Barjac 2014 : Delphine Coutant, le vent, la pluie
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Chansons de parole, Barjac, 28 juillet 2014,
On ne blâmera pas la météo, quoique. Pourquoi fallait-il que Delphine Coutant vante et vente la pluie de Nantes ? On le sait, solide axiome : il pleut toujours sur Nantes et le cœur y est chagrin, plus rarement sur Barjac. Il a cependant plu pour Gianmaria, qu’on testa avec un temps de retard sous abri, en un rare inconfort. Par bonheur, l’italien fut comme à l’habitude remarquable, même si sa prestation fut et pour cause amputée, réduite.
Comme du reste celle, mais pour d’autres raisons, de Delphine Coutant, Parades nuptiales en seul piano-voix où l’amoureuse mélopée de cette artiste se fraye plus difficilement un chemin qu’avec sa formation et son format initial. Pourquoi diantre n’est-elle pas venue avec ses musiciens sur cette scène qu’on sait si importante, où se jouent d’autres promesses de dates, le public étant non seulement prescripteur mais aussi, souvent, lui-même organisateur ? Ce public, qu’on sait particulièrement exigeant de Barjac, est resté sur sa faim, une sans fin, exerçant à son encontre des commentaires souvent sans concession, injustes, définitifs. S’il y a légèreté chez Coutant, ce n’est pas tant son propos, qui certes relève parfois de l’estompe, du pastel, presque de l’épure, encore moins ses mélodies raffinées, mais une façon presque aérienne d’être qui tranche pour beaucoup avec les artistes habituellement conviés sur cette scène. Un peu à la manière d’une sirène des terres intérieures tentant de séduire les marins que nous sommes. La magie n’a pas pris, le public n’est pas tombé sous le charme. Les eaux tombèrent sur le piano, la prestation tomba à l’eau, injuste verdict.
Le site de Delphine Coutant c’est ici ; ce que nous avons déjà dit d’elle, c’est là. http://www.dailymotion.com/video/xlcdms
Cette chronique m’attriste un peu, j’avoue, sans connaître suffisamment cette artiste dont j’aime l’épure justement …et puis des projets originaux… Puisqu’elle était en formation réduite, pourquoi ne pas lui avoir plutôt offert un passage sous le chapiteau… ? Décidément je ne comprends pas bien cette répartition de la programmation entre chapiteau et château. Mais il est vrai que voir tomber la pluie à Barjac est assez rare pour rendre tout le monde un peu morose.
C’est dommage, j’ai vu pas mal d’extraits de scènes, ou de clips, il est évident que ce genre de spectacle très construit avec des choristes et des musiciens (3 ou 4 en tout) ne passera que très difficilement en piano voix…
Post-Scriptum:(à 0h50) les précisions dans les commentaires qui suivent montrent que je suis allé un peu vite dans l’état des lieux. Dont acte, le spectacle été vu en piano-voix, mais la proposition de l’artiste de venir au complet (aux mêmes conditions) a été refusée.
Je suis certes persuadé, Norbert, qu’avec sa formation, Delphine aurait eu plus de chance de convaincre. Reste que ce spectacle en piano-voix, Delphine Coutant le présente parfois. Nous l’avons ainsi chroniqué en octobre dernier, lors des Rencontres de Prémilhat. Pour ma part, il me semble recevable : dois-je dire ici que je l’ai aimé ? Bon, le public n’est pas le même. Celui de Barjac est en cela fidèle à sa réputation et ce qui diffère quelque peu de ses attentes très « classiques », « formatées », prend le risque d’être jeté, violemment même. Ce récital de Delphine Coutant est bien sûr, comme tout autre spectacle, critiquable. Mais je trouve que la vox populi barjacienne est bien sévère à son égard, beaucoup trop.
