Céline Caussimon, longue attente

Attendu ? Oui. Le précédent opus de la Caussimon remonte à 2007. Il fut le dernier produit par Le Chant du Monde, sans grande promo d’ailleurs et c’est un euphémisme de le dire. Seul un ultérieur trois titres autoproduit avait pu nous faire patienter (l’un des trois est ici réenregistré). Encore que c’était en début 2009. Donc Attendue ! Espérée.

Céline Caussimon n’a jamais chanté que la vie au présent, dans son quotidien le plus banal. Paradoxalement, ça fait des chansons qui ne le sont pas.

Sur l’amitié et les réseaux sociaux (avez-vous remarqué comme facebook est désormais une vraie thématique de la chanson ?) elle fait le tri sélectif : « Mes amis passeront avant… »

J’ai dit banal : le vol d’un pays, l’expulsion de ses habitants l’est, c’est même tous les soirs à la télé, dans l’impuissance, l’indifférence générale. Banalisé. L’immigration choisie pareillement : « Tu aimes ce pays ou tu le quittes… » Ça valsait déjà sous Nicolas, sar ‘kommence sous Manuel…. Dans tous les cas, on te jette, t’es pas du bon côté de la porte, là où il y a la clef, le pen de la serrure.

Le quotidien le plus banal, oui. Celui de la ménagère de moins de cinquante ans au delà duquel votre ticket n’est plus valable. Ou moins, ou pas pareil. Celui d’un monde fou qui se fout des scuds sur la gueule dans le cynisme et la totale impunité. On vous vend des produits, serviettes péridioques, riz thaï, assurance obsèques ou génocides c’est tout comme, c’est que d’la comm’.

Certaines chansons ont le don pour raconter leur époque, la consigner. A l’usage pourquoi pas des sociologues d’aujourd’hui et des historiens de dans deux ou trois cent ans. Une bonne chanson vaut mieux qu’on long bouquin, dira-t-on. La Caussimon est de ceux-là, qui économise ainsi la pâte à papier, évite la déforestation. Et ce disque, utile, nécessaire, est comme un dossier d’accusation, lourdes charges et peines perdues.

« J’ai pas fait du mal à la vie / Pourquoi la vie me ferait-elle du mal ? » Mais la vie ne répond pas quand on l’appelle, en tous cas pas la vie qu’on est en droit d’attendre. Attendue, dit-elle. La vraie vie se fait de plus en plus attendre.

Par bonheur (il en faut pour tenter le fragile équilibre) tout cet album est le fruit d’amitiés, de rencontres, de celles des vrais réseaux de la vraie vie. Le festival de Concèze n’y est pas pour rien qui a apporté à Céline la complicité d’Emilie Marsh (auteure de deux titres) et celle d’Etienne Champollion, sinon de Rosette au moins pierre angulaire de cet opus qu’il a réalisé et dont l’ensemble DécOuvrir s’est investit. Grand et fin orchestre, pas encore un symphonique mais presque, pour Caussimon qui se voit offrir là le bien bel écrin de ses chansons. Ça fait plaisir.

Céline Caussimon, Attendue, Absilone/Socadisc 2014. Le site de Céline Caussimon, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.