Pourchères 2015. Marguin et Le Poulichet, autres notes, autres tons
Lui est manifestement de l’école Brassens qui, par ses propres chansons, semble prolonger un peu l’œuvre du vieux. Sur scène il ne lui manque que la pipe. C’est dans l’esprit, dans le dodelinement de ses musiques, dans l’écriture. Bon, s’il ne chante pas Le gorille, il compare l’homme au chimpanzé, cause au pelage. Et s’il ne coupe pas les cheveux en quatre, il chante pile la pilosité, les poils de la virilité. En ces cérémonies du centenaire, c’est autre hommage aux poilus… S’il chante la sur-consommation, c’est tant comme écolo-responsable qu’il est qu’en la comparant « [de] partout [aux] gens qui manquent de tout. » Dans son genre, André Marguin est excellent. Il arrive à nos oreilles, moustache poivre et sel, dans un art presque accompli auquel, sans nullement révolutionner quoi que ce soit, il ajoute quelques beaux et agréables titres, pour y contribuer, apporter modestement son écot. Modeste, oui, ça le caractérise : « Je sors pas de la bourgeoisie lyonnaise / J’ai grandi les pieds dans la glaise. » Et gentil, affable : « On m’a fabriqué bonne pâte / Mon papa m’a pétri comme ça [mais] je rêve d’être méchant. » Marguin n’est d’ailleurs pas à une contradiction près. Méthodique, il sépare le bon grain de l’ivraie, le petit haricot du plus gros : « Quand est-ce qu’un haricot / Se révèle assez gros / Pour qu’on doive l’admettre / Dans le clan des gras joufflus / Ventripotents / Dodus ? » La chanson d’après il vous confesse être bordélique, que « chez moi c’est le bazar. » Y’a que ses chansons qui sont bien ordonnées, faites de jolis accords et de propos censés. Et de cette constante révérence envers tonton Georges. Rien que pour ça, merci !
On ne cherchera pas de lien avec celui qui suit, Emmanuel Le Poulichet. Ou, s’il y en a, c’est sur un titre, un seul : L’assassinat, de Georges Brassens (« Nous au village aussi on a / De beaux assassinats »). Deux autres reprises, l’une de William Sheller l’autre de Thomas Fersen, nous situerons vaguement le jeune homme dans l’espace chanson. Et quand même sur cette fibre écolo qui leur semble commune : « Je recycle en solo / J’ai mon écosystème / Mes souvenirs les plus moroses / Auparavant j’les aurais enterrés / Maint’nant j’en fais quelque chose. » Ses chansons sont effectivement des morceaux de vie, de civilité, un peu à la recherche de ce que nous sommes, de ce qu’il est aussi : « J’ai soif d’en découdre / L’odeur de la poudre / Me rend chaud-bouillant / Vous aurez de mes nouvelles / Soyez-en sûrs. » Tout jeune encore, cet autre lyonnais (secondé par Julien Delooz aux percussions) se cherche, se raconte, s’écrit : « Artiste de la gomme / Je cherche encore le titre. » Autobiographe, il se veut être un type rangé « au rayon des causes perdues. » Et s’introspecte. Comme il est d’usage quand on est artiste, il se lance dans la chanson d’amour, précisément dans un triptyque rencontre/amour/rupture : là on ne comprend pas que le dernier titre ne soit pas dans la même langue… Bon, « ce n’est rien qu’un exercice de style, ça n’a rien d’une profession de foi, mais ce n’est pas moi » nous instruit-il. Exercice de style, c’est l’idée qu’on retient de lui. C’est du plutôt bien fait, bien ouvragé, mais son art manque encore de pas mal de choses pour tout à fait nous accrocher, pour déjà nous manquer. Le Poulichet en est au début : c’est simplement prometteur.
Autres notes, autres tons, et autres découvertes qui nous montrent l’extrême diversité et richesse de la chanson française, face à l’extrême pauvreté de ce que les médias nous donnent à écouter . Vive ces petits festivals qui nous font découvrir et écouter le meilleur .