Je sais que les festivals doivent composer avec des impératifs de budget, mais moi, ce que j’attends d’un festival, c’est le moment exceptionnel, qui ne sera vécu par les artistes, -pour les festivaliers- que ce jour-là, dans les meilleures conditions de spectacle possible. Si c’est pour voir un spectacle réduit à sa plus économique expression pour cause de budget, il y en a des ribambelles, tous les jours, dans des salles-garages plus ou moins concernées. Qu’au moins dans un festival, les artistes puissent montrer le meilleur, d’autant que souvent, ils font des conditions privilégiées pour être présents , c’était le cas aux Francos il y a 15-20 ans, même dans la petite Salle Bleue, 200 places à l’époque, les spectacles n’étaient jamais « à l’économie ». Sur le plan scénique. Je lis une chronique sur le spectacle de Delphine Coutant à Avignon qui me fait sacrément envie, j’imagine que ce sera la même chose à Barjac, et puis … Il y a de quoi être surpris… avant d’être déçu… mais à qui la faute ?
j’entends bien votre réflexion, Norbert, concernant les impératifs financiers des festivals.
Pour autant, il me tient à coeur de tenter de vous apporter quelques précisions quant à la prestation « piano/voix » de Delphine à Barjac (où je n’étais pas, préciserai-je).
Delphine Coutant présente assez souvent son spectacle en formule piano/voix.
Il s’en est trouvé ainsi, par choix de Delphine, lors de sa participation au Festival de la Chanson d’Angers, Tremplin de la Chanson Francophone, organisé par Amja Productions (Pascal Laborie et moi-même) en mars 2013.
Delphine Coutant fut finaliste, tout comme Tony Melvil (Lauréat), Hugues Pluviôse et, pour la catégorie « Interprète », Philippe Guillard.
A l’issus de notre Tremplin, Delphine Coutant, dans la catégorie ACI, sera récompensée comme suit : Prix Manufacture Chanson
Prix VB Productions – Prix « Chanson de Parole » Festival de Barjac.
Jofroi était le Président du Jury et a souhaité recevoir Delphine à Barjac dans la configuration scénique et artistique à laquelle il a assisté en tant que Président du Jury et Partenaire Artistique de l’édition 2013 du Tremplin.
Je crois donc pouvoir vous affirmer, Norbert, que le choix de Jofroi n’est pas un choix financier mais bien artistique, avec l’accord émerveillé de Delphine Coutant, choix et émerveillement dont j’ai été – pour le coup – directement témoin.
Mea culpa ! Les précisions sont intéressantes et éclairent un autre point du débat: Delphine Coutant a été récompensée par 3 instances de la chanson francophone, si j’ai bien compris, mais ça ne colle pas vraiment avec le public de Barjac ? Là il y a comme un problème de fond…
Décidément le public de Barjac est un curieux public !
Faut-il donc comprendre ,Norbert, que les artistes conviés au festival de Barjac, doivent forcément, et avant tout, coller avec le public ?
Le problème de fond ne serait-il pas le public de Barjac lui-même ?
C’est bien ce qui semble être le problème. Le seul festival que j’ai suivi avec une certaine assiduité, c’est les Francos de La Rochelle. Avec un public qui était plutôt friand de découvertes, qui les attendait, avec des spectacles neufs, parfois créés pour le festival, et invités par la bande à Foulquier « de confiance »… avec l’ambition de surprendre plus que de suivre les rails bien tracés. Si je regarde le programme de Barjac cette année, il y a 3 ou 4 invités que je ne connais pas… Si en plus ils présentent le même spectacle que celui que j’ai vu il y a moins d’un an… J’en déduis que je ne suis pas dans le coeur de cible.
Les précisions apportées sur la prestation de Delphine Coutant éclairent un point du débat que vous avez soulevé, avec affirmation, dans l’un de vos commentaires; je vous cite :
« …Si j’ai bien suivi le film, voici donc une affaire alambiquée, dont les sources disent :
Les programmateurs choisissent des spectacles qu’ils ont vus, c’est dans la note d’intention donnée aux éventuels postulants à l’adoubement.
Sur ces bases, on a donc invité un spectacle vu dans une configuration précise, mais en refusant à l’artiste de venir avec les partenaires de scène au complet… »
Entre Jofroi et Delphine Coutant, il n’en a rien été…
Vous avez suivi le film,… soit !
