Courir les rues, traquer le faux-semblant…
Courir les rues fait sa mue, pas forcément comme la pochette de leur nouvel opus, corps de biche et tête de lion, mais quand même. C’est qu’entamer une deuxième décennie est exercice délicat. Direction pop et nouveau son pour ce quatrième opus, Manuel du faire semblant, réalisé par Robin Leduc (par ailleurs ACI, à qui on dit l’album Hors-pistes chez Tôt ou tard en 2010) où, au passage, Courir les rues adopte basse électrique et claviers. Qu’on se rassure, on trouve toujours ce ton cuivré qui côtoient contrebasse et accordéon.
Faire semblant, donc. Et l’image de la biche se faisant passer pour ce qu’elle n’est pas est bien venue. Courir les rues (et son chanteur auteur compositeur Max Tailliez) fait thématique, presque catalogue des apparences, fausses postures, opportunismes, petites tromperies en tous genres, la moindre étant de « vivre ici rêver d’ailleurs » qu’ils prennent pour antidépresseur, baume contre les douleurs. Reconnaissons que depuis L’opportuniste de Dutronc, le thème fait florès, chaque fois renouvelé, quasi institutionnalisé. Car le faux semblant se déplace vite de l’individu à la société toute entière qui tente de cacher ses inepties, ses impérities, ses catastrophes d’hier en attendant celles de demain : « On a rempli la bétonnière qui réparer les bêtises d’hier. » Onze chansons de belle facture, belle écriture, onze situations et bien plus de cas de figure pour illustrer le propos. On ne parlera pas pour autant de trouvailles : suffit de regarder le monde pour s’en inspirer et habilement retranscrire. C’est le cas.
Pop à la française, donc. Dynamique, digeste, intelligente. Probante sur disque même si ça appelle d’évidence le grand format de la scène où le groupe se donnera sans possible faux semblant.
Courir les rues, Manuel du faire semblant, Musicast 2014, sortie le 1er septembre. Le site de Courir les rues, c’est ici.
Sans conteste, un pur groupe de scène qui donne toute sa mesure en brûlant les planches…
L’occasion de rappeler içi que le nom du groupe est un hommage à Raymond Queneau, repris du titre d’un de ses recueils de poèmes, avec également « Battre la campagne » et « Fendre les flots ».