Emmanuel Guilloteau, metteur en son de nos livres

Trois livres de référence avec désormais leur bande-son (photos DR)

Il aime la littérature et la musique, toutes les musiques ou peu s’en faut, les livres et les disques. Et s’il est responsable d’une médiathèque (à La Jarrie, près de La Rochelle), ce n’est certainement pas par hasard. Emmanuel Guilloteau semble apprécier les bonnes biographies, en regrettant chaque fois qu’elles ne puissent secréter elles-mêmes leur propre bande-son. Pour lui les liseuses tactiles sont une aberration, non qu’il fuit par principe la lecture sur écran mais parce qu’une liseuse ne propose bêtement que des caractères typographiques sagement alignés en paragraphes, d’un même corps, d’un même caractère, organisés en chapitres, et non ce qu’on pourrait en attendre : les mille fonctionnalités qu’on peut espérer, qu’on serait en droit d’exiger. Vous imaginez la biographie d’un musicien ou d’un chanteur qui vous délivre en plus des images, mille archives et documents, des vidéos et, bien entendu, son intégrale discographique ? Inéluctablement ça viendra mais… pour l’heure, ce n’est pas encore ça.

Emmanuel Guilloteau

Alors, lui, modestement, concocte, à partir de Deezer, les bandes-sons de ses biographies préférés. Je suis sans doute mal placé pour en juger mais il me semble que ce diable d’homme a bon goût.

Déjà trois biographies à son actif, cet été : Les vies liées de Lavilliers (Michel Kemper, Flammarion 2010), Jacques Brel, l’aventure commence à l’aurore (Fred Hidalgo, l’Archipel, 2013) et HF Thiéfaine, jours d’orage (Jean Théfaine, Fayard 2011, édition revue et augmentée). Emmanuel Guilloteau a livré sa bande-son du Thiéfaine la semaine passé, au jour anniversaire du décès de Jean Théfaine, qu’il fut le dernier à avoir accueilli dans sa médiathèque, à la grande joie du journaliste-biographe : « Ça m’a marqué, cette rencontre, et j’ai voulu lui rendre hommage. »

Ainsi, on peut replonger dans chacun de ces trois livres avec, cette fois, dans l’ordre de la biographie, toutes les chansons. Toutes ? Hélas non. Que celles présentes sur Deezer et, de fait, ça nous prive de certains titres, car tous les artistes n’y sont pas. Pas de Jean-Jacques Goldman qu’évoque Hidalgo dans son Brel, pas d’Alain Bert ni de Gilbert Laffaille pour le Lavilliers, encore moins les premiers titres, inédits discographiques du Stéphanois de la chanson. Mais l’essentiel y est, et surtout dans l’exacte chronologie de ces livres. « On pourrait en ajouter, bien sûr, à Deezer, mais on se heurte, là, à des problèmes de droits d’auteur » souligne Emmanuel.

QUI POUR LA PLUME ET LE PINCEAU ?
Nous avons chroniqué, il y a peu, les deux premiers tomes de la collection « Chansons à la plume et au pinceau » des éditions Carpentier, l’un sur Georges Brassens (par Jean-Paul Sermonte et Héran), l’autre sur Renaud (par Baptiste Vignol et Héran). Au moment de trancher sur qui fera l’objet du troisième volume de la collection, l’éditeur lance un sondage. Lavilliers, Brel, Perret, Nougaro, Polnareff, Higelin… ? A vous de départager les candidats à la postérité.

Emmanuel a débuté en fait après sa lecture de « Black up » de Paul Colize, qui proposait à la fin de son livre sa propre bande-son. Il fallait juste la réaliser, ce qu’Emmanuel a fait. « J’aurais pu reprendre le terme « playlist », j’ai préféré « bande-son » utilisé par Colize à la fin de son livre « Back up » et qui répertorie tous les titres cités chronologiquement dans son roman policier. C’est cette idée qui a tout déclenché. La définition de bande-son sur Wikipédia est la suivante : « La bande son d’un film constitue sa partie sonore« . Rapportée au livre elle n’en devient que plus intéressante. » Emmanuel s’attèle ensuite au livre anthologique « Je voudrais tant que tu te souviennes » (Gallimard 2013), poèmes mis en chansons où on retrouve tant du Corneille chanté par Brassens, du Charles d’Orléans par Polnareff, du Pierre-Jean de Béranger par Murat… Et encore Béart, Magny, Aznavour, Les Frères Jacques, Douai, Perret, James Ollivier, Beaucarne, Bardot et bien d’autres. « En fait, il y a 161 titres sur les poèmes mis en chansons, mais je vais rajouter ceux de la préface ! » Il projette de travailler sur un livre à paraître, qui mêle chanson et politique, dont il travaille sur le manuscrit : « Tu as l’impression de te replonger dans l’histoire de la chanson : tu ne connais pas et tu cherches. »

Donc, Lavilliers, Brel et Thiéfaine, ces trois biographies qu’on dit de référence : « On lit sans jamais prendre le temps d’écouter. Là, par ce travail, j’y ai découvert plein de trucs. Quand un auteur cite une chanson, que ce soit « Gaby oh Gaby » ou une des Stones, ce n’est jamais par hasard. Comme dans un livre de Bertrand Dicale, qui peut te citer aussi bien les Sex Pistols que Bruant. »

Dicale qu’Emmanuel accueillera le dimanche 2 novembre, à La Jarrie, en même temps qu’Eric Guilleton et Michel Kemper (conférence chantée sur Bernard Lavilliers), que Pierre Barouh et de très nombreuses personnalités tant de la chanson que de la littérature, pour un Salon du livre qui s’annonce comme un grand cru, un événement. Nous y reviendrons.

« Quand on est médiathécaire, on doit être passeur, défricheur, n’est-ce pas ? » De fait Emmanuel l’est, avec passion, avec talent.

La bande-son du livre « Les vies liées de Lavilliers » de Michel Kemper, c’est ici.

La bande-son du livre « Jacques Brel, l’aventure commence à l’aurore » de Fred Hidalgo, c’est ici.

La bande-son du livre « HF Thiéfaine, jours d’orage » de Jean Théfaine, c’est ici.

La bande-son du livre « Back up » de Paul Colize, c’est ici. Et sur ce livre, c’est là.

La bande-son du livre « Je voudrais tant que tu te souviennes », c’est ici. Et sur ce livre, c’est là.