Blanzat 2015. Jean-Luc Debattice, le flibustier
Expérience singulière que de s‘ouvrir sans transition à l’univers de cet artiste après l’émotion vive qui venait de nous étreindre à l‘écoute des quelques chansons de Laurent Berger et du piano de Nathalie Fortin.
C’est vrai que c’est aussi ce que nous attendons d’un festival. Qu’il nous surprenne, nous déstabilise, pourquoi pas, dans nos conforts d’écoute. Ce soir l’effet était réussi, convenons-en, même si d’évidence, ce n’était certainement pas le calcul de la programmation.
Sans doute un temps de pause, de « décantation » nous aurait-il été nécessaire pour aborder cet univers de flibustier en lutte contre les démons de notre humanité « qui passe à la trappe ».
Il y avait en effet une forme de violence dans son accompagnement abrupt de la guitare, dans sa voix qui appelle, déchire, provoque, qui flirte avec le théâtre. Bien sûr, Jean-Luc Debattice nous apparaît clairement comme un comédien aguerri. Entre théâtre, chanson et poésie, sa longue fréquentation des poètes du Chat Noir ou de Jim Morrison par exemple, lui a sans doute donné ce jeu, cette expression. Non dépourvu d’humour, de dérision, « Moi, j’me sens bien quand tout va mal », il sait user du langage de son corps, de ses déplacements, de son visage qui se tord, grimace…
Bien sûr on est touché par la saynète de l’homme sautant par la fenêtre, entre tragédie et burlesque, accompagnée d’un enregistrement piano – contrebasse – batterie. Le texte provoque et fait mouche. On apprécie aussi ce salut pathétique au vieux frère qui joue son dernier rôle. On ne reste pas insensible non plus à la danse désarticulée de l’homme écorché vif par le temps, les doutes, l’absurdité, l’homme « sans curriculum vitae et sans QI ».
Mais on est beaucoup moins convaincu par le long enchaînement de chansons interprétées sur le même tempo de la guitare, sur la même tonalité, avec cette voix qui nous provoque, surtout lorsque l’interprète lit ses textes, les yeux plus souvent sur son pupitre que tournés vers le public.
Avouons, on se lasse, on s’ennuie de cette vision apocalyptique de la vie, de cette chaîne humaine, ce « troupeau harassé » ce monde en décadence. On entend certes l’appel désespéré contenu « Ah ce serait si simple, vouloir que la vie aille sur les rails » et l’on pourrait alors chanter des ballades…
Lorsque Jean-Luc Debattice nous laisse sur ce constat « Il n’y a plus de griots, de chants au cœur des hommes » on voudrait lever le camp, s’en aller vérifier que dans la nuit le chat noir est toujours assis sur son croissant de lune.
Effectivement, j’ai essayé de me laisser embarquer par ce diable de comédien, mais j’ai eu du mal !
Une erreur de casting ? ou pas??
Mais non, mais non ! il en faut pour tous les goûts ! Et il a été très applaudi !