Fabienne Marsaudon, la trajectoire heureuse
Fabienne Marsaudon est une artiste rare et fidèle qu’il ne faut pas manquer quand elle se produit dans votre région, par exemple à la faveur d’un chant’appart (comme à Mont-Saint-Eloi, chez Gil et Marie Hanotin il y a quelques jours). Artiste rare parce qu’elle fait peu de spectacles et peu de disques… (une grosse dizaine de CD en une trentaine d’années, en comptant les albums résultant d’ateliers d’écriture ou de commandes sur des thèmes précis). Artiste fidèle depuis toujours d’abord à son prestigieux pianiste, Michel Précastelli, accompagnateur parfait et compositeur subtil, ensuite à son public qui le lui rend bien, et enfin à ses thèmes et à son inspiration musicale.
Servi pas sa voix éclatante et ensorceleuse, un tour de chant de Fabienne est toujours économe de gestes, sinon de sourires, tant il est l’aboutissement d’un long cheminement en amont. Son avant-dernier disque, Ce Qui Demeure, nous en parlions déjà lorsque nous nous sommes rencontrés en 2007 sous le pommier de sa demeure bretonne. Après des albums sur des sujets plus ou moins imposés par les opportunités de la vie d’artiste, dans lesquels elle mettait beaucoup de son âme, mais de façon souterraine, elle envisageait – enfin – un disque où le fil conducteur suivrait les méandres de sa seule inspiration et de sa nourriture poétique. Et le résultat est une belle réussite : cinq poèmes (Rainer Marie Rilke, Aragon, Anna de Noailles, Sylvie Méheut, William Ernest Henley) insérés dans des musiques ajustées, et neuf chansons dont chaque mot, chaque rime et chaque mélodie ont fait l’objet d’une tel soin que le produit final coule comme une source claire, n’a besoin d’aucun artifice supplémentaire et se déguste simplement avec les notes de la guitare et du clavier. Quant au sourire, à la bonne humeur, ils viennent chez les spectateurs de la félicité des thèmes, du parti pris de chanter le beau, l’heureux, l’optimiste, la face joyeuse et riche de l’âme humaine. Qui d’autre pourrait chanter L’amour n’échoue jamais, ou la trace définitive d’un baiser, ou encore celle qui donne, sourit, aime, efface l’amertume quand elle passe ? Et qui pourrait diffuser de l’empathie pour ce sans abri pétri de liberté, ou cette charmante demoiselle qui fait hériter celles et ceux qui ont ensoleillé sa solitude ? Enfin qui pourrait évoquer avec humour ses démêlées avec la conjugaison du temps qui passe et avec les nécessités du quotidien « Cigale dans la fourmilière / Je me sens perdue, égarée » ? Enfin, se surajoute à ce bonheur la sincérité d’une recherche intime qui imprègne toutes les chansons et s’exprime avec une émotion forte « Je cherche un chant dans mes racines /…/ Que je pressens au fond de moi ».
Cette inlassable recherche des racines est à l’origine de son tout dernier CD « La dame des Poulains », entièrement dédié à Sarah Bernhardt dont on a restauré la demeure grandiose à Belle-Île. Onze chansons qui, après recherches biographiques fouillées, illustrent avec poésie et pertinence les ressorts de vie de la grande tragédienne, depuis sa naissance, son enfance bretonne, ses amitiés et son attachement à Belle-Île-En-Mer. Lorsque Fabienne s’attache à un personnage (Rainer Marie Rilke, Jade) ou à un lieu (La Ria D’Etel) ou aux deux en même temps comme dans ce dernier opus, elle en expose le meilleur, comme dans les chansons qui font référence à ses propres sources. On ne sort pas indemne d’une rencontre avec les chansons de Fabienne Marsaudon.
Fabienne Marsaudon a une voix reconnaissable entre toutes et on ne peut pas y être insensible : d’aucuns la trouveront effectivement éclatante et ensorceleuse d’autres agaçante.
Quoi qu’il en soit cette artiste est une bien belle personne, dans tous les sens du terme.