Les Chansons et Mots d’Amou de Villon et Vian
Amou est une commune de 1500 habitants, dans les Landes, pourvue d’une église partiellement du XIIe siècle et d’arènes totalement du XXe. Belle idée de choisir Amou, qui malgré les apparences orthographiques n’a rien perdu de son air engageant, pour organiser un festival consacré aux mots de la chanson et de la poésie. Jean-Pierre Arbon, enfant du pays nourri de mots depuis toujours jusqu’à mettre les siens en musique pour notre plus grand plaisir, a conçu ce festival en 2012 avec l’aide de son épouse Claudine, de chanteurs de la région et de nombreux bénévoles.
Les arènes, habituées aux prouesses physiques des courses landaises, se régalèrent alors de gymnastique verbale et de jongleries poétiques et musicales. L’édition pionnière de 2012 réunissait autour d’Arbon, Marie Christine Barrault , marraine du festival, Pierre Fesquet et Guillo. C’est en 2013 que le concept se précise avec Brassens et La Fontaine, le noyau d’origine étant rejoint par Yves Jamait, Daniel Fernandez, Céline Caussimon et Daguerre. Cette année 2014, les orages grondants, c’est dans la salle de basket, réaménagée avec un soin attentif, que messieurs François Villon et Boris Vian sont à l’honneur, servis respectivement par Michel Arbatz et Carmen Maria Véga.
Il n’est pas déplacé de se demander ce qui peut réunir Villon et Vian. Aussi, en guise d’apéro, Stéphane Hirschi, universitaire et auteur de Chanson, l’Art de fixer l’Air du Temps (1) nous a éclairés sur les liens qui unissent ces deux auteurs. Outre l’air de famille qui sonne dans leur patronyme et la verve particulière dont ils font preuve dans leurs œuvres, il existe bien une double connivence. L’un et l’autre savaient que leurs jours étaient étroitement comptés. Villon, condamné à la pendaison, écrivit la plus grande partie de son œuvre en prison. Gracié, il disparait à l’âge de trente ans, sans laisser de traces. Vian était affligé d’une maladie cardiaque qui l’emporta à trente neuf ans. Villon chantait dans les tavernes, comme on chantait alors : une sorte de déclamation psalmodiée que d’aucuns auraient peut-être appelé slam. Vian jouait de la trompinette dans les boites de jazz et chantait dans les cabarets. Chacun en son temps inventa un nouveau langage poétique, empruntant à la rue des mots vifs et crus, en créant de nouveaux à l’occasion.
L’un et l’autre avaient conscience que la vie est trop courte pour ne pas en profiter et en rire, au-delà des limites autorisées par les rabat-joie du pouvoir. Villon, étudiant pauvre, voué aux larcins pour survivre, poussé au meurtre dans une rixe, défie l’ordre public. Vian, pacifiste, antimilitariste, anticonformiste avant tout, est l’objet de censure et de poursuites pénales. Leurs écrits respectifs sont animés par un esprit frondeur dont l’humour parfois grinçant se dresse en permanence contre la présence menaçante de la camarde.
Ce défi à la camarde, ils le soutiennent encore aujourd’hui, par le livre, mais aussi par l’oralité de la poésie et de la chanson. Villon, interprété par Brassens, Stéphane Golmann, Monique Morelli, Serge Reggiani, Léo Ferré, Michel Arbatz et d’autres encore est toujours d’actualité. Boris Vian à eu de multiples interprètes de son vivant et après sa mort, il est au répertoire de nombreux chanteurs aujourd’hui, dont Carmen Maria Véga.
On retrouve à Amou cet esprit rebelle, vivant au-delà de tout et cet art subtil de la langue française chez les invités à l’affiche : Jérémie Bossone (ci-dessous en vidéo) dont on n’a pas fini de parler et Boule que l’on n’a pas encore bien découvert.
Chansons et Mots d’Amou est sur la bonne voie pour devenir une incontournable étape pour les amateurs de chansons et de poésie orale. La cuvée 2014 nous prouve que l’initiative de Jean-Pierre et Claudine Arbon résonne avec le juste ton pour défier, comme Villon et Vian, les limites des genres : ils font exploser littérature, poésie et chanson dans un large champ d’émotions variées et de bonne humeur avec comme règle absolue le respect du public par la qualité. Nous attendons déjà impatiemment l’affiche de 2015.
(1) Collection Les belles lettres, Presses universitaires de Valenciennes, 2008.
C’est une alléchante découverte que cet Amou là !! Outre que cet événement se situe dans les Landes, département cher à mon enfance, il a le mérite d’offrir un temps de réflexion très séduisant : merci à toi Michel Trihoreau d’avoir résumé le propos… et puis d’avoir une fois encore nommé Jérémie Bossone !! Décidément celui-là fait l’unanimité auprès des collaborateurs de NosEnchanteurs !
Simplement bravo aux initiateurs d’un événement auquel je souhaite longue vie !
Je suis intéressée par votre Festival dont j’ignorais l’existence.
Je suis landaise d’origine mais je vis en Béarn dans le région de Garlin.
Mes derniers recueils sont pour la poésie La fenêtre du temps et « A la marge »pour des haïkus.
J’aimerais partager avec vous ces moments de Poésie
Très cordialement
Marine Dussarrat