Je vous ai fait part de la préface… voilà tout !
Vous avez bien fait, j’ai donc effacé la partie erronnée de mon commentaire, il m’a semblé voir un retour de l’affaire Dimoné qui a provoqué des réactions passionnées l’an dernier. C’est en effet différent.
Bonjour,
Juste rebondir sur la question du public de Barjac, ou des publics, car j’imagine que comme partout ailleurs il est multiple. Mardi, installés sous les platanes près du chapiteau, une dame vient nous saluer et après quelques mots échangés se présente à nous, et ce sont ses mots « Je vous préviens, je suis une vraie ayatollah de la chanson ». Dans ce monde de la chanson ou a priori, nous défendons les mêmes valeurs de respect, de partage, d’ouverture, de tolérance …… s’auto-qualifier d’Ayatollah !!!! moi ça m’interroge, ça me fait flipper, ça me met en colère et pour finir, ça me fait rire…… un peu jaune quand même car, même si, comme je le disais plus haut, le public de Barjac est comme partout ailleurs multiple, ce sont quand même eux qui s’expriment le plus et le plus fort…..
Et quels seraient les prophètes qui guident cette madame ayatollah ? En général c’est pas l’ouverture d’esprit qui caractérise les ayatollahs… Et parfois il suffit d’un ou deux de ces spécimens pour pourrir une soirée. D’autant que vu de la scène, même s’il y a 300 personnes enthousiastes, l’artiste ne voit que celle qui râle, la 301ème même si c’est la seule, qui ronchonne. (et qui souvent dérange les autres spectateurs)
Dans toute cette histoire, ce que j’ai trouvé finalement le plus gênant n’est ni pluie, Delphine Coutant ou public de Barjac, mais la pollution sonore pendant cette première partie. Je ne sais si l’on peut bien interdire aux habitants du village d’écouter leur musique (ou jouer) juste derrière la cour du château au même moment mais cela serait fort appréciable!
Oui, le public de Barjac (j’en fais partie depuis 1997 !) est un public exigeant qui aime la chanson ; mais contrairement à ce que vs semblez dire il aime découvrir et personnellement c’est une des raisons pour lesquelles je suis une fidèle. Bien sûr il y a quelques festivaliers qui restent fermés ; je n’en suis pas. Mais je revendique bien haut la possibilité de ne pas aimer ! Même si c’est dans l’air du temps ; je n’oblige personne à aimer ce que j’aime, alors laissez-moi ne pas aimer ce que je n’aime pas ! Pour Delphine Coutant, désolée, je ne suis pas entrée dans son univers ; elle m’a laissée de glace. Elle a sûrement du talent mais ma foi, je ne l’ai pas trouvé dans sa prestation… voilà mon grain de sel barjaquois !
Votre grain de sel est estimable, Japima. Sur NosEnchanteurs, si les commentaires sont ouverts, c’est effectivement pour poursuivre les échanges, faire débat, discuter et disputer la chanson. Le débat est loin d’être clos en ce qui concerne Delphine Coutant. Je vous réponds en direct de Barjac et puis vous dire que cette prestation fait encore débat. NosEnchanteurs en est le naturel réceptacle.
Delphine Coutant est avant tout une jeune femme qui chante avec « ses tripes » ! Alors Mesdames et Messieurs de Barjac vous n’avez sans doute pas eu la quantité mais sûrement la sincérité !
