Granby 2014. Karimouche, d’Octobre et Chercheurs d’or : tous ont trouvé de l’or !
Dernier jour de ces vitrines (show-case) proposés aux seuls professionnels. Et presque feu d’artifice. Avec Karimouche, puis avec Les Chercheurs d’or. Avec Octobre aussi.
Qui n’a pas vu Les Chercheurs d’or en scène ne sait cette idée précise de la beauté. Beauté d’une voix d’abord, celle d’Isabeau. Beauté d’une musique, d’une chanson qui trouvent incontestablement leurs racines dans le répertoire traditionnel et s’en extraient quelque peu, comme autonome, pour l’enrichir à leur manière.
Les Chercheurs d’or l’ont manifestement trouvé : c’est rien que des pépites ! « Sers-moi d’l'amour / Avec un col de mousse dessus … » Beaucoup d’amours déçus, déchus, de filles délaissées (de maris aussi !) comme on en trouve à profusion dans la tradition (« Petit cœur j’t'en prie, reviens / Je n’en peux plus de t’attendre… »), le chant d’Isabeau et de ses Chercheurs d’or est empreint, toujours, d’une singulière dramaturgie et ne manque pas d’arguments : « Tu as brisé mon coeur de femme / Avec tes manies de salaud / Si t’as gaspillé ma jeunesse / Au moins, moi, j’t'aurai volé ton banjo. » On l’aura compris, Isabeau s’accompagne au banjo, à la mandoline aussi. Marie-Christine au violon, François à la guitare, Luke à la contrebasse, Simon aux percussions et à la batterie. Tous chantent, accompagnent Isabeau, dans ces quêtes et plaintes d’amour. Mais pas que. Dans le répertoire des Chercheurs d’or, d’autres pierres encore, plus graves, celle d’un attentat : « Tout explose, on n’a rien vu venir. » Mais « Puisqu’on est là pour y rester / C’est écrit qu’on est là pour jouer. »
Coup du sort, lâche démission ou peur de l’avion, l’un des trois musiciens de Karimouche l’a planté sur le tarmac. Que font donc la lyonnaise et ses deux autres acolytes : ils s’adaptent, qui plus est avec grande classe ! C’est tourbillon de tchatche que ce bout de bonne femme, ivresse de mots, de pur talent : « Je parle trop, ça frôle la performance / Y’a des fois j’arrive à me saouler moi-même / Ma langue se délie à outrance / La cadence de mon débit s’accélère. » Et c’est parti… Outre la guitare-basse de James, le « son » est celui de son incroyable human-box qu’est Kosh (qui se met en bouche une inoubliable et incongrue Marseillaise), nous donnant le la d’une prestation très « chanson urbaine » (entre goualante et slam, même si, avec Karimouche, c’est bien plus complexe et subtil que ça), tribale, tripale, menée de main de maîtresse par cette chanteuse hors format, grande gueule et belle voix, une hip-hopeuse twisteuse « la tête dans l’guidon », moderne et surannée à la fois, chaleur latine en ses quartiers, en tous points sublime. C’est dire si on est prêt à la suivre de partout. Dans sa revisitation de Piaf (L’accordéonniste) comme dans le fantasme de toute chanteuse française qui est de chanter en anglais, niveau Assimil sortie de cinquième : jolie provocation en ce festival à la francophonie dédiée.
Et Francis d’Octobre. Rien que du sentimental, du beau, du bien écrit, évidente poésie qui s’offre d’intéressantes perspectives, des lignes de fuite : « Encore une histoire qui se termine / Je me dis qu’il y a pire / Ce ne sera pas la première fois / Qu’une porte se fermera. » L’un des intérêts d’Octobre, même avec un mois d’avance, réside en ces cuivres – trompette et trombone – qui anticipent et prolongent les chansons. Original, peu vu et ouï ailleurs. Avec par ailleurs un pianiste et lui-même en tambour et guitare. De l’amour donc, qui parfois dit n’importe quoi, mais le dit bien, l’écrit bien, en de tendres suppliques que souligne une musique qui ne se contente pas d’épouser les mots, de leur coller à la peau mais participe au même élan, donne son écot. A écouter, à le revoir.
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