Philippe Roussel, rupture artistique
Depuis qu’ado il s’est mis à la guitare pour séduire les filles lors des feux de camps, il chante. Parce que, plus tard, il devient animateur dans une structure qui accueille des classes découvertes, il découvre la « chanson pour enfants » et se met lui-même à en écrire. Il est depuis chanteur pour jeune public. De 1992 à maintenant, il a enregistré sept disques pour enfants pour le label Enfance et musique : du beau travail qui n’a rien à envier à ses pairs. S’il y en a dans la chambre de vos enfants ou de vos petits-enfants, vous le savez déjà.
Ne faire que dans la chanson pour enfants, n’est-ce pas un peu frustrant quand, de temps à autre, vous vient l’idée d’un thème plus adulte, quand des vers autrement plus alambiqués vous tenaillent, quand des chansons s’imposent à vous qui indisposent voire parasitent votre habituel répertoire ?
Juste une parenthèse… Philippe Roussel fait une parenthèse de dix-sept chansons à son quotidien. Dix sept titres qu’il ne chantera pas à son public habituel, en ses tournée coutumières
Ou ce disque est pure fiction ou c’est autoportrait. De toutes façons on peut tous s’y reconnaître, suffit d’avoir pris des coups au cœur, d’être seul ou mal accompagné, de s’être pris plus que de coutume des râteaux, d’être un éclopé de l’amour et de la vie…
Si ce disque est de rupture, ce n’est pas tant qu’il tranche dans l’œuvre de Roussel : c’est évident. Mais parce qu’il nous en parle d’abondance : celle annoncée lors d’un difficile face à face (« C’est pas facile d’être quitté / Encore moins de ne plus aimer / Car expliquer une rupture / C’est aussi montrer ses blessures »), cette autre par un texto à la con de treize mots, ou cette encore encore par une lettre posée en vue sur le buffet. Au fil des chansons, on découvre le tombeur de nanas, genre bourreau des cœurs ; on va sur les sites de rencontres ; on se gave d’antidépressses-cœurs, ces pilules du bonheur qu’on avale ; on élabore les stratégies à adopter pour recevoir ses amis désormais séparés : « Ça s’bouscule au bureau des pleurs »…
Ça fait beaucoup de bobos, d’incidents de la vie, de passages difficiles, de vantardises, de queues basses. De souffrances, aussi, élégamment fardées par l’entrain de chansons qui ont souvent gardé leurs structures enfantines. « Merci pour le dérangement / Mais une autre fois venez / Quand j’aurai des sentiments / Et quand je saurai aimer. »
Ça fait surtout, pour qui connait et apprécie Philippe Roussel, un hors collection assez remarquable, en tous points mémorable. Pour qui ne le connaissait pas, ça fait disque très appréciable d’un homme qui s’autoportraite en bosses comme en creux, en pleins et en déliés.
Il y a bien quelques vers qui pourraient toucher son public habituel, comme Le calendrier qui, du facteur à l’éboueur, voit se succéder en fin d’année tous les vendeurs de calendriers. Ou comme ce J’ai écrit une chanson, pour toutes les oreilles si ce n’était la consonance « con ».
Signalons l’extrême qualité de l’accompagnement musical (cinq musiciens que vient renforcer un quatuor de cuivres) et des arrangements signés Jean-Christophe Treille.
Philippe Roussel, Juste une parenthèse, autoproduit 2014. Le site de Philippe Roussel, c’est ici.
Des chansons pour des enfants qui ont grandi et qui se sont déjà un peu cognés à la vie quoi . Et oui, beaucoup doivent se reconnaître à travers cette parenthèse . Moi, je connais bien » le bureau des pleurs » !
bien sympa! A mettre dans ma discothèque un de ces jours
En écoutant « Les questions » de l’Album éponyme on se doutait bien de la veine poétique de ce Monsieur. Flagrant ici avec cette belle interprétation d’Avec Toi : sobre et émouvant, et effectivement une extrême qualité de l’accompagnement musical :
http://youtu.be/KUhKYjunJwM