Toute une vie, toute une polémique… juste une chanson
Tiens, une chanson qui fait débat ! La dernière création de Jean-Jacques Goldman, « personnalité préférée des français », pour les Enfoirés ne semble pas bien passer et provoque sur la toile des réactions épidermiques, sans doutes pas dénuées de démagogie et autres excès, autres relents.
Ça s’intitule Toute la vie et ce n’est autre qu’un dialogue entre « vieux » et « jeunes » sur la transmission, le monde tel qu’il est dont héritent les jeunes : « Des portes closes et des nuages sombres / C’est notre héritage, notre horizon / Le futur et le passé nous encombrent / Avez-vous compris la question ? » Les jeunes, plein de dégoût, de colère, demandent des comptes à leurs ainés qui avaient tout et ont tout gâché. Ça peut s’entendre.
Visiblement, la chanson ne passe pas, est traitée de « réac » (un mot magique et passe-partout qui est souvent dans le vocabulaire des cons) et Goldman est obligé de se fendre d’une explication de texte sur l’intention de la chanson : « C’est une chanson dans laquelle des adolescents reprochent aux générations qui les ont précédés l’état du monde qu’ils leur laissent : pollution, chômage, violence, dette, misère (c’est un sujet qui n’est pas si fréquent…). Les Enfoirés jouent le rôle des adultes qui leur répondent comme trop souvent : en se dédouanant et avec mauvaise foi, mais en espérant qu’ils feront mieux. Le fait que la jeunesse nous demande des comptes me semble la moindre des choses. Le fait que la chanson se termine en faisant confiance à l’avenir aussi. »
Quand on doit expliquer une chanson (comme on le ferait d’une blague ou d’un dessin d’humour), c’est que celle-ci est plus ou moins ratée.
Le dialogue entre génération n’est pourtant pas une nouveauté dans la chanson. Que je sache, l’un des enfoirés titulaire de sa charge, Maxime Le Forestier, ne chantait pas autre chose en 1975, dans Dialogue : « Avec ce que j’ai fait pour toi / Disait le père / Je sais, tu me l’as dit déjà / Disait l’enfant / (…) Nous, on vivait pour quelque chose / Disait le père / Vous êtes morts pour pas grand chose / Disait l’enfant. » Je n’ai pas le souvenir du moindre scandale dû à cette chanson.
Mais c’était un dialogue entre père et fils, non entre une assemblée de stars (tout le monde peut être enfoiré et faire le chanteur pourvu qu’il soit people au compte en banque cossu – beau mépris entre nous de ce qu’est la chanson) et un parterre de jeunes figurants (des intermittents ?) qui leur donnent la réplique.
Et c’est sans doute là que réside la violence de cette chanson. Non dans les paroles d’un Goldman qui ne sait écrire que consensuel, gentil, avec grande empathie, mais dans ceux qui les portent : que des parvenus du showbiz, des squatters de télé et d’audimat, des qui se partagent à tour de rôle le canapé de Drucker, des qui ont le cachet lourd : des Gérard Jugnot, Minie Mathy, Le Forestier, Patriiiiiiiiick, Zaz, Zazie, Jean-Louis Aubert, Michèle Laroque, Grégoire, Lorie, Pascal Obispo, Jenifer, Dany Boon, Liane Foly, Lââm, Natasha St-Pier, Kad Merad, Pierre Palmade, Michaël Youn, M. Pokora, Nicolas Canteloup et autres divertisseurs du petit écran et des Zéniths géants.
Que ceux-là fassent la leçon aux jeunes et les résosociaux se mettent en colère et tombent à bras raccourcis sur le pauvre Goldman qui certes n’a pas écrit là sa meilleure chanson mais n’a rien fait de mal : lui ne s’est pas exilé en Suisse, n’a pas piqué dans les poches de la Bettancourt, n’a pas fait de fausses factures chez Bygmalion, n’a pas saccagé de cimetière juif, n’a pas massacré de grands gamins qui dessinaient, ne fait pas commerce de quenelles, n’incite pas à la haîne de l’autre. Sauf à me tromper lourdement, je crois Jean-Jacques Goldman sincère et totalement désintéressé. Je ne le dirais pas de tous ceux qui composent la bande des enfoirés, au bénévolat souvent calculé, stratégique, rationnel : les enfoirés sont une baronnie du showbizness qui se donne aura et bonne conscience. On y va pour y être vu : c’est rien que de la visibilité, de l’opportunisme.
