FédéChansons 2014 [2/2] : merci Horla, merci Marcie !
19 novembre 2014, Centre Barbara, La Goutte d’Or à Paris,
Deuxième soirée du festival FédéChansons, cette fois-ci à la Goutte d’Or. Six artistes ou groupes, comme la veille, trente minutes pour séduire un public composé pour l’essentiel de professionnels au premiers rangs desquels les fameux directeurs de festivals qui vous feront vedettes ou non.
Nous n’avons pu voir, cause au dernier métro (pas vraiment, mais ça fait du bien de citer Truffaut), Les Cahiers d’Auré. Mais les autres, oui. Comment vous dire… ? Il y a parfois des formations impeccables, dont on sent le travail, trop même, qui sont objectivement bien. Bonne distribution scénique, énergie comme il faut, textes bien articulés, qu’on applaudit parce que ça se fait. Et qu’au bout du compte, sitôt la prestation achevée, il n’en reste rien, ou pas grand’chose. Même parfois avant, même en cours.
Ainsi L’Herbe folle, groupe estimable s’il en est, mais qui ne génère pas ce qu’on est en droit d’attendre de chansons : de l’émotion. Juste une belle technique, un set impeccable. Brassens disait, je crois, que la technique pour la technique c’est rien qu’une salle manie. Pourtant ce groupe (guitare électrique, basse, batterie – féminine ! c’est pas fréquent ! –, clarinette et sax) a tout pour plaire. La maîtrise des notes et des instruments, certes, mais aussi des textes enviables qu’ils sont allé cherché (en prévision d’un proche album) tant chez La Fontaine que chez Victor Hugo, de Charles Baudelaire et de bien d’autres encore, vers pas neutres, métaphores filées, fables et autres considérations. Est-ce un tel poids littéraire qui les fige ? Il suffirait de presque rien pour nous rendre L’Herbe folle indispensable. Qu’ils investissent ce qu’ils chantent, nous le fassent croire, fassent naître en nous un peu de frissons. Le site de L’herbe folle, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs à déjà dit d’eux, c’est là.
Quant au groupe Autour de Lucie, il s’organise effectivement autour de la dame, Valérie Leulliot, trop sans doute. Pop-rock animé par guitare acoustique, basse et batterie, il est d’un banal assez consternant, cherchant tantôt « qui aura le dernier mot », tantôt « l’accord parfait » sans jamais le trouver. Là encore, pire encore, on peut ne pas accrocher du tout. La succession d’artistes sur une même scène a cela de cruel que le jugement est alors sans pitié : si celui-ci n’est pas bon, le suivant sera mieux. Le site d’Autour de Lucie, c’est là.
Et on a raison. Le suivant est… notre Tony Melvil à nous, celui dont nous venons de chroniquer le passage en scène lors du festival Les Oreilles en pointe la semaine précédente. Toujours en trio, toujours tendre, grave, souriant et déconnant à la fois. Du presque parfait. On vous engage à relire l’article : je n’ai rien à en dire de plus, rien de moins non plus. Le site de Tony Melvil, c’est ici ; on vous en parlait déjà il y a quelques jours et c’est là.
Horla (violon, violoncelle, batterie, guitare, basse et contrebasse) nous vient de la Drôme, son chanteur le fut jadis du groupe Mes anges noirs. Plaisir de retrouver cette voix sombre et belle, qui n’impose pas mais se pose sereinement, qui plus est dans un tel répertoire. C’est à la croisée des genres, un peu rock, un peu classique c’est selon. Et beaucoup chanson. Et folk : d’une vieille chanson collectée auprès d’un breton, ils nous font La misère, un trad. arr. que n’aurait pas renié Malicorne au temps de sa splendeur. Formidable interprétation d’une chanson déchirante (sur scène, mais pas dans ce set forcément étriqué, ils chantent aussi Le Couteau de Botrel, dans une version autre que celle de Mélaine Favennec). Dès lors, votre oreille affutée va tout capter, tout chercher, tout apprécier, tout valider. Et c’est un choc d’émotion et de presque perfection (je dis presque par principe, mais…). Horla sait ce que chanter veut dire, le poids des mots, la valeur d’un engagement. A croire que toute l’Histoire de la Chanson est dans leur art, dans leurs gènes, le passé le présent, l’amour et le combat, la restitution des sentiments : « Y’en avait du monde à la révolte / Pour crier à la beauté perdue. » C’est sur une très belle chanson d’amour en solo (la chanson, pas forcément l’amour) que se termine ce set, pas avant quand même le retour des musiciens pour un parlé-chanté d’une douce mélancolie qui précède une débauche d’instruments très rock. Calme et tempête, ils ont tout compris à la chanson ! Signalons qu’ils furent au printemps dernier lauréat de la Médaille d’or de Saignelégier : on comprend ! Le site de Horla, c’est là.
Que dire enfin de Marcie, sinon merci ! Merci d’exister, merci de chanter. Elle est québécoise et quand elle s’exprime entre les chansons, ça s’entend. Pas quand elle chante, merveille d’élocution, précision des mots, justesse des vers et des rimes. Elle fait dans un art qui oscille entre suranné et moderne, une quasi éloge de la poésie dont elle fait paroles et musiques. C’est élégant et merveilleux. Marcie est une île en pleine mer, une rose unique dans une fleureraie, une énigme de la chanson. En pleine Goutte d’or, au sortir du métro, dans la foule, dans cette salle pleine, son chant fait incongru, d’un autre âge, ou ancien ou carrément moderne, intemporel, hors des courants et des modes, de nos consommations effrénées et dérisoires. Si vous ne la retrouvez pas d’ici à deux ans dans vos festivals et vos programmations, ce serait étonnant. Elle est une et unique. Un très grand moment. Soulignons tout de même que la version discographique diffère de beaucoup avec ce qu’on a entendu sur cette scène. Le site de Marcie, c’est ici.
, Les Cahiers d’Auré
J’ai fait le tour de cette deuxième vitrine , avec des oh! et des bah ! Rien sur les » Cahiers d’ Auré », » L’Herbe folle », je les trouve( dans cette vidéo), d’une joie communicative .
» Autour de Lucie » …On a l’avantage de n’être pas obligé d’écouter jusqu’au bout !
Tony Melvil , lui, je le connais, mais c’est un plaisir d’aller l’écouter encore .
Le clair-obscure de Horla nous ouvre les portes du mystère .
Quant à Marie, vous faites bien de préciser « la version discographique diffère de beaucoup avec ce qu’on a entendu sur cette scène. » parce que, franchement, je n’ai pas trouvé cette vidéo de » Fais moi pleurer » terrible .