Soirée aux Trois Baudets : faire l’âme pour avoir du son…
Clio, Maryvette Laire et Abel Cheret (photos DR)
Allez, avouons-le…
Même si on est un gentil garçon comme moi (si, si, demandez autour de vous…), on se surprend parfois (un peu) à se laisser aller (un peu) et à dire (un peu) du mal de certains artistes vus sur scène. Ou pour paraphraser ce cher Desproges, parfois on aime trop les humains pour les tolérer médiocres. Ah, on est misanthrope ou on ne l’est pas..!
Alors, ce triple plateau-découverte aux Trois Baudets (BBB pour les intimes), je m’y étais (un peu) préparé (promis j’arrête avec toutes ces parenthèses.) (Flûte, raté…). A tel point même que je n’avais pas spécialement prévu de chroniquer ce moment pour vous, chers Enlecteurs, mais que voulez-vous, mon grand cœur me perdra.
Non, sérieusement, j’ai de belles choses à partager avec vous, et je m’en voudrais de les garder pour moi seul…
L’originalité de la formule des BBB est donc de présenter, plusieurs jours par semaine, un triple plateau (oui je sais, ça fait un peu fruits de mer… Rhhhaaah, j’avais promis, pardon..!). En première partie, un artiste débutant (environ dix minutes), puis un artiste un peu moins débutant (environ trente minutes). En seconde partie, un artiste plus confirmé, pour une petite heure de concert, une formule évidemment propice aux découvertes et parfois aux fort belles découvertes.
Pour ouvrir le bal, donc, le jeune Abel Cheret, sympathique grand échalas dégingandé à la petite moustache arty, qui nous prévient dès le premier titre qu’il n’a vraiment rien pour lui, et surtout pas la voix. Et pourtant…
Malgré ces préventions, celle-ci se révèle fort agréable, au fil de textes gentiment désabusés et teintés d’auto-dérision. L’écriture est joliment déliée, pleine de belles images, et portées par des rythmiques jazzy volontiers syncopées (guitare/batterie/tuba/flugelhorn). L’instrumentarium (je dis ce que je veux..!) donne aux différents morceaux une savoureuse couleur cuivrée et l’on se surprend à songer aux univers parallèles de Mathieu Boogaerts ou Florent Marchet.
Evacuons cela tout de suite : Maryvette Lair, qui lui succède sur scène, est charmante, positivement charmante dans sa (courte) petite robe noire pailletée. Mais bon, il ne faudrait tout de même pas que cela l’handicapât artistiquement… Alors bon, on essaye de mettre de côté la jolie frimousse, les longues jambes et la silhouette longiligne et, en véritable professionnel de la profession, on y arrive presque… Le premier titre pose le tableau, mettant en scène une ravissante idiote se demandant Qui est cette fille en face de moi ? avant que de songer au miroir… A deux sur scène, sur une formule guitare/piano/machines, les délicieuses petites ritournelles pop fonctionnent à merveille, bien soutenues aux choeurs par un guitariste clone de Calogero, mais ce n’est pas de sa faute… La voix est belle et claire, une voix d’actrice chantante façon Adjani (laquelle, soit-dit en passant, n’oserait plus, en ces jours troubles, entonner le fameux pull marine, mais bon…).
Un petit quelque chose aussi de Muriel Moreno, l’égérie de Niagara, impression encore plus flagrante sur le titre
Au bord de la mer… Là encore, pas mal d’auto-dérision lorsque elle passe, avec une délectation visible, d’une vamp glamour à une rappeuse au
flow dévastateur. Les mélodies sont entrainantes et accrocheuses, et on admire la dextérité lorsque, victime d’une panne de clavier, elle nous gratifie sans se démonter une seconde d’un scat déjanté, mimant les accords et les glissando en lieu et place du solo attendu. Du grand art !
(sa page facebook, c’est là)
Troisième artiste sur scène avec la toute jeune Clio, censée donc être la plus (re)connue de la soirée… J’avoue à ma grande honte n’en avoir jamais eu d’échos à ce jour, mais la découverte n’en fût que plus agréable, comme vous l’allez juger à l’instant… Première impression, et quelle impression, quel contraste avec le set précédent : simplement juchée sur un tabouret haut, nimbée d’un unique halo de lumière et vêtue, jean’s/t-shirt, avec beaucoup moins d’affêteries. L’air de presque s’excuser de chanter, et comme tombée du ciel sur la scène des Trois Baudets…
De sa simple présence, de son petit côté Charlotte Gainsbourg et sa voix fraîche émane un charme fou.
Ses chansons tendrement folk sont magistralement accompagnées par la guitare bossa de son complice Gilles Clément, le tout pratiquement sans un mot au public entre les titres, sans un sourire, sans un merci, sans un rappel.
Vous souvient-il d’un certain Georges B. se comportant de la même façon sur cette même scène à ses tout débuts..? Maladresse, émotion, timidité ? On a envie de tout pardonner à la demoiselle… Tout en sobriété, avec une grande économie de moyens façon Françoiz Breut, les textes sont étonnamment matures pour une aussi jeune artiste, à tel point que l’on est tout étonné, en lui arrachant trois mots à l’issue du concert, d’apprendre qu’elle en est bien l’auteur…
Une reprise inattendue de Toute la pluie tombe sur moi, quelques notes de ukulélé, un titre délicieux, Eric Rhomer est mort, et l’on voudrait n’en jamais voir la fin.
Délicieux, vous dis-je. Et quel métier qui nous permet de telles découvertes.
Vous vous souviendrez, dites, que
NosEnchanteurs vous en a parlé en premier un jour ?
(en écoute ici)
Ah ! Clio a dit » Bonsoir » ! merci Patrick pour ce trio d’impressions partagées , et pour ces découvertes . On se souviendra , dans 10 ans , quand Clio chantera au stade de France devant 20 000 personnes , on se dira, ah oui, Patrick Engel l’a découverte au 3 baudets, en 2014 !
Le Stade de France (SDF, aurais-dit Leprest…), c’est un peu plus que ça, nan..? Mais faut-il vraiment lui souhaiter ?!?
je ne sais pas combien de personnes peuvent tenir au stade de France, mais, non, je ne lui souhaite pas, et ce n’est pas le genre, et je préférerais aller l’écouter dans une salle à dimension humaine, là où l’on peut vraiment écouter, et voir les chanteurs sans se casser le cou, ou devant des écrans , au milieu d’une foule hystérique .