Comme Jean-Louis Aubert, présent dans ce clip, qui désormais retourne sa veste et crache dans la soupe : « Toute la vie n’est pas réactionnaire mais très paternaliste. Moi, je ne pourrais pas chanter ça. Je ne l’ai pas chanté d’ailleurs, sur le clip, c’est du playback » vient-il de déclarer à La Dépêche en ajoutant : « Ce que m’a appris Goldman c’est que, quelque fois, on se retrouve à chanter des niaiseries mais ce n’est pas plus grave que ça. » C’est beau l’esprit d’équipe… Aubert est effectivement un bien bel enfoiré.
C’est une tempête dans un verre d’eau cette chanson . Et ceux qui râlent ne sont pas forcément ceux qui ont lutté pour que les jeunes aient un monde meilleur .
Pour les enfoirés, ils sont ce qu’ils sont, mais tous les moyens sont bons pour faire durer l’oeuvre de Coluche, la faim justifie les moyens .
Je suis bien d’accord avec ce petit billet doux.
C’est étonnant comme la chanson est un vecteur amplifiant de tous les sentiments et ressentiments, quels que soient les cercles (souvent fermés et étroits), les genres, les générations qui l’idolâtrent.
Qu’on n’aime pas toute la chanson, c’est normal et c’est sain. Que l’on soit passionné par un style, un personnage, cela ne nuit à personne. Mais je suis toujours consterné par le niveau passionnel, frisant la haine parfois, que déclenche chez les fans la promptitude à taper sur ce qui n’est pas l’objet de leur culte.
J’avais naguère encore l’idée que les valeurs dites « de gauche » défendaient la paix, la générosité, le respect de l’autre. J’ai cru un instant qu’être Charlie, c’était un moyen de se rassembler contre un ennemi commun qui ressemble à la barbarie avec ses atrocités. J’ai déchanté quelques jours plus tard en voyant s’entre-déchirer ceux qui étaient plus Charlie que les autres, ceux qui avaient ou non une légitimité venue de quel droit divin et ceux qui voulaient affirmer qu’ils étaient les meilleurs en étant différents !
Les réseaux sociaux, par leur possibilité de réactivité spontanée, sans mesure, débordent de propos fielleux et méprisants, d’attaques virulentes ou sournoises et de marques haineuses de toutes sortes. Les amateurs de chanson qui se croient plus de gauche ou plus anars que les autres n’échappent pas à cette crise passionnelle et dévastatrice. On les voit dépasser toute mesure à la moindre critique sur un spectacle ou sur une chanson qu’ils adorent, on les voit dans la même outrance pour casser une chanson ou un spectacle qu’ils détestent.
N’y a-t-il pas une mesure dans la nuance et dans la subtilité, entre le consensus fade et la passion incandescente ? Si l’on n’aime pas le sucre, doit-on jeter du vitriol dans le potage ? Peut-on écrire tout au premier degré, sans prendre en compte les dégâts collatéraux ? N’est-ce pas justement ce que l’on reproche à nos adversaires totalitaires, fascistes, néonazis, djihadistes et autres agents de la barbarie ? La haine n’appelle-t-elle pas la haine ?
Qui est l’adversaire ici : Goldman ou ceux qui exploitent la misère ? Et même si la charité-business nous agace et qu’il est d’autres manières de le dire, combien y a-t-il de bénéficiaires des Resto du Cœur potentiels parmi les détracteurs des Enfoirés ? La charité ne résout rien, elle n’est qu’une béquille, mais au nom de quoi casser les béquilles ? Pour les remplacer par quelle révolution, dans dix siècles ?
Ces querelles me font d’autant plus mal qu’elles viennent de gens qui sont comme moi désemparés devant le cynisme et l’arrogance des dirigeants mondiaux inaccessibles mais qui, faute de trouver les bonnes cibles, tournent leurs armes contre leurs voisins.
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Comme vous avez raison ! Je suis moi aussi, régulièrement choquée par les propos que je lis ici ou là ; même si on n’est pas d’accord sur quelque chose on peut le dire correctement et simplement sans agressivité. Quelle tristesse.
Dis donc Kemper, « Minie Mathy » , c’est petit-petit comme vanne… à moins que tu n’aies confondu avec Minnie ?
Bon, oui… mais c’est une petite faute !
voila, c’est ça, Michel: la chanson est juste nulle, absolument ratée à tous point de vue, pas de quoi faire tout ce foin! ça arrive à tout le monde de se planter.
