Festival Dimey 2015 : Frédéric Fromet, tir nourri de chansons drôles
Ce festival Dimey de Nogent a vraiment exploré beaucoup de secteurs de cette chanson francophone qui allie des paroles et de la musique pour faire passer des idées, des histoires, des sentiments et des émotions : du lyrique d’Anne Baquet au slam de Louis-Noël Bobey, du rock de Frédéric Bobin à la fragilité assumée de Gaëlle Vignaux, les spectateurs ont bénéficié d’une variété d’expressions dont ils n’avaient peut-être pas idée initialement. Mais ils étaient loin d’avoir eu l’exhaustivité des possibilités, et Frédéric Fromet en a déroulé une autre forme : les chansons humoristiques.
Debout avec sa guitare au centre de la scène entre ses deux musiciens (contrebasse et accordéon) bien complices, quasiment sans bouger, il va chanter de sa voix agréable (légère et un peu nasale), et avec un bon débit une vingtaine de chansons. Elles seront chacune précédées de quelques phrases d’introduction qui mettent immédiatement le public dans leur climat ou expliquent leur genèse, et déjà enclenchent le rire. Le premier titre, iconoclaste en pareil lieu, donne le ton : il se moque bien gentiment des « vieux poulets de la chanson française », c’est-à-dire des amateurs de chansons françaises à texte… suivez le regard ! Il y aura aussi un petit paquet pour le milieu associatif avec tous ses mots au suffixe –if, que bien sûr tous les bénévoles de l’association Bernard Dimey prendront au second degré ! Et encore une salve avec l’accent qui s’impose sur les campagnes de Nogent ou d’ailleurs « Ah c’qu’on est bien cré nom de dieu / Chez les bouseux » avec les odeurs de la nature, en parallèle d’une autodérision sur les bobos parisiens. Tout ce qui, dans la grande actualité, peut être tourné en ridicule n’échappe pas à sa verve : l’extrême gauche de Lutte Ouvrière sur l’air de L’Internationale, l’évasion fiscale avec HSBC ciblée sur Gad Elmaleh dont les oreilles ont dû siffler, ou Mawine Le Peigne avec l’accent qui convient. Mais la vie quotidienne l’inspire aussi, les fous du footing et du foot, les incivilités « des vieux de banlieues » ou les émissions à sensation de la télévision dont le chapelet des titres forme le texte de la chanson ! Des idées originales naissent aussi des conséquences du monde moderne et il imagine tous les appareils électroniques en rideau, ou bien que les « petits merdeux à mobylette » qui vous réveillent et les « gros merdeux avec leurs 4×4 » se rentrent dedans en guise de rencontre, ce qui résoudrait le problème du bruit nocturne ; il y en a aussi sur les journées dédiées aux diverses causes, les sites érotiques, et une qui pourrait faire rire le pape et le président, inspirée par la suppression du ç dans les messages électroniques qui change la phonétique des mots : « Francoise, commercante aux idées préconcues »… Hilarant. Vers la fin du récital, des chansons plus engagées, comme « Dis-moi de quel pays tu viens / Je te dirai si t’es quelqu’un de bien » avec la chute « Moi, t’as compris, je ne suis pas du coin » ou comme « Les attentats expliqués aux enfants » sur l’air de Cadet Rousselle, donnent une épaisseur éthique au chanteur et une dimension sociétale à toutes ses chansons : la dérision permet d’exprimer des maux, de les dédramatiser et ainsi de commencer à résoudre les grands et petits problèmes de la vie actuelle.
L’œuvre de Frédéric Fromet est donc à la fois rafraîchissante, jubilatoire et salutaire. Il se situe dans la droite ligne des chansonniers qui faisaient au siècle dernier feu de tout bois politique, mais aussi de Ricet Barrier dans certains portraits ou de Pierre Perret dans certaines façons de pousser le bouchon plus loin qu’attendu. Faire rire en chansons n’est pas facile, mais Frédéric Fromet y parvient sans avoir l’air de forcer !
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