Jules & Jo, ces belges qui se caressent un pneu
C’est un duo, des roux jusqu’aux roustons. Et s’ils sont passé à trois, c’est pour des raisons musicales : le contrebassiste n’est pas roux ! Un impur, qui pourtant abreuve nos sillons. Ne minimisons pas le reste du disque, les autres pavés, les plages, mais le temps fort de leur second opus est bien la chanson-titre, Pouvoir aux roux !, un radical manifeste, un appel au soulèvement des roux et des rousses de tous poils, de toutes touffes : « Vibrons à l’unisson / Rouquins de toutes nations / Il est fini le temps / Du sale roux odorant. » Ça sent le roux, si.
Après Le trophée de 2011, après avoir raflé de partout des prix du public à foison (ils n’ont que rarement celui des jurys, bien trop sérieux, bien trop respectables pour sacrer des comiques), Matthias Billard et Julie Legait poursuivent leur tentative de sape de la chanson française : eux s’en foutent, ils sont belges ou présumés tels.
Je parlais de roustons. Pour la consonance mais pas queue. Matthias est capable de vous chanter un truc charmant (Le roi de l’étang), une bluette, où il s’astique sur le champ mais dans l’étang en pensant « à Chantal qui m’aima trois jours / Et mon rachitique polisson / Se lamenta à gros bouillons / Oh ma semence vagabonde… » Chanter son chibre n’est plus si fréquent, ce n’est plus dans l’air du temps. Eux le font : gloire à eux. Ils réhabilitent et renouvellent une chanson un peu raide tombée en désuétude.
Passons à autre chose, pensons à Lulu. On ne va pas vous décrire par le menu toutes les chansons de cet album (achetez-le, que diantre !) ; ça parle ici d’un type en zonzon (même là « on s’fait mettre la misère / tout nu couché par terre / on dit rien ou sinon… »), là ça caresse un pneu (vraisemblablement pas le même que celui cité plus haut), ça entretient plus loin le mystère d’un crime au Jardin botanique, ça fait aussi du fétichisme avec la culotte de sa mère… Plus tard, un enfant cogne dur un pédophile « les couilles de Jean-Papa entre ses petits doigts »… Et on se fait des Baisers aux agrumes : « Qu’il est doux ce mélange / Ta salive à l’orange / Ta langue un peu sanguine / Ta langueur mandarine… »
C’est du Jules & Jo qui osent tout : c’est dire si ça nous change d’une chanson souvent mollassone, stéréotypée, stérilisée, formatée, interchangeable. C’est bien écrit, ça a d’la patte, c’est interprété avec talent, ça ne se danse pas mais ça redonne du champ au chant, ça dépaupérise la chanson, ça ravigote. Pis c’est drôle (même si c’est parfois rire jaune), une dimension désormais rare en cet art. Depuis que le Pierre Perret se prend aux sérieux, rêvant de médailles et de reconnaissance de son vivant, le drôle s’est un peu fait la belle. Matthias Billard le réhabilite à sa manière.
Jules & Jo, Pouvoir aux roux !, Quart de lune / Socadisc 2015. Le site de Jules et Jo, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. En concert le 25 avril 2015 à la Zone à Liège, le 29 à la Comédie-Nation à Paris, les 13 et 14 mai au Limonaire à Paris, le 15 à La joie du peuple à Paris, le 15 juillet au Festifaï à Veynes et le 16 août au festival « A tire d’aile » à Régneville-sur-Mer.
Mon innocence a découvert ce joli terme avec Pierre Perret fort récemment, merci YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=dNnmcgxSb7g
Blague à part, beaucoup de personnalité ces Jules et Jo, prix moustaki mérité : https://www.youtube.com/watch?v=W7kaG4-kJ68
On aura compris que Chantal mérite, mais pas Lulu ! En tout cas, les roux-pètent le feu avec Jules & Jo !