Rencontres Télérama : scoop un jour, scoop toujours ! (1/2)
Pour la deuxième année, ces belles rencontres ouvertes sur le monde de la Culture au sens large se tenaient ce début de semaine dans le cadre enchanteur [sic] du Théâtre du Rond-Point, et ce sous la bienveillante houlette débonnaire de Jean-Michel Ribes, maitre des lieux et hôte affable (comme il y a des hommes affables…)
Le principe, me demanderez-vous avec gourmandise, et des lueurs d’intérêt dans vos grands yeux brillants de grands enfants ? De beaux échanges à bâtons rompus, sous la forme de 9 x 4 rencontres tout du long de la journée (choix cornélien s’il en fut), mêlant comédiens (Michel Bouquet, Isabelle Adjani, Nicole Garcia,), écrivains (Emmanuel Carrère, Edouard Louis, Daniel Pennac), chanteurs (Bernard Lavilliers, Miossec, François Morel) et moult encore, journalistes, physicien, designer, auteur de BD, historien ou chef d’orchestre… De quoi, convenez-en, mettre l’eau à la bouche des plus blasés. Histoire de garder un fil conducteur, je vous parlerais ici plus spécifiquement d’artistes choisis en fonction de leur lien plus ou moins proche à la chanson. Ah oui, un mot encore, afin de justifier le lamentable jeu de mot inclus dans le titre, les lignes qui suivent seront à forte teneur concentrée en scoops divers, ouvrez l’œil… C’est donc dans une douce ambiance de rentrée tardive que nous empruntons pour vous l’allée baignée d’odeurs d’automne, jonchée de marrons et de feuilles mortes, qui mène au très beau Théâtre du Rond-Point susnommé… Bénéficiant d’une faveur éhontée sous la forme d’un laisser passez des plus pratiques, j’ai pu picorer de ci-de là des petits moments de magie éthérée qu’il me semblerait malséant de ne conserver que pour moi, et voilà.
13h30, salle Renault-Barrault : Isabelle Adjani, entretien mené par Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama. Dans un amphithéâtre littéralement bourré à craquer, la diva fait son entrée, le nez mutin chaussé d’impressionnantes lunettes-hublot, coiffée d’un improbable chapeau cloche qu’elle est sans doute la seule sur Terre à pouvoir porter avec autant de décontraction et d’élégance. Les échanges sont de haute tenue, portant principalement sur le rôle de l’artiste au sens large. Quand on est un artiste, on ne cesse jamais d’être un artiste, même quand on ne travaille pas, dixit I.A. (pour les intimes). Un parallèle intéressant est fait ensuite sur le fait qu’être artiste, c’est regarder le monde d’une façon différente, un peu à la façon d’un autiste qui aurait accès à un autre univers, une autre appréhension du monde, mais qui pourrait les restituer au public. Dans ma petite tête, j’ose formuler une entrée des autistes, plaisante à mon oreille… Mains croisées sur le micro HF telle une icône racino-sulpicienne (à moins que ce ne soit sulpico-racinienne), I.A. évoque ensuite, d’une très belle formule, le jaillissant de l’artiste, la source, l’écoulement qu’il convient de canaliser pour mieux le partager avec le public. Loin, bien loin de l’image de la star distante et lointaine (justement) que l’on pourrait lui prêter à tort, elle évoque l’importance pour elle de se nourrir de la vie de tous les jours afin de pouvoir faire émerger ensuite des trésors d’émotions cachés. Premier clin d’œil à la chanson ensuite lorsque, parlant du rôle prépondérant que joue pour elle l’intemporalité, elle définit sa vie comme un balancier permanent entre l’Eternel Retour et Ca s’en va et ça revient, ou la dualité par forcément contradictoire entre Nietzsche et Claude François.. ! Petite déviation sur Barbara ensuite, lorsque tentant une psychanalyse sauvage du jeu d’actrice, elle réalise avoir très