Les Fouteurs… de Joie ?

Que les noms de groupes naissent du hasard ou après de laborieuses éliminations, ils devront ensuite être assumés pendant toute l’existence de la formation. Qu’en est-il de ces Fouteurs de Joie ? Cela fait une dizaine d’années bien sonnées que trois auteurs compositeurs interprètes aux trajectoires personnelles variées (Nicolas Ducron – 1 CD à ce jour, Laurent Madiot – 3 CD, et Tom Poisson – 4 CD) et deux musiciens (Christophe Dorémus et Alexandre Léauthaud) ont formé cette belle équipe. Et dès leurs premiers spectacles, les trois ACI ont écrit un répertoire spécifique pour le groupe, avec des chansons aux musiques essentiellement festives et extraverties où le public pouvait s’emballer sur les rythmes et eux faire une mise en scène. Leur premier disque, Le bal des souffleurs, était bien représentatif de cet élan commun. Leur bonne humeur, leur empathie et aussi leur souci d’humanité et d’émotion ont rencontré un succès mérité, et nos cinq compères ont bien tourné cette prestation qui pouvait satisfaire aussi bien les festivités populaires que les festivals et les auditeurs plus exigeants.

Leur nouveau spectacle (et leur nouveau disque), La Belle vie, est bien dans cette même lignée, avec une mise en scène beaucoup plus élaborée où tous sont à la fois chanteurs, poly instrumentistes et comédiens dans des chorégraphies et des mimes travaillés et synchronisés. Les tempos sont encore plus entraînants et les musiques élaborées et festives enthousiasment tous les publics : ils ont par exemple fait un vrai tabac à Lens la semaine dernière en ouverture de la saison, devant une salle comble. Mais leur originalité va bien au-delà que de permettre aux spectateurs de claquer dans les mains en rythme. Leurs chansons jouent sur les effets comiques des mots (L’andouillette AAAAA ou All Open) ou sur la drôlerie des situations parfois grinçantes (L’homme d’un soir ou Maudit avion). Parfois, au-delà du sourire, pointe l’émotion et l’empathie pour des malheureux pathétiques comme ce pauvre énamouré qu’Elisabeth mène par le bout du nez. Mais certains personnages croqués sont socialement détestables, comme cette pécore en robe Channel dont le seul mérite est d’avoir épousé un millionnaire. Les questions de société ne sont donc pas absentes des chansons, la civilisation d’images donne Mal au cerveau, le licencié de Sortie d’Usine ne pourra pas emmener sa douce en vacances et la lutte des classes est bien présente avec toutes ses ambiguïtés dans Oh mon patron ! Le summum de cette veine est atteint avec Les enfants d’la centrale où les gosses de Tchernobyl cachent leurs malformations sous des masques blancs et font même ainsi des prestations qui rapportent !

L’air de rien, leur spectacle apparemment consensuel est également bien subversif. Leur mérite est d’amener tous ces thèmes emballés dans le rythme, la musique et le chant, de les conjurer sans les ignorer et de les dépasser dans un moment de convivialité et de plaisir partagé. Et en cela, ils assument leur nom, ils sont bien des « Fouteurs de Joie ».

Le site des Fouteurs de joie, c’est là.