de retour de Barjac, et tranquillement devant mon ordinateur, je relis cet article de Michel Kemper et l’ensemble des commentaires. J’avais vu Delphine Coutant lors du Tremplin de la chanson francophone d’Angers en mars 2013, et j’avais été emballé : elle était rayonnante, à l’aise avec son piano et nous embarquait aussi bien dans des rythmes lents que plus rapides. J’étais ravi de la voir sur la grande scène du château et en parlait élogieusement aux festivaliers de mes relations. Elle y était seule comme à Angers, donc je n’étais pas surpris. Pour ma part, je n’étais pas fatigué comme lors de la 1ère soirée du festival après 8 heures de route, donc j’étais bien à l’écoute. Par contre, dès les 1ères chansons, je ne retrouvais pas l’allant rencontré en 2013…et je ne prenais pas beaucoup de plaisir; un élément parmi d’autres : l’ordre des titres était-il modifié ? Je dois dire que j’ai été fortement gêné par l’accompagnement avec ses jambes comme batterie, ou qque chose d’équivalent….La pluie a mis fin à la partie de Delphine qui avait sans doute prévu de nous embarquer sur d’autres rives. Ce soir là, son bateau a pris l’eau, mais il va rentrer au port, et, une fois caréné, va pouvoir repartir, n’en déplaise à certains festivaliers au jugement hâtif…Oui, elle joue bien du piano ! Oui, elle doit continuer avec Michel Boutet, mais pas que….. Et merci à Kemper pour avoir fait ce papier…L’univers de Delphine est superbe et je retournerai l’écouter qd elle passera par chez moi; et aux festivaliers déçus, ce que je px comprendre, donnez lui une autre chance, et donnez vous ainsi une autre chance ; ce serait trop bête que vous passiez à côté de l’univers de Delphine Coutant
Delphine? Je n’étais pas spécialement fan au départ…et puis, j’ai écouté, écouté encore car je sentais bien quelque chose de différent…Cette fille-là, elle prend des risques, elle cherche…
J’ai vu ses spectacles plusieurs fois et j’ai toujours été séduite, emballée, « soufflée »…
Elle est venue plusieurs fois chanter par chez nous, dans un petit festival, Graines d’Automne, toujours partante, toujours à nous soutenir…
Elle fait partie aujourd’hui de mes incontournables dans mon univers musical.
J’aurias envie de lui dire : « Va, cours, continue,… » Tu es une évidence…
Le 30 juillet (via facebook),
Merci pour vos réactions et la question importante soulevée ici… Petite précision : la version Solo existe bel et bien, et a été mieux reçue en d’autres lieux. Il n’est pas sûr que le spectacle complet aurait été mieux perçu (il est très visuel, chorégraphié, et n’aurait pas forcément trouvé résonance…) Mais je partage le point de vue qu’effectivement, il nous faut nous positionner clairement et renoncer à certaines prestations si le contexte s’annonce périlleux pour faire passer notre art. C’est une leçon pour la suite car bien sûr nous voulons vivre debout !!!
Nous avons lu sur le site des Enchanteurs toute la polèmique relative au concert de Delphine Coutant…
Nous, on a été complétement conquis par ce concert d’une Delphine toute en grâce, finesse, sensibilité.
Nous avons gouté la belle harmonie entre textes et musiques ; on s’est laissé embarquer, avec grand plaisir !
Par exemple, nous connaissions la version de « Liserons et orties » en formation compléte ; la version « piano/voix » sur la scéne de Barjac nous a tout autant séduits. C’est une très belle chanson ! D’ailleurs, toutes les chansons de Delphine Coutant nous ont fait découvrir un univers, certes peu « traditionnel », mais très original et prégnant.
On aimerait encore écouter Delphine, sur scéne !
Pour moi ce que l’on appelle le public n’existe pas. Il est simplement composé de personnes diverses, uniques, qui se rassemblent pour un moment X et dans ce cas-ci à Barjac pour un Festival qui s’annonce depuis le début comme un festival Chanson de Paroles. Alors que dans ce groupe des prestations artistiques plaisent plus où moins à certaines personnes cela me semble plus que Normal et c’est tant mieux.