(commentaire paru sur facebook)
Juste mal interprété par les polémiqueurs !!! C’est une très belle chanson qui donne du courage et de la force au jeune… Rien n’est jamais perdu.
(commentaire paru sur facebook)
Bon article sur « NosEnchanteurs » s’il faut effectivement dédouaner JJG (bien que cette chanson ne soit pas de la meilleure facture), la plupart des autres sont là pour la pub ! Merci Michel.
(commentaire paru sur facebook)
Merci Michel [Trihoreau] pour ton post. Ne pas aimer est un positionnement naturel voir instinctif mais détester demande beaucoup d’énergie…
Globalement d’accord avec ceci, même si l’avant dernier paragraphe est un peu fourre-tout.
Faut vraiment chercher la petite bête pour trouver à polémiquer sur le coté réactionnaire de la chanson. Comme d’autres l’ont dit, elle est juste moyenne, pour pas dire plus.
Je n’aime pas beaucoup tout ce « spectacle-charité » dont on dit que les artistes font ça bénévolement -c’est quand même une grosse pub offerte à qui on veut bien « intégrer à la bande », il paraîtrait même que certains des artistes ne sont présents que pour le spectacle enregistré pour la diffusion sur TF1…-, mais ils ont quand même le mérite de le faire et la cause est juste.
Donc c’est une chanson moyenne, pour un spectacle moyen, avec des artistes que je n’apprécie pas plus que cela, mais au moins ça existe et ça bénéficie à tant de personnes !
Ce qui me choque le plus dans l’affaire, c’est l’existence des Restos du Cœur… Ne devrait-ce pas être le rôle de l’Etat d’assurer à chaque citoyen un toit, un boulot et de quoi manger ? Mais il est vrai que l’on ne peut pas remplir à la fois la gamelle des banques et des entreprises du CAC 40 et celle de chaque Français… Heureusement qu’il y a des personnes d’initiative pour donner, créer des associations, des mouvements, des actions, … et pallier ainsi aux manquements, aux errances et à l’indifférence des eunuques qui nous gouvernent.
Ressenti parfaitement identique à Michel Trihoreau (également pour les réactions après Charlie), et globalement d’accord avec l’article. Beaucoup de polémique pour une chanson certes un peu faible, et surfant un peu trop sur le thème ressassé « génération sacrifiée », mais pour moi ce sont les jeunes qui font la leçon au vieux…
Et s’il y a du réac là-dedans, c’est la société entière, et surtout ceux qui la gouvernent en notre nom (?) qu’il faut accuser. Quant à Jean Jacques Goldman, il fait partie de ceux qu’il est à la mode de brocarder.
Le plus révoltant est qu’on ait encore besoin des restos du cœur 30 ans après leur création avec un accroissement de la richesse globale mais aussi des inégalités.
Quant à Jacques Attali, qui parle de vulgarité et de haine des jeunes, il est carrément ridicule, à sa place je me tairais…Encore un donneur de leçon dont on ne sait pas ce qu’il fait pour lutter contre la pauvreté.
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Je pense que Goldman est un type très bien, authentique, son engagement dans les restos me plait beaucoup.
Je n’aime pas la plupart de ses chansons, je n’aime pas sa voix, ni ses mélodies, et encore moins ses textes, mais je crois qu’il s’en fout.
Sa chanson partait évidemment d’un bon sentiment, mais comme elle est maladroitement écrite, certains lui on trouvé un sens contraire, mais en fait je m’en fous un peu, rien de grave, comme il le dit lui-même, c’est une chanson, et s’il continue à ramener du fric pour les restos, je suis ravi.
(commentaire publié sur facebook)
Perso, quoi qu’on pense de Goldman, il y a assez de déchets dans la variétoche qui encombre les ondes si on veut passer une colère. Goldman n’est vraiment pas si grave que ça. Je sais que certains artistes ont refusé de paraitre dans ce show des Enfoirés sur des motifs de qualité. C’est un autre débat… Enfin, Goldman a quand même chante avec Dan ar Bras. (« Je m’en vais demain ») Il y a des duos bien pires. Et certaines de ses musiques ne me dérangent pas outre mesure.
Par principe, je suis assez contre la participation des artistes à ces actions humanitaires. Cela finit quasi toujours par être de simples « plans de com ». D’autres associations n’ont pas d’ »enfoirés » et fonctionnent très bien sans.
