours depuis quelques années, a atteint un sommet à Barjac. Dans des conditions difficiles où le public n’est pas enclin à l’indulgence par cette chaleur un peu écrasante, il a réussi une performance formidable dans un registre difficile où l’humour souvent noir côtoie l’amour pas totalement rose. Son spectacle, très abouti, construit avec intelligence est original et captivant. Présent, tout en retenue, délicat et puissant à la fois, il est devenu ce jour-là à Barjac un grand, un incontournable.
Il ne suffit pas de passer à Barjac, encore faut-il y faire ses preuves. Pour Roucaute, c’est réussi, totalement.