L’artiste qui se présente le fait à un moment X de sa vie et montre son travail comme un peintre expose le sien. C’est un état des lieux. Il se peut qu’à ce moment X son travail corresponde à ce qu’attendent les gens venus à ce moment là. Ce qui me gêne parfois, chez certain, ce sont les jugements définitifs. Personnellement je n’ai pas été sensible à la Meute rieuse, à Al’Caz… Emmajuel Depoix et Melvil j’étais déjà parti. Mais je ne vais pas crier sous tous les toits quand je n’aime pas Je préfère partager ce que j’aime. Enfin pour l’avoir exercé bénévolement, pendant 5 années, je sais que faire une programmation est très difficile. Je sais que que Joffroi et Anne Marie souhaite que les artistes se présente devant des salles pleines (pas facile non plus) Leur mission est remplie. ET BIEN. le reste, c’est une relation entre les ACI et des personnes sensibles à leur travail ou pas. Merci d’exister. LA vraie question est pour combien de temps encore? Qu’en sera-t-il si nous ne sommes pas capables les uns et les autres de ramener vers Barjac des moins de 50 Ans , je parle de ce que nous appelons le public. Les jeunes ACI, compris ou incompris eux seront toujurs là… mais pourront-ils devenir des artistes s’il n’y a plus de lieux comme Barjac?
Christian Camerlynck sait de quoi il retourne lorsqu’il parle de programmation et du désir de mettre les artistes devant des salles garnies (sinon pleines !). Et, comme l’a dit Jofroi, la nécessité de renouveler le public de ces festivals, d’attirer un nouveau public plus jeune, devrait être un souci constant.
J’ai toujours été très frappé par l’importance de l’offre de chansons (le nombre de jeunes qui, parfois non sans talent, veulent se lancer dans la chanson) et la faiblesse de la demande de chansons qui est un peu partout celle d’un public grisonnant et retraité au sein duquel je me range. Si ce public ne se renouvelle pas, ces jeunes artistes sont condamnés à faire un autre métier. Il importe donc de mener une réflexion sur les moyens d’amener un nouveau public à cette chanson – textes et musique – qui est proposée. Et ceci n’est pas spécifique à Barjac, mais à tous les festivals du genre…
Quelques pistes : D’abord ne pas s’en prendre au 3° âge du public présent pour ne pas le décourager de revenir, c’est LE public fidèle. Certaines réflexions aussi stupides que maladroites à l’endroit de ce public sont commises par certains artistes (Mélismell, Nico*) et il importe de se rendre compte à quel point elles sont énervantes et contre-productives. Eviter aussi de vouloir le faire chanter contre son gré, et de le prendre en sous-entendu pour inculte (« Si vous regardez autre chose que TF1, je vous signale que ce texte est de Bernard Dimey » !). Un minimum de renseignements sur le public devant lequel on va se produire éviterait bien des malentendus, voire des fiascos. Et puis, ce public fidèle doit de son côté se montrer accueillant aux nouveaux, ne pas montrer le spectacle de la division pour des queues de pelles : il n’est pas assez fourni pour sacrifier à ce luxe-là ! Au contraire faire preuve d’ouverture vis-à-vis des avis différents même exprimés vigoureusement, favorable à la discussion, à la reconnaissance de ses limites, et à la réconciliation après la brouille.
Ensuite, chercher quels sont les obstacles matériels à la fréquentation des salles par les jeunes trentenaires ou au-delà. Ce sont le travail et les enfants en bas âge, et donc un temps disponible limité. Venir faire la queue une bonne heure avant l’ouverture des portes est à cet égard rédhibitoire : c’est impossible entre le retour du boulot et le soin aux enfants, sans compter une heure de plus de baby-sitter. Les places numérotées seraient une indication d’incitation à venir pour ce nouveau public. Et puis, évidemment commencer à l’heure, ne pas déborder, limiter l’entracte à un quart d’heure et ne pas terminer trop tard pour permettre de rentrer, et de dormir suffisamment avant le boulot du lendemain. Et pourquoi ne pas organiser une garderie ? On la réalise bien pour les enfants des artistes (je me rappelle le petit Pierre de Paule-Andrée Cassidy et Bruno Fecteau qui était emmené promener par une jeune fille pendant qu’ils chantaient sur scène !). Et quand des parents s’organisent pour venir quand même au concert avec leurs enfants et espèrent qu’ils vont s’assoupir, