Sollex, le vélo-moteur de la Chanson

A quoi carbure Romain Lefrançois, nom de code et de scène « Sollex » ? A la solexine sans doute, ce qu’il faut pour ce chanteur deux temps. Deux temps car il s’inscrit d’une part dans une tradition, un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, d’autre part solidement dans le temps présent. C’est une chanson joyeuse, drôle, qui ne risque pas de se prendre la tête. Ni la vôtre. Pour vous en faire un juste idée, outre qu’il est recommandé de regarder la vidéo ci-dessous, c’est un peu comme l’art (et le timbre) de Fred Radix avant que celui-ci ne devienne Le Siffleur qu’on sait.

Et un disque qui ne se limite pas à additionner des titres (quatorze tout de même) : ou si addition il y a, elle est en elle-même création, qui convoque à elle des incidents techniques – et le temps d’attente et les excuses qui vont avec –, des jingles de téléphages, des inserts téléphoniques, des bruits, des gags en pagaille.

Sollex crée de toutes pièces des situations, des personnages, des actions, des résolutions. Ici c’est un caméléon (sans jeu de mots, l’action est toujours franche) qui pleure sur ses couleurs « qui ne coulent pas / ne se délavent pas / elle restent collées à ma peau / je les porte comme un fardeau. » Faut-il dire que le musique est alors très colorée ? Là c’est le triste employé aux journées répétitives dont le seul plaisir est de mater l’arrière-train de sa supérieure. Et là le fiston qui hérite de l’usine de bonbons tandis que la paternel se la coule douce. Et encore Albert le canard, victime d’une escroquerie à l’art, s’étant fait voler la vedette dans « Le lac des cygnes ». Ou Batman, le pété de thunes de Gotham qui n’a même, pas, la honte, de super-pouvoirs ! Si ce n’est un Pobre gaucho qui singe sur quelques vers « La Marseillaise » (« Entendez-vous / Dans la pampa / Les bottes noires / Des soldats » : d’autres références perfusent agréablement ce disque) et est surtout prétexte à une musique exotique (les propositions musicales et les genres changent toutes en fonction des chansons, comme quand on change de décor), rien n’est ici engagé. Par contre tout est engageant, bien construit, bien enlevé. Toujours renouvelé.

« Nous avons pris notre temps pour accoucher des quatorze chansons du disque. En effet, quand on voyage en vélo-moteur, il vaut mieux être patient et savoir apprécier la balade. En véritables artisans de chansons moto-produites, nous avons emprunté de nombreux chemins, roulé notre bosse par monts et par mots, exploré des plaines de créativité et parfois rebroussé chemin » en dit Romain Lefrançois qui semble être sur la bonne voie. La bonne voix aussi. Car, tout à fait entre nous, depuis la bicyclette de Barouh et Montand, preuve en est que la chanson a fait du chemin… En Sollex !

Ça vous arrive sur la platine comme un cheveu sur la soupe. Ça s’écoute sans faim et ouvre l’appétit, tant qu’a la fin on le remet au début pour un nouveau tour de pistes.

Sollex, Chansons en roue libre…, La Cave de disques/Quart de lune/SCPP 2015. Le site de Sollex, c’est ici.