CharlÉlie Couture, le temporel et l’ImMortel
Reconnaissons que Benjamin Biolay est de tous les fronts, très tendance. Lui qui désormais partage le destin artistique (mais pas que) de Vanessa Paradis est aussi l’auteur du retour en grâce (et réalisateur et arrangeur de ce nouvel opus) du lorrain CharlÉlie Couture, non forcément auprès du public mais d’un sacro-saint label sans qui en ce bas monde vous n’êtes pas, vous n’êtes rien. Effacé des mémoires. Fort rêveur, en 2011, a beau avoir été à nouveau un bon cru de Couture, il est passé inaperçu, comme les précédents. Les programmateurs et producteurs ne regardent définitivement que la signature en bas au dos du cédé : qui a signé. On ne passe plus forcément d’artistes à la radios mais des produits de gros labels, le doigt sur la couture du pantalon. Les programmateurs rivalisent d’indignité.
Couture donc : dix-neuf albums studio en quarante ans de carrière musicale. Auteur compositeur prolifique mais aussi plasticien de renom du côté de New-York où il réside, photographe, dessinateur, nouvelliste… Un homme fait artiste, comme c’est rare. Trop de choses à la fois nuit sans doute : il faut aux hommes de média une lecture simple, un code aux barres bien droites, ordonnées. Couture fut donc longtemps tricard des grands médias : vous me direz, avec raison, qu’il n’est pas le seul.
On ne vous dira pas la voix de Couture, si caractéristique, inchangée. Et la tendresse de ses chansons, cette poésie. Ce nouveau disque, ImMortel, fait suite à Fort Rêveur. De forever à immortel, il y a cohérence. « Benjamin a trouvé une sorte de fil conducteur, de commun dénominateur entre les chansons, tout en respectant leur diversité. Ce que j’admire, c’est qu’il a sublimé ce que j’avais déjà à l’intérieur de moi plutôt que de m’imposer son style » en dit Couture.
L’amour, l’angoisse du temps qui passe, ce compte-à-rebours, la solitude, le bien le mal… autant de thèmes traités un point à l’envers un point à l’endroit, surpiqué, Couture solide comme la poésie qui lui tient de fil : « J’ai trop aimé pour être aimé, j’ai trop sué sous la pluie / J’ai aussi trafiqué l’ennui, le cœur en émoi… » Il y a dans ce disque une réelle noirceur qui suinte du propos, crainte du lendemain : « Nu comme un ver dans un scanner / La pire des heures est la dernière. » Des vers chargés de gravité, comme si la temporalité ruinait d’entrée de jeu le titre de l’album, déjà relatif. Un album qui porte l’empreinte de ces temps de doutes, d’orages à venir, de craintes diffuses, des maux de ce début de siècle : « On n’a plus conscience de rien pourtant faut continuer / Et rester éveillé / Se réjouir et survivre malgré la fatigue / Et malgré les années / Nos rêves sont solides / Heureusement, heureusement. »
CharlÉlie Couture, ImMortel, Fontana/Universal 2014. Le site de CharlÉlie Couture, c’est ici. En concert le jeudi 13 novembre 2014 au festival « Sémaphore en chansons » à Cébazat, le vendredi 14 à Cognac, le vendredi 21 à Andrézieux-Bouthéon (Saint-Etienne), le samedi 22 au festival « Blues en scène » à Mantes-la-jolie.
L’amour au fond
J’aime sa conception du « Multisme », l’Art total.
Voici l’espace (!?) que consacre france 2 à sa musique :
http://culturebox.francetvinfo.fr/emissions/france-2/alcaline/alcaline-linstant/alcaline-linstant-avec-charlelie-couture-189909