27e Nuits de Champagne : Troyes fois Brel
C’est un grand et beau festival que celui des Nuits de Champagne, dans la capitale historique de la Champagne qu’est Troyes dans l’Aube. La programmation, de haut niveau, explore un peu toutes les dimensions de la chanson. Qui, à chaque édition, met en vedette un artiste (parfois deux ensemble, ou trois), bien sûr présent(s) dans son tour de chant comme dans et par un singulier hommage, Le Grand Choral : fermez les yeux et imaginez sept cent à mille choristes interprétant vos chansons, c’est stupéfiant, incroyable.
Ils y sont tous passés, tous ou presque : Tryo, Bénabar, Bernard Lavilliers, Véronique Sanson, Francis Cabrel, Alain Souchon, William Sheller, Aznavour, Maurane, Daniel Lavoie, Michel Fugain et bien d’autres. Tous présents.
Cette année 2014 est pour le première fois dédiée à un absent. Absent depuis pas mal de temps déjà. Un absent très présent en nous : comment ne le serait-il pas ? Cette année, au tour, autour de Jacques Brel. Avec huit cent cinquante choristes venus de partout de la francophonie, et sept cents collégiens aubois aussi. Et Pierre Lapointe, et Clarika, et Yves Jamait, tous trois appelés à se mettre Brel en bouche, qui plus est trois fois de suite.
Chanter Brel n’est pas une audace mais une évidence, une nécessité aussi. Le succédané qu’est Stromaé (puisque c’est ainsi que semble le considérer la presse en son ensemble, et encore suis-je loin de leurs qualificatifs) est loin d’être suffisant pour nous dire et nous chanter les colères et les émotions d’un Brel. D’une Mathilde qu’on rejette mais qu’on désire plus que tout, d’un Jef dans le trottoir du désespoir, d’un Zangra en quête d’héroïsme…
Faire de Brel le héros d’un festival est tout de même osé, même si le pari sera au final une (totale) réussite, n’en doutez pas. Les grands festivals se programment au vu des chiffres de fréquentation, pas forcément par amour immodéré de la chanson : demandez-vous pourquoi Stromaé (encore lui) était cet été de partout, omniprésent. Alors, Brel, en 2014, combien de divisions ? Combien de fans ? Quel merchandising si ce n’est le livre de Fred Hidalgo (qui sera présent pour une dédicace) ? Au risque de faire redite, travailler le répertoire est une absolue nécessité. On le fait du théâtre et des arts plastiques, rarement de la chanson, sinon en diffusant en boucles les mêmes tubes sur Nostalgie. Là, c’est d’un mort qu’on fait l’argument d’un festival. De lui et de Rosa, de La Fanette, de Marieke, de Clara, de Titine, de l’Ostendaise, des bigottes… Et de Fernand, de Jacky, des vieux, amants ou pas, des bergers. De ces gens-là. D’une chanson exemplaire, presque chanson étalon. Bravo.
Et le reste du programme ? Hélas, convenu. Ce festival n’est plus un festival de découvertes. Il faut être super VIP de la chanson (en terme de notoriété ou de vente) pour y être invité : de Le Forestier à Lavilliers, de Renan Luce à Zaz, Soldat rose inclus, du Doré, de l’Hendricks, rien ici de la partie immergée de l’iceberg Chanson, que du confirmé. C’est là que le bât blesse. A croire qu’aux petits festivals sans moyens et sans beaucoup de public (comme au même moment Prémilhat, dans l’Allier) incombe la tâche de faire découvrir ; et que les gros, comme celui de Troyes, se réservent les vedettes et uniquement elles. C’est pourtant par de telles locomotives qu’on peut envisager un meilleure partage. Ainsi que la relève.
beau programme quand même !
et il fut un temps où le grand choral était rediffusé à france inter, comme j’écoute moins cette radio, je ne sais pas si ça se fera cette année ? la chanson française est moins présente sur inter !!
Ah oui, Coco ! Si ce n’est le manifeste manque de découvertes, c’est un excellent festival. Si vous êtes de l’Aube ou des alentours, allez-y ! (quoique il y a pas mal de concerts qui chaque soir y sont en concurrence… aïe ! de l’art des choix…)