souvent joué des femmes sous l’emprise d’un père ou d’un maitre, fusse-t’il Rodin dans Camille Claudel, par exemple. Et l’on sait l’importance du rôle du père dans l’œuvre de la longue dame en noir… A l’issue de l’entretien, la parole est donnée au public, lequel s’empresse, par le biais de votre serviteur, de demander à madame Adjani la place occupée pour elle par la chanson, cet art dit mineur par un célèbre pygmalion… Avec une belle humilité, elle nous raconte Gainsbourg qui, dit-elle, n’aimait pas spécialement les chanteuses, mais plutôt en ce qui la concerne, son grain de voix à l’époque de Pull Marine. Lequel album n’étant d’ailleurs pour elle qu’une façon de laisser un souvenir… Même parallèle avec les expériences gainsbouriennes de Bardot, Anna Karina ou Jeanne Moreau, avec cette exception, précise-t-elle, que Jeanne Moreau est, elle, une vraie chanteuse… ATTENTION, SCOOP : (mais qu’est-ce qui me prends de crier comme ça.. ?) il existe quelque part nombres d’autres titres enregistrés qui, dit-elle, ne seront sans doute jamais gravés sur album. C’est comme ça ! Et puis, une ultime réponse délicieuse quand on lui demande depuis la salle si elle a conscience d’être un des derniers monstres sacrés : Pffff, le dernier dinosaure n’a sans doute jamais eu conscience d’être le dernier dinosaure.. ! Chapeau bas, Madame Adjani.
15h, salle Jean Tardieu, François Morel, entretien mené par Aurélien Ferenczi, rédacteur en chef adjoint de Télérama. Dans un très beau décor d’intérieur bourgeois baroque, un bien bel humain que l’on ne présente plus, l’acteur que l’on sait, ex-Deschiens entre autres, chroniqueur caustique et attachant sur France Inter, mais aussi auteur deux très beaux disques ainsi que de fructueuses collaborations avec Juliette, Maurane, Delerm, Francesca Solleville , Antoine Sahler ou Nathalie Miravette. La rencontre tourne au ping-pong verbal entre les intervenants, les bons mots fusent avec un à-propos assez sidérant, sans jamais cependant privilégier la forme sur le fond. Le fil rouge de la conversation sera Saint Georges-des-groseilliers, petite bourgade de Basse-Normandie qui a vu grandir le bonhomme, petite bourgade qui n’espérait sans doute pas autant de publicité ! Souvenir ému des éléments déclencheurs, la découverte d’un texte superbe de René Fallet, Un bout de marbre, ou la rencontre de la regrettée Michèle Guigon jouant Les Blouses de Jérôme Deschamps… Morel, terriblement attachant, est une sorte de Beaumarchais du XXIème (je pèse mes mots, tiens.), un honnète homme de conviction(s), un homme de passion(s) même si, comme il le dit lui-même, ça ne se voit pas forcément ! Mais aussi un homme de voix, la sienne si particulière (sans parler du Monsieur Morel des Deschiens qui fait une fugace apparition sur scène pour notre plus grand plaisir…) s’épanouissant au gré des émissions radio ou du doublage, comme lorsqu’il incarne le Chat du Rabbin dans le film éponyme. Et la chanson, donc. La chanson, j’adore ça, déclare-t-il sans préambule, c’est quand même le pied d’être chanteur ! Par contre, précise il, je ne joue pas de guitare, j’ai la peau trop fine ! Il s’attarde ensuite avec beaucoup de tendresse sur le plaisir sensuel qu’il y a à partager avec le public, avec cette délicieuse possibilité de passer en un clin d’œil d’une chanson mélancolique à un titre tout ce qu’il y a de plus déconnant… A voir, ci-contre, le petit message qu’il a la gentillesse de vous adresser, rien qu’à vous, chers Enlecteurs. Petit postulat ensuite sur la situation actuelle, ceux qui s’en sortent, ceux sont ceux qui font de la scène. Morel, one point. Pour autant, avoir la liberté de pouvoir dire ce que l’on veut