Pierre Vassiliu, 1937-2014
Comme Cristiani, lui aussi risque de ne laisser dans la mémoire du grand public qu’un titre, un seul, presque un constat d’ignorance : Qui c’est celui-là ? On ne sait effectivement rien ou pas grand’chose de cet olibrius, rigolo et tendre, sentimental et gourmand de la vie, voyageur et musicien.
Fou de Brassens et de jazz, jeté de chez ses parents à 18 ans, d’abord jockey, il quitte les hippodromes pour se lancer très tôt à la conquête des cabarets. C’est à son retour d’Algérie que Pierre enregistre ses deux premiers succès, écrits par son frère Michel : Armand et Charlotte. Brassens écrit un petit mot sur la pochette de son premier 45 tours. D’un humour corrosif que n’apprécie pas la censure gaulliste, il est rappelé à l’ordre lorsqu’il raille l’armée, en 1963, avec La femme du sergent. La case « humour » est à l’époque déjà cochée par Pierre Perret : « On ne faisait déjà pas la même chose, ce qui m’a permis de me faufiler dans les tournées yéyé de l’époque » (in Chorus n°9). Passage par la romance (la chanson-titre de son premier album, en 1969, est la fameuse Amour amitié) jusqu’à ce que le succès, immense, vienne de l’adaptation, en 1974, de Qui c’est celui-là ? du brésilien Chico Buarque. Vassiliu est un amoureux des rythmes latino-africains et africains. Un temps il s’établit même au Sénégal où il tient un bistrot-restaurant.
Du comique-troupier de ses débuts et l’épicurien qu’il est devenu, Pierre Vassiliu laisse une œuvre indomptable, étrange, carrière atypique parsemée de longues absences où il est de partout dans le monde, au Zaïre comme au Brésil, dans le sud de la France mais pas là où du reste le show-biz ne l’attend déjà plus. Il vit sa vie, enregistre de temps à autres, se produit en scène parfois, donnant cette image dont il a fait le titre de son livre publié en 1989 : La vie à ne rien faire (image qu’il rectifiera en 2005 par son autobiographie Qui c’est celui-là ?). Dix-sept albums (tout de même !) et quelques musiques de films forment à leur manière le fil discontinu de sa vie artistique qu’il sera judicieux, un jour, de revisiter, pour qu’il ne reste pas que Qui c’est celui-là ?, J’ai trouvé un journal dans le hall de l’aéroport, Léna, Le vent souffle où il veut et quand il veut, Dans ma maison d’amour ou Amour amitié, même si c’est déjà ça, même si c’est formidable.
On peut aussi retenir de cet homme fantasque et généreux, sa maison du Luberon qui a été une sorte de village de grandes vacances pour de nombreux artistes à leurs débuts, Véronique Sanson en a parlé avec tendresse… C’était vraiment la maison d’amour…
Grand souvenir de ces longues conversations téléphoniques (à l’époque où je lui consacrai un dossier pour VINYL) où il me racontait plein d’anecdotes entre deux éclats de rire, dont l’épique enlèvement de Laura en avion ! Pensée pour elle qui a veillé sur lui jusqu’au bout…
Et pour l’ensemble de la (très nombreuse) fratrie Vassiliu…
Il faisait déjà partie de notre panthéon.
Il est allé rejoindre mon ami Paulo Mondano avec qui je faisais ses premières parties quand il habitait Saignon (Vaucluse). Repose en paix Pierre.
