Prémilhat 2014 : le sans faute d’Éric Guilleton
Deux guitares, dont une, grande précieuseté, signée Jean-Pierre Favino. Deux banjos aussi, forcément pas pareils. Un piano. Et un chanteur, un seul, devant un public, petit, de grands connaisseurs. Pourtant il n’est nul besoin de l’être pour, avec lui, explorer nos vagues à l’âme, nos faiblesses. Il vient nous voir, à voix guitares, par « Une chanson qui s’entête / Quelques mots oubliés / Dans un coin de ma tête / Quelques notes alliées / Se bousculent et chavirent… »
On s’engouffre facilement en Guilleton. Tout charme en lui. Son instrument dont il est incontestablement le maître et l’ami. Ses propos qui pourtant ne suintent pas forcément le bonheur mais en procurent, fruit sans doute d’une alchimie particulière, d’une absolue précision nimbée, trempée d’une poisseuse mélancolie : « Et je m’endormirais rêvant / Qu’une hirondelle fait le printemps / Ce soir mon ange, mon aimée / J’ai de la fuite dans les idées. »
Il chante le regret, un regret diffus, cœurs et corps cabossés par la vie qui va et ne fait pas de cadeau : « On voulait refaire le monde tu sais / Mais c’est le monde qui nous a refait. » Désabusé ? Non, mais meurtri : « Demain, tout dépend de nous. » Sa voix grave résonne profond, qui module à merveille le nuancier des sentiments, en connaît toutes les couleurs, du gris clair au gris foncé : « Je rumine un vieil hiver / Une ardoise de travers / Et mon avenir à découvert / C’est pas la faute à Rousseau / Si je tutoie le ruisseau. » L’homme est un perfectionniste, un artisan du beau, qui sculpte les mots pour les faire ressembler à la vie, comme deux gouttes d’eau, deux larmes pareilles : « Voilà c’est dit Lily / Sans compter ce que j’oublie / Lorsque les mots, même en chantant / N’ont pas tout ce qu’on veut de talent. »
Sa chanson est comme somme de confidences, qu’il nous confie en confiance, chroniques de temps difficiles, où le verbe tient bon dans la tempête et s’en rit : « Les temps sont durs on trime / On rase les murs on frime / On chante le bonheur qui fuit / Et l’on croit qu’on a tout dit / D’hier et d’aujourd’hui. » C’est le degré au dessus de l’excellence.
Éric Guilleton nous prépare un nouvel album, Ces temps d’errance, son cinquième* De fait, de nouvelles chansons, il nous en chante, nous enchante. D’autres pépites qui assurément annoncent un grand disque. Il serait temps que les programmateurs et autres amoureux de la chanson se réveillent : qu’ils daignent programmer, qu’ils daignent amourer.
* Souscription en cours sur le réseau participatif Ulule.
Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. NosEnchanteurs a déjà diffusé cette chanson-là, mais on ne s’en lasse pas. C’est pas elle qu’il entame chaque récital :
Et puis cette autre, extraite de son futur album qu’on peut micro-financer sur le site Ulule :
Je ne peux qu’agréer, moult et moult encore…
Et si Guilleton était tout simplement, en sus d’être le chanteur que l’on sait (enfin, pas tous, encore) une vraie et belle personne humaine..?
Eric Guilleton, compagnon de beaux voyages et de vies cabossées , et j’en rage de n’avoir pu aller le voir à Prémilhat . J’ai souscrit à son album » Ces temps d’errance » , mais le lien pour Ulule est là :http://fr.ulule.com/ericguilletonalbum/ . Allez y vite, il serait tellement dommage que ce projet n’aboutisse pas .
NDLR: le lien vient d’être corrigé, merci de votre vigilance.
En fait, depuis qu’Eric est un des rois du slow bizz de Saravah, les gens pourraient croire que c’est un cartel de rois fainéants. Que nenni, bonnes gens, ce sont des créateurs d’un peu de beauté humaine*, c’est plus exigeant que les produits de grande consommation, mais c’est bien meilleur , et on peut s’en régaler sans modération, à des tarifs très démocratiques… Ce qui est rare n’est pas forcément cher. Néanmoins Eric Guilleton nous est très cher… Comprend qui veut.
* merci à Pierre Barouh.
Tout à fait d’accord avec l’article et avec l’encadré de Michel Kemper.
La personnalité discrète d’Eric est doublement pénalisée par cette négligence des programmateurs qui ne sortent pas de certaines chapelles : les amis des amis etc. parfois au détriment de la qualité. Le copinage est parfois redoutable, surtout lorsqu’il est préjudiciable aux esprits libres, comme Eric, donc isolés, oubliés…
Le travail remarquable et pas assez remarqué d’Eric Guilleton est pourtant d’une grande qualité artistique, d’un grand soin littéraire et musical et d’une grande générosité humaine.
De Da-nang (Viet-nam), où je viens de lire l’article de Michel Kemper et les commentaires qui le suivent, je dis à tous un grand Merci car il est grand temps, en effet, qu’Eric Guilleton soit reconnu, ainsi que le dit justement Michel Kemper, comme l’un des grands folk-singers français et tout simplement comme un chanteur qui mérite depuis longtemps un large public.
Sur la pochette (noir et blanc) de son dernier disque (Une ville, un soir), on le voit seul avec sa guitare sur un quai de gare désert.
Cela me fait penser aux musiciens vietnamiens et cambodgiens que, ici, on invite, car on en a besoin, pour célébrer dignement divers événements familiaux (mariage, enterrement, etc) ou fêtes locales, mais que l’on ne veut surtout pas voir entrer dans la famille en épousant l’une des filles…
Tel est un peu le lot d’Eric Guilleton. Nous avons besoin de ses chansons pour accompagner notre quotidien, pour nous y retrouver comme on se regarde dans une glace, mais le cirque médiatico- »artistique » empêche qu’il fasse officiellement partie de la famille des chanteurs et musiciens connus du grand public.
« C’est bien dommage, mais c’est comme ça »… chantait en son temps un autre folk-singer francophone.
Le temps devrait finir par rendre justice à ce chanteur effectivement très discret, à cet auteur doué pour mêler harmonieusement la finesse de l’expression aux mots du quotidien. Ou alors, lui aussi, le temps sera injuste.
trop discret qu’est Eric Guilleton