Barcella et les pièces de son Puzzle
Sauvé dans Lancer de disque
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Barcella est comme ça : mettre sur un même et nouveau disque onze titres que rien ne rassemble, baptiser l’album Puzzle et faire disserter dessus l’ensemble des chroniqueurs pour bien en rire ensuite.
Barcella fait du Barcella et on n’en sera point étonnés : la plastique du verbe, le design de sa poésie, l’hétéroclite assemblage de ses mots qui au bout du vers fait sens. Barcella est un impressionniste de la chanson : il versifie ses toiles de touches de mots, de codes couleurs, de sons, d’intonations et de grains de folie. Que de la joie et sans ficelle. Pas même celle de Trenet pour en finir avec la vie : Barcella immanquablement rate tous ses suicides.
Si le titre de l’album se justifie, c’est que chaque chanson est une pièce, tirée d’on ne sait quelle image. Une belle pièce, comme on dirait d’une belle prise, tant qu’on n’est jamais bredouille. Qui se loge dans l’oreille, y fait son travail, qui de beauté qui de sape. Barcella n’est jamais loin des films d’animations, contes de fait, sans âge mais toujours enfant, à sublimer le beau : « Je l’imagine tête en l’air avec ses boucles d’or / Cherchant à en perdre haleine l’île au trésor. » De ces films où, d’une scène l’autre, l’action se mue en pure émotion, où cet épouvantail ne faisant plus peur aux oiseaux se révèle être un peu beaucoup Papy… Où « les grillons de nos vies rechantent » parce qu’on « se dit des mots d’amour / On s’offre des bouquets de fleurs / Et puis des bisous dans le cou » (très belle Poésie des roses partagée avec Emily Loizeau). Barcella est ce « clown mélancolique » à l’« abracadabra poétique », aux « tours de magie dans [son] chapeau ». On se se lasserait pas de prélever à ses chansons de somptueuses phrases comme on subtilise une fleur au rosier pour s’imaginer détenir un moment d’éternité.
Tout est pure poésie, parfois singulière (comme ce drôle de Chou-fleur en duo avec Leeroy), parfois évidente comme le seraient des Papouilles : « On se butine on se bouffe / On s’embobine et l’on touche / Le cœur de celui qu’on ligote. »
Diction hachée, timbre gamin, empreinte vocale encore inédite en chanson où s’est sédimentée son épopée hi-hop, musique pimpante, sucrée et cuivrée d’où l’oreille capte tant le banjo que l’ukulélé, les claps et les scratchs, le troisième opus de Barcella est conforme à ce qu’on attend de lui, constant enchantement étonnement visuel, cinématographique. Il y a du Tim Burton en ce pitre de la chanson, univers précis et précieux où l’onirisme et le quotidien font constant bras de terre ou bras de fer.
Très bel album qui a bien inspiré Michel, à la hauteur de l’image de couverture baroque du CD ! Poésie, bonheur et fraîcheur, tout ce dont on a besoin !