(commentaire publié sur la page facebook NosEnchanteurs)
Contribution au débat : Nous sommes en pleine confusion. Il faut distinguer :
1) la personnalité et la carrière de JJG
2) Les Restos du Coeur et ses bénévoles
3) La tournée et l’émission de TF1
4) le chiffrage de tout cela, notamment la distinction à faire entre royalties de vente de disques, droits d’auteur incessibles, prestations artistiques, bénéfice en termes de temps d’antenne en prime time, droits voisins, vente de produits dérivés, retombées de l’émission en termes de dons
5) appréciation artistique sur la chanson de cette année, le style de l’émission-spectacle et le choix des interprètes. A ma connaissance un point complet et transparent sur l’aspect financier de l’opération TF1 n’a jamais été fait. Dans le cas contraire je suis preneur d’informations. (Le site des Restos du Coeur indique que 10% de ses ressources proviennent des Enfoirés.) Encore quelques questions: comment font les autres pays ? Ont-ils plus de nécessiteux ? Une étude existe-t-elle sur le désengagement de l’Etat et le rôle joué par les Associations ?
à chaque sortie des productions des enfoirées des petites polémiques pour faire le buzz et dynamiser les ventes de ces bouses musicales et de ces kermesses de fin d’année à grands moyens, rien de bien nouveau sous le soleil, à part peut être cette fois une meilleure adéquation du sujet de polémique à l’actualité et à l’ambiance de l’époque qui fait que tous les médias, y compris celui-ci, sont sur le pont pour relayer…
Du buzz pour pas grand chose, et pour moi pour rien, ça ne me fera ni acheter ce disque, encore moins voir le spectacle et même pas donner une tune à l’association.
de ces… ?
De ces productions. Honnêtement, si ça peut ramener un max d’argent dans la caisse des Restos du Coeur, personne ne trouvera à s’en plaindre ; ça sert à donner à manger à des économiquement faibles, à prendre le relais d’un état qui n’assure même pas le minimum vital.
Maintenant, qu’une chanson fasse débat ça nous semble intéressant. Même si les arguments des « opposants » sont minces, limite malhonnêtes. Même si la chanson concernée est, reconnaissons-le, d’une qualité assez moyenne.
« et même pas donner une tune à l’association. »
Chacun son point de vue, c’est pas parce que la chanson est discutable que l’action de l’association est à ignorer. Le vrai problème c’est que ça dure depuis si longtemps, les Restos du coeur.
Chacun son point de vue, y compris sur l’association, ou sur la qualité « moyenne »
La preuve de l’utilité de cette « polémique » pour les organisateurs de la vente, hausse de 80% de la vente du single… (source médiapolis)
Si ça peut mettre du beurre dans les épinards, avec un bout de viande aussi, de ceux qui crèvent de faim, rien que pour ça, alors c’est utile.
en supposant que ce soient bien ceux qui crèvent de faim qui seront les gagnants, en tout cas, ça aura au moins sauvé quelques artistes qui sont à la ramasse genre la chanteuse à chapeau ou la violoniste qui propose ses concerts aux salles municipales à des tarifs indécents en période de médiatisation enfoiresque.
J’ai aidé à la distribution la première année, mais ça fait un moment que je ne cautionne absolument pas cette organisation qui est devenu un relais des CCAS, plus rien à voir avec les idées du départ,
Encore une fois, il faut distinguer l’opération « TF1 Enfoirés » et les Restos du Coeur. Sur la page des Restos il est indiqué clairement que l’opération Enfoirés contribue pour 12% aux recettes de l’Association mais que les frais de ces mêmes Enfoirés coûtent en gros 2%, ce qui ramène la contribution des Enfoirés à 10%. Je regrette qu’aucune investigation sérieuse ne soit menée sur l’aspect financier de l’opération TF1, mais c’est très complexe. Il est plus facile de porter un jugement de valeur sur la qualité artistique d’une chanson. A ma connaissance la seule personne irréprochable dans l’histoire c’est Jean-Jacques Goldman qui a renoncé à ses droits. Je crois que c’est bien le seul, car on ne renonce pas comme ça à des droits dont on a confié la perception et la gestion à un tiers. Il est par ailleurs inconcevable qu’un tel plateau de vedettes n’ait pas un contrat de travail assurant la protection sociale. Les chanteurs sont forcément payés. Combien ? Je ne sais pas.