n’implique pas pour autant la liberté de pouvoir dire n’importe quoi… Morel, two points. A propos de ses chroniques régulières à la radio, il relève, pour s’en désoler, que parfois les gens écoutent juste la musique et n’écoutent pas les paroles… A la question posée, à nouveau, par votre serviteur de savoir qui à ses yeux illustre le mieux la relève de la nouvelle scène française, il cite sans barguigner Juliette ou Antoine Sahler, mais aussi Florent Marchet et Alexis HK. Tiens, à ce propos, chers petits amis, l’heure d’un nouveau SCOOP signé NosEnchanteurs n’aurait-elle pas sonné à la pendule de votre légitime curiosité.. ? Si, hein ? Eh bien, il s’avère que le sieur Morel est en ce moment en coulisse d’un beau projet qui verra Alexis HK se colleter très bientôt au répertoire du bon maitre sétois, et que vous êtes parmi les premiers à le savoir, bande de petits galapiats ! Evocation ensuite du souvenir laissé par sa chronique sur Inter suite à la disparition de Leprest et à son agacement devant le peu d’hommages rendus à ce moment là. Evocation également, lors d’une petite discussion à l’issue de l’entretien, du très bel album de Claire Elzière et du très récent concert à l’Européen. Enfin, à propos du joli texte écrit pour Juliette Gréco, Le Petit Pont, il raconte comment, tétanisé par le fait d’écrire pour un monument de la chanson française, il a finalement pris le parti d’écrire un texte tout simple, léger et sensible, qui est celui qui à finalement séduit Gréco. Et que cela vaut pour lui toutes les légions d’honneur.
Voilà pour aujourd’hui, chers Enlecteurs, nous verrons par la suite comment la chanson a changé la vie de deux autres personnalités au premier plan de la Culture Française, à savoir Surya Bonaly et le grand démocrate Florian Philippot. Ou pas.
Mais demain est un autre jour.
C’était donc ça, cette fameuse rencontre avec Isabelle Adjani ! Hâte de lire le second épisode de cette étonnante journée.
Quelle chance on a d’avoir ces scoops en exclusivité ! Que des bonnes nouvelles, que de belles rencontres, et un petit mot de François Morel en prime ! Merci pour ce partage Patrick, et à suivre.
Franchement, ces chroniques là sont un moment jouissif de lecture !! je l’envie ce Patrick de fouiner ainsi dans des lieux où la chanson s’invite sans avoir l’air de rien !!
Parti comme c’est, notre envoyé spécial tout terrain Patrick Engel est en bonne voie pour être lauréat du Pulitzer des Arts de la Chanson que le Ministère de la Culture envisage… Ou pas. Mais savoir qu’on a peut-être François Morel comme lecteur, ça fout le trac …
« Elle a un truc qui m’fait tilt / elle a un truc qui m’fout l’trac… » In Les Précieuses, le très bel album de Virgule.
S’il vous lit vraiment alors il aura corrigé la toute petite (et la seule) coquille de l’article dans le passage concernant la ville de l’Orne dont il est originaire – et qui, semble t-il, n’a rien de commun avec le porteur de petites baies rouges doucement acidulées !
Wahouh ! Alors, celle-là, il fallait la voir… Nous avons décidément un lectorat lettré et attentif, félicitations du jury, Valérie !
Aucun mérite… je travaille avec des georgiens ! En fait, c’est une histoire de p’tits cailloux …
» On interroge souvent les Georgiens sur l’origine du patronyme Groseillers… rien à voir avec l’arbuste aux fruits rouge. Si le nom Sanctus Georgius de Flers apparaît à la fin du 12e siècle, le centre primitif du village semble être le hameau des Groseillers. Ce terme serait dérivé de grésillers, la grève – le gravier. »
Violà qui nous éclaire un peu plus, sans toutefois enlever une once à votre mérite. Reste à savoir si le sieur Morel lui-même connait l’origine de la chose…