On trouvera sans doute de quoi le redécouvrir dans cette play-list générée automatiquement par YouTube : http://www.youtube.com/playlist?list=PL_P75LspUZY0iFdoq04cPpiopqHPwwWbB
Connaissez-vous ma cousine
Celle qu´a les yeux en trou d´pipe
Et qui l´jour de ses vingt ans
A voulu me faire son amant
Voilà comment ça s´est passé
Excusez-moi si c´est osé
On s´est allongés sur le lit
On a parlé soleil et pluie
Jusqu´à c´qu´elle me fasse remarquer
Qu´on n´était pas là pour s´bercer
Alors je l´ai déshabillée
Et m´attardant sur ses nénés
Elle me dit t´es plein d´audace
Pendant qu´j´lui r´tirais ses godasses
Puis quand elle fut dévêtue
Et que je vis le trou d´son nez
Sincèrement j´aurais pas cru
Qu´on puisse être aussi négligé
Elle n´avait rien de folichon
Si vous aviez vu ses nylons
On aurait juré des chiffons
Elle était sale enfin passons
Puis je me suis déshabillé
J´étais tout nu à ses côtés
Me voyant là comme un idiot
Elle a compris qu´j´étais pudique
Alors elle a pris l´command´ment
Viens là mon rat viens là mon grand
Je vais te faire tout plein d´chatouilles
Sur les joues le nez et les coudes
Tu vas y prendre un tel plaisir
Que dans deux s´condes tu vas jouer
Assieds-toi là au frais d´la caisse
Et met ton doigt entre mes pieds
Aussitôt moi je m´exécute
Comme elle me l´avait demandé
Et voyez-vous cette sacrée puce
Est arrivée à m´faire banquer
Après ça j´ai repris la route
Je ne sentais plus ma binette
Quelle nuit mon dieu j´ai du passer
Quand je me suis fait députer
Si vous la connaissiez un brin
Vous sauriez qu´elle fait le tapin
Ne la prenez jamais en grippe
Sinon elle ne me f´rait plus d´bien
Comme Herve Cristiani il n’a eu qu’un tube. Mais quel tube…
Ce n’est pas tout à fait vrai, René : admettons que vous en avez retenu un, un seul. Mais « comme Hervé Cristiani », est-ce si important de retenir le « tube » quand, à côté, il y a tant et tant de superbes chansons qui, toutes, sont à (re)découvrir ?
C’est un peu comme Beethoven : on retient « La Pince à Linge » et à part ça…
Après le texte publié par Karine, voici la version de Karin :
Connaissez-vous mon cousin?
Celui qui est natif d´Anzin
Paraît qu´il est bête comme ses pieds
Mais qu´est-ce qu´il fait bien les pompons!
Il est peut-être un peu flemmard
Mais c´est un drôle de zigomar.
Avec un engin pareil
Il faut avoir un appareil
Qui ne fonctionne qu´à la vapeur
A raison de dix nœuds à l´heure.
J´vous dirais bien où il habite
Il pourrait vous montrer sa boîte
Mais il n´y a plus grand chose dedans
Depuis son dernier accident.
C´est un beau jour à l´usine
Qu´il a perdu ses p´tites cousines
En se baissant pour un réglage
Elles sont parties dans l´engrenage.
J´m´en souviens il a dit « Ouille! »
Où est passée ma paire de gants?
Puis il a cherché dans ses fouilles
Y avait plus rien évidemment.
Et depuis ce jour maudit
Ou du moins à ce qu´on m´a dit
Paraît qu´il fabrique des accus
Et qu´il les charge avec son cousin.
N´importe quel boulot il s´en fiche
Pourvu qu´il en ait plein les mains
Pompiste ou bien haltérophile
Tout ce qu´il veut c´est qu´on l´engage.
Faut aussi que vous sachiez
Qu´à ce propos il m´a fait peur
Le jour où dans le vestibule
Il a voulu que je l´entende.
Moi qui suis pour la paix des races
Cette fois j´étais bien coincé
Il a donc fallu que j´y passe
D´ailleurs on a recommencé.
Mais ce n´était pas par vice
Dans le fond c´était pour l´aider
J´ai voulu lui rendre service
Car on n´est jamais trop aidé.
Maintenant j´en suis convaincu
D´ailleurs ça rime avec mon cœur
Une fois ses préjugés vaincus
On ne connaît plus son bonheur.
Il y a 10 ans environ, j’avais été choisi pour faire sa première partie dans une ville de Picardie, alors qu’il essayait de relancer sa carrière par une série de concerts .
Je n’étais pas qu’un peu fier ! Avec mes musicos, avant le spectacle, on était allés le voir dans sa loge pour le remercier.
Il semblait assez préoccupé, mais il a été très sympas.
