Granby 2014. Le joli vivier de la chanson francophone qui est là
Nous reviendrons plus tard sur Bon débarras, formidable formation trad nous venant des bayous. Ce trio concourt lui aussi aux découvertes Solotech dont nous aurons dans quelques heures, au terme de la quatrième journée, les lauréats. Précisons que les votants sont tous ces professionnels organisateurs qui les accueilleront en France, Suisse et Belgique.
Deux autres artistes étaient en lice hier : Emile Proulx-Cloutier et Ingrid St-Pierre. Ainsi que le français Charles-Baptiste.
Emile Proulx-Cloutier est connu au Québec pour mener une intéressante carrière d’acteur. Il est aussi réalisateur, scénariste, directeur de la photographie et monteur. Présentement il est chanteur et c’est nouveau. Et étonnant, tant que c’en est même confondant. Avec six nominations au proche Gala de l’Adisq (dont révélation de l’année, album de l’année et auteur de l’année !), et si peu qu’on le sache (le jury est fait d’européens…) il apparaitrait comme un des favoris. Et ce serait justice. C’est bien un chanteur d’importance qui est là, devant nous, pas un caprice d’acteur ni une stratégie de carrière pour squatter abusivement la une des journaux. C’est du beau texte, mots choisis au plus proche des sentiments, des émotions. Belle interprétation, classique et puissante, au service d’histoires et de portraits tirés de « mon baluchon de personnages que je traîne avec moi. » Gagnant ou pas, on aimerait qu’il prenne, comme chanteur, la route du vieux continent, pour y poursuivre ses rêves, ses cauchemars : « Faut surtout pas qu’ma mère entende / Les cris des fées nues dans ma chambre… » Superbe !
C’est dire si ça rend dérisoire la prestation d’avant, celle de Charles-Baptiste. D’aucuns verront en lui un avatar de Bénabar, moi c’est plutôt Delerm qui me vient à l’esprit. En nettement moins bien, je m’empresse de préciser. C’est du bobo et c’est pas beau. Des mots qui sont tout sauf jolis, piètres rimes, chansons vite et heureusement oubliées, phrases bêtasses dont il semble si fier qu’il les place vingt à trente fois par chanson (« Je vois du porno partout », « Non, c’est non négociable ! », « Avant de d’v'nir connue t’étais moins conne »…). Et, par dessus tout, cette désagréable et fâcheuse prétention qui suinte de son interprétation. C’est rien que de la chanson d’adolescent, gorgée d’acné. A éviter.
Ingrid St-Pierre a le physique et la tenue d’une sténo-dactylo années cinquante. Un rien décalée, donc. Son propos l’est tout autant. Son premier titre s’inquiète de comment pouvoir tuer son amoureux, lui offrir ce que du reste il semble vouloir : un enterrement de vie de garçon. Un humour coulé dans le plus pur des sérieux, joyeusement, résolument cynique. Tout est bon en elle qui peut chanter tout ce qu’elle veut : nous suivrons. Jusque cet autre titre, Ficelles, où elle chante sa grand-mère qui fait désormais copain-copine avec Alzheimer : Ingrid devient un peu la gardienne de la mémoire de sa mamie, « mais oublies pas mon nom. » C’est beau, touchant. Comme tout ce qu’elle chante. Je crois qu’il suffit d’écouter Ingrid St-Pierre pour l’aimer.
Outre Bon débarras, nous reviendrons plus tard sur la prestation solo, dans cette même journée, de Salomé Leclerc, un des chocs de ce 46e Festival international de la chanson de Granby.
Séquence émotion avec ces deux découvertes , (on oubliera Charles-Baptiste), et à suivre .