Autour de Leprest, au tour de Guidoni
« Le revoilà » aurait dit Juliette, en découvrant les chansons de cet album. Elle parlait de Jean Guidoni et on n’oubliera pas que c’est l’écoute des premiers disques de Guidoni qui incita la toulousaine à entrer en chanson.
Revoilà Guidoni, oui. Revoilà Leprest aussi. L’axe Paris-Milan, aller sans retour, est aussi l’axe Guidoni-Leprest. Jean interprète l’Allain ; que des chansons inédites de celui qui sérieusement commence à nous manquer.
Trois ans après sa mort, Leprest ne cesse d’alimenter l’actualité de la chanson, de toujours nous Reviendre. C’était en début septembre par un disque de Claire Elzière, fait lui-aussi rien que d’inédits de Leprest. Ce sera, dans quelques jours (nous y reviendrons, soyez-en certains) par le formidable livre (Allain Leprest, dernier domicile connu) de Marc Legras, ancien de Chorus, dont l’écriture a débuté du vivant de Leprest, avec son entière complicité. Aussi par ce spectacle, Mec !, que Philippe Torreton consacre à Allain Leprest.
Et, présentement, ce quatorzième opus studio de Guidoni.
Ce n’est pas tant d’ailleurs la force du lien entre Leprest et Guidoni, qui ne se sont que croisés, qui fait cet album. Mais la force des mots, que Guidoni aime, on le sait, lui qui longtemps chanta ceux de Pierre Philippe. Et récemment ceux de Prévert. Ainsi que la force et le talent d’un producteur, Didier Pascalis, désormais commun.
Selon les titres, selon la force des textes, l’empreinte vocale, on est plus ou moins dans Guidoni. Ou plus ou moins dans Leprest. Rapport de forces, lutte qui ne manque pas de classe. Dans Putain trainée salope, on ne peut évidemment s’empêcher de songer au Putain, jadis, de Guidoni/Philippe. Association d’idée encore avec Dans le jardin de Gagarine, cosmonaute déjà présent dans l’oeuvre d’Allain, ici-git sous une étoile en lieu et place de croix…
Folle de moi égrène les mois de l’amour. Mais c’est sur septembre que Leprest fait partition et nous évoque ces charters de reconduite à la frontière. Magnifique texte qui s’ajoute à la pléthore de chansons sur le sujet. Souvenirs émus de l’enfance (Copeaux de savon), désirs d’amour et de retour (Reviendre), chute des corps (Chut, est-ce un clin d’œil à la chanson de Monsieur Poli ?), ce recueil de douze titres va en toutes directions, explore mille pistes.
Juliette, donc, est venue trafiquer un deal d’admiration et de respect sur le réjouissant Trafiquants : « On boit et on dort comme des souches / Sur le sol en chassant les mouches. » Mais c’est le fidèle Romain Didier de loin le plus présent, signant de sa coutumière élégance les partitions de tous ces textes orphelins.
Ce disque ne s’offre pas au tout-venant, et pas la première fois. Il se travaille dans nos têtes, fait la part des choses, alternativement fait fête à l’un, à l’autre. Surtout aux mots. Tant de belles chansons (Ou l’contraire, Le jour baisse toujours trop tôt…), inespérées, nous sont ici livrées qu’il va nous falloir le temps d’apprécier ce présent qui prolonge le futur de Leprest. Je crois que c’est un disque considérable.
Jean Guidoni, Paris-Milan, Tacet L’autre distribution 2014. Sortie de l’album le 13 octobre 2014 ; concert au Théâtre de la Ville, à Paris, le 14 octobre. Le site de Jean Guidoni, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Guidoni c’est là, et de Leprest là.
Un album de Guidoni est toujours « considérable », et quand cet album est en osmose avec Leprest et Romain Didier, il devient indispensable. J’ai eu un aperçu de cet album samedi 27 septembre, Jean Guidoni était l’invité de Laurent Valero sur France-Musique « Le temps d’une chanson », de 18h à 19 h. Mais, oui, il faut prendre le temps pour en apprécier et savourer chaque mot.
Au moins un des titres de cet album, « Partition de septembre » (Allain Leprest – Romain Didier), n’est pas un total inédit, puisque figurant sur l’album « J’ai tout devant moi » (2007) d’Alice Dézailes (Tacet production).
Quant à la chanson « Le jour baisse toujours trop tôt », on se reportera au texte de « Chanson Bateaux », mis en musique et interprété par Jehan sur son album « Les ailes de Jehan » (1999) : c’est quasi copie conforme.
Jehan devrait lui-aussi sortir un album (d’inédits ?) sur Leprest en début 2015.
A noter la prochaine sortie d’un autre livre encore sur Leprest, « Allain Leprest : gens que j’aime », par Nicolas Brulebois, aux Editions Jacques Flament, qui « contiendra une douzaine de grands entretiens avec les collaborateurs artistiques les plus proches du chanteur + une discographie critique. » Parution le 10 novembre 2014.
Douze collaborateurs artistiques ? Ma liste possible: Alain Brisemontier, Romain Didier, Jean-Louis Beydon, Pierre Barouh, Nathalie Miravette, Pascal Le Pennec, Richard Galliano, Gérard Meys, Didier Pascalis… dans un ordre à peu près chronologique… Il en manque 3… pour faire les 12 apôtres… Peut-être aussi Christian Paccoud…
Jean Guidoni avait déjà ailleurs me semble t-il interprété – et avec talent – la chanson « j’ai peur » de Leprest.
Bonne chance à cet album.
Dans la liste de Norbert, il me semble surtout manquer Gérard Pierron, qui n’est pas le moindre…, et puis Etienne Goupil, Jean-Philippe Viret, Olivier Moret, Dominique Cravic… On dépasse les douze !
JPaul Gallet
C’est vrai j’ai oublié Pierron, mais je pensais surtout à ceux que j’ai connus après avoir connu Leprest, et plus ou moins grâce à Leprest….
Petites précisions:
Le Jour Baisse Toujours trop tôt est doublement une « vieillerie ». Outre la magnifique Chanson Bateaux de JeHaN, le texte initial avait été mis en musique par Didier Dégremont au milieu des années 80, pour le spectacle « Le Chanson de les valises » (qui s’est surtout joué en province), qui a débouché sur quelques titres connus (J’étais un gamin laid, Ton cul est rond)…. mais dont il reste beaucoup de chansons inédites.
Trafiquants, également, existait déjà, avec une autre musique et une autre structure, sur une maquette enregistrée par Leprest en 2001, avec un collectif de musicien du Nord de la France – l’enregistrement a un peu tourné « sous le manteau », et un extrait a été diffusé à la radio, à l’époque.
Chut avait aussi été créé sur scène par JeHaN, en 2012.
J’ai écouté ce cd à la fois éclaté et lumineux, intense et écorché. Qui d’autre que Guidoni pouvait donner à ces textes autant de profondeur et de poésie. Il y a des vers frisant le surréalisme, des images saisissantes de douleur mais également un bonheur inégalé pour cette poésie particulière à Leprest. Je n’ai malheureusement pas pu voir le spectacle du théâtre de la ville car je suis retenu en province mais j’espère bien me rattraper. Mis à part « le déséquilibriste » j’ai vu tous les concerts de Guidoni. Et à chaque fois je découvrais un interprète d’exception. Du Théâtre en Rond à l’Alhambra en passant par les Bouffes du Nord, l’Olympia, la Boule Noire… sa silhouette se fondait à son répertoire faisant de cet artiste aux mille facettes un des artistes les plus exceptionnels de la chanson française.