Bénabar, Muriel, vous et moi
Sauvé dans En scène
Tags: Bénabar, Nouvelles
Bénabar, 26 mars, Palais des sports, Paris,
« Muriel, je t’en prie / Je t’en supplie / Dis-lui Ouiiii ! » Voici, voilà donc Bénabar, pas encore tout à fait vingt ans de scène mais ça vient. Et déjà une coquette somme de chansons, poésie souvent grinçante tirée du quotidien, de faits divers qui tirent sur le printemps. Trois jours au Palais des sports puis la tournée, Bénabar va à la rencontre d’un succès acquis, grand chanteur populaire qu’il est. Il y a une griffe « Bénabar », qui consigne nos bouts de vies, nos banalités, nos rencontres et en fait des vers bien mûrs. Qu’il restitue d’une énergie et d’une attitude en scène qui n’est pas sans faire songer à feu Cloclo. Il fonctionne au Duracell, pile dans une variété de bon aloi.
Le producteur de Barnabé (en verlan, Bénabar, comme chacun sait) a eu l’idée, va-t-on savoir pourquoi, de placer un humoriste en première partie. Il aurait pu y mettre un chanteur en devenir, solidarité simple de l’artisanat chanson, mais non : c’est un rigolo. Qui l’est pas. Du bien beauf, bien vulgaire, pas Bigard mais pas loin : du graveleux, de l’hyper matcho, bien genré comme on dit, option genre con : « Comment vous avez fait pour décrocher ce poste ? C’est la première fois que je vois une femme décrocher quelque chose ailleurs que d’un cintre ! » Que ce Olivier de Benoist soit un imbécile patenté ne me gène pas. Mais qu’on propose ça au public de Bénabar m’indispose, sauf à le prendre pour des beaufs. Des bobos-beaufs, ça se dit ?
Donc, Bénabar. « C’est très salissant l’amour propre / Surtout quand le lion prend la fuite / Coursé par une antilope / Qui d’un coup de patte le décapite. » Bénabar prend des râteaux. Et ratisse large. Large, mais avec talent. Tant que tous que nous sommes nous y retrouvons, un peu beaucoup, plus même parfois, souvent. Comme ce père largué, qu’elle (encore Muriel !) a jeté. Et l’enfant, Titouan, son trésor, au milieu… Tout est décomposé dans le recomposé. Dire que dans cette bonbonnière bondée du Palais des sports, y’a sans doute plein de femmes qui muriellent en devenir, pour plus tard ou pour bientôt.
Bénabar c’est la vie qui coule, s’écoule. Des photos comme celles des épices du souk du Caire, des instantanés, parfois un long-métrage comme dans Quatre murs et un toit. Un tour de chant à la manière d’un tour de vie. Lui observe, épie (« L’œil est un dépotoir / Y’a tellement de saletés »), restitue. Ça doit être ça que les gens viennent chercher, viennent entendre : un type qui leur chante leur vie, avec tendresse, pas méchamment ou pas trop, avec empathie, avec compassion. Pas de grands espaces avec Bénabar, pas de grandes aventures, non, pas de bonheur en lingots mais en p’tite monnaie : c’est la vie, banale, immuable, celle d’hier, celle de demain, métro-boulot-dodo avec parfois câlin avant dodo. Un peu le même commerce que Souchon sauf qu’ils en parlent différemment. Et que Bénabar en fait un show (très cuivré, très musical, de la batterie au violoncelle, de la contrebasse au mélodica, de l’accordéon au piano…), qu’il fait le pitre et le meilleur, qu’il saute, bondit, danse : presque les sirènes du port d’Alexandrie, dis. Mais pas de bénabarrettes, shit !
Sans blague, nous avons ici, comme d’autres ailleurs, un peu raillé Bénabar ces derniers temps. Alors, aujourd’hui, reconnaissons-lui et le pertinence de ses chansons et la qualité de sa prestation. Reconnaissons-lui le talent, le sien. Déraillons-le.
Le site de Bénabar, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Un déraillage dans le train-train de la vie ? J’aime bien Bénabar parfois. Ses chansons sont comme la vie, parfois il y a de grands moments, parfois, c’est d’une banalité à en mourir, et si il est populaire, c’est que chacun peut se reconnaître dans ces moments de vie. Mais, humainement, on ne peut le comparer à Clo-Clo !