On a pas trop échangé pour ne pas le déconcentrer.
Il faut dire que l’on a bénéficié des mêmes conditions techniques que celles qui étaient prévues pour son récital, et ça, c’est l’indice que « Celui-là », c’était un chic type. Salut Pierre.
(prélevé sur facebook, ce compte-rendu des obsèques de Pierre Vassiliu, à Sète, par Pascal Larderet)·
Je vais faire un petit compte rendu de la cérémonie d’hier.
D’abord bravo la cérémonie était vraiment réussie dans la mesure ou il y a eu une vraie synthèse du personnage de Pierre avec des moments d’émotions fortes avec des larmes mais aussi de grands éclats de rire particulièrement avec l’intervention magistrale de James Bean et bien entendu de la paillardise avec ce grand moment final ou Laura offre sa petite culotte sur le cercueil de Pierre et qu’une petite dizaine de femmes présentes dans l’assemblée l’imitent et lui offre aussi leurs petites culottes pour l’accompagner dans la crémation, bravo mesdames ce fut un bel hommage au monsieur.
La Fête s’est poursuivi sur la plage avec Champagne, et vin rouge, c’était festif gai et tous avons parler beaucoup de Pierre, on s’est connu on s’est reconnu c’était juste.
La Fête s’est poursuivi tard dans la nuit pour l’ouverture de la St Louis à la guinguette musicale de chez Lulu à Sète autre personnage sétois disparu lui aussi récemment.
On a dansé, on a rit on a pleuré et c’était beau, Pierre sera heureux de ce qui s’est passé.
Et promis on arrive.
Et le compte-rendu du Midi Libre :
Sète : les adieux « débridés et culottés » à Pierre Vassiliu Des obsèques débridées à l’image de Pierre Vassiliu.
Les obsèques – débridées – du chanteur Pierre Vassiliu ont été célébrées jeudi à Sète.
On a chanté, on a pleuré, on a dansé. Les obsèques de Pierre Vassiliu, décédé dimanche à l’âge de 76 ans des suites de la maladie de Parkinson, ont été célébrées jeudi au funérarium de Sète devant son dernier public : sa femme Laura, ses six enfants et beaux-enfants, sa famille, ses amis artistes, musiciens, ses copains d’ici et d’ailleurs, quelques anonymes. Tous vêtus de blanc. Au micro, ses fils et filles ont parlé de joie, de plaisir et de sourire. De souvenirs dans cette “Maison d’amour” pleine de « bons buveurs, des bons musiciens, enfin des poètes, quoi. Des gens qu´ont quelque chose à dire et qu´ont pas la grosse tête ».
On a commencé à rire et à taper dans les mains quand les enceintes ont lâché “Et ta sœur” et son chapelet d’“Amen” de non-circonstances. Dans la dérision, cet homme « qui chassait la panthère en Casamance et volait des parasols à Intermarché » était un maître. « Tu as mené ta vie quand tu en avais envie, en emmerdant tout le monde. Mets la zone là-haut », lui demanda l’un de ses fils. Sûr qu’il ne va pas se faire prier. C’est qu’il est parti là-bas bien équipé. « En tournée, le cri de ralliement, c’était “culotte”. Quand je ne partais pas avec lui, je lui donnais la mienne », raconta Laura, son épouse, sa compagne de 40 ans. En guise d’offrande, elle répéta le geste hier, invitant les femmes de l’assistance à faire de même. Elles furent plusieurs à offrir un peu de leur intimité au poète !
Dès lors, les adieux à Pierre Vassiliu prirent une tournure, disons débridée. On se mit à chanter. « La vie ça va, la vie ça va, la vie ça va, oh oh ». A tourner. A rire et à pleurer. « Quand la vie n´est pas jojo, vaut mieux la danser ». Pendant ce temps-là, là-haut, Vassiliu devait déjà « trottiner jusqu’au premier bistrot, choper une guitare, caresser sa moustache. Et en avant la musique / cherchant encore une fille qui voudrait bien de lui ce soir, un quart d’heure. » Même parti, le « noble artisan de la chanson » n’a pas fini « d’embellir nos vies. »