Richard Anthony, 1938-2015
La génération Âge tendre et tête de bois perd un de ses éminents membres en la personne de Richard Anthony, 77 ans, aux succès que seule la nostalgie nous permet de conserver en mémoire : Et j’entends siffler le train, A présent tu peux t’en aller, Le sirop Typhon ou Amoureux de ma femme… Postulant chanteur en 1958 (Nouvelle vague), il se laisse entraîner par la vague yéyé (twist, bossa nova, locomotion) qui déferle dès 1960, avec des titres qui, souvent, méritent peu de l’appellation « chansons » (Itsy bitsy petit bikini, c’est lui) à moins d’être tolérant dans la définition. S’il est un des pionniers du rock hexagonal, il fut vite distancé par Johnny, la future idole des jeunes, qu’il ne saura concurrencer. Question d’embonpoint, mauvais point pour lui donc. Richard Anthony va se résigner à n’être qu’un collectionneur de tubes mélancolico-sentimentaux (Ce monde, Aranjuez mon amour…). Mine de rien, il les empile, même s’il a parfois du mal à suivre les modes, tel le disco qui l’efface un temps des radars des plateaux télé.
La vague de la nostalgie (il y a une radio qui porte bien ce nom et en est l’incontestable support) et des compilations (son coffret de 300 chansons de 1993 sera triple disque d’or) et de la tournée Âge tendre et tête de bois (il en sera « sociétaire » cinq années durant) le protège de l’oubli, faisant de son répertoire (là, on ne parlera pas d’œuvre) une rente régulière. C’est bien pour cet artiste aux multiples demeures. Aux multiples mises en demeure du fisc aussi, tant qu’il fut un des rares chanteurs à avoir un numéro d’écrou.
Allez, j’avoue avoir fait partie du fan club de Richard Anthony , je correspondais avec sa secrétaire Danielle Fillieux , et j’ai été invitée par elle une fois au club, à Paris . Mais je n’en ai pas gardé un souvenir impérissable ! C’était l’époque de « Salut les copains » qu’on avait le droit d’écouter au lycée, en cours de dessin . Richard Anthony a eu le mérite de me faire connaître ce merveilleux concerto d’Aranjuez .
Tous les succès de Richard Anthony sont des adaptations de standards, américains le plus souvent, il faut reconnaître qu’il avait une voix agréable, et à cette époque on chantait en français pour les français.
J’entends siffler le train vaut bien 500 Miles d’Hedy West : https://www.youtube.com/watch?v=rwnNdqpCF8Q
Ecoute dans le vent est une reprise de Blowing in the wind de Dylan: https://www.youtube.com/watch?v=DFvkhzkS4bw
bien supérieure à celle d’Elvis : https://www.youtube.com/watch?v=_anTXgrdOkI
Quant au Aranjuez, mon amour (1967) c’est une reprise du Concerto d’Aranjuez de Joaquin Rodrigo, sur des paroles de Guy Bontempelli. Il a été vendu à plus de 5 millions d’exemplaires dans le monde : https://www.youtube.com/watch?v=8Pi35dbSGIY
(texte publié sur facebook)
Extrait de mon journal secret lundi 20 Avril 2015
Mon cher journal.
Tout à l’heure j’allume le poste et j’apprends que Richard Anthony est allé chanter avec les anges son tube planétaire : « J’entends siffler le train ».
Je me souviens que cette chanson avait été rapportée des Etats Unis par Hugues Aufray qui en avait fait l’adaptation française. Elle était restée première dans les charts pendant des jours et des jours, peut-être pendant six mois et, si les gamins dont je faisais partie, passaient leurs jeudis après-midi, jour où nous n’avions pas classe, et leurs soirées à tenter de la jouer correctement sur leur guitare en en susurrant les paroles tout en tachant d’imiter au mieux la voix du « Tino Rossi du twist » comme avait été baptisé le malheureux Richard par je ne sais plus quel pitre, ce n’était pas pour entrer dans les grâces de nos parents qui le préféraient aux Chaussettes noires où à Johnny mais pour tenter de récolter les fruits de ce travail intensif, c’est à dire d’enfin parvenir à rouler une galoche à la petite blonde du quatrième !
C’était le bon temps ! Je vous le dis sans ambages jeunes cons ! Les filles étaient jolies. Elles ressemblaient presque toutes à Brigitte Bardot. Bien sûr tu peux pas t’en rendre compte parce que maintenant c’est ta grand-mère mais je te promets qu’à l’époque elle avait 16 ans et elle en jetait grave ! Tous les gars avaient un peigne dans la poche et les poils du crâne bananés ! On rêvait de blousons noir… heu… moi c’était plutôt en daim le blouson et de lunettes noires comme celles des vedettes dans les magazines… Nos futals étaient patte d’éléphant et nos acnés juvéniles ! Celui qui n’avait pas une guitare dans le dos n’osait plus montrer son nez dans les surboums où nous twistions comme des malades et, dès qu’on allumait la radio c’était pour entendre dans le poste Richard Anthony gazouiller « Et j’entends siffler le train… ». Dans cette chanson il disait qu’il entendrait siffler ce train toute sa vie. Je veux bien le croire. Cette musique voilà cinquante ans et plus qu’elle me trotte dans le crâne et l’été dernier je suis même allé dans un bled paumé de la Route 66 pour filmer un train avec l’espoir de l’entendre siffler !
Nostalgie… nostalgie !
Bref, Richard Anthony n’est plus… C’est la vie comme dit l’autre ! Ouais mais pour lui c’est la mort et je me demande si, pour rendre hommage à l’idole et son tube ferroviaire, la SNCF demain se mettra en grève ?…
Hugues Aufray a enregistré Et j’entends siffler le train dans un 45t 4 titres en juillet 1962. Je pense que cette vidéo reprend la version audio d’origine :
https://www.youtube.com/watch?v=THqBKMAIK8o
Les paroles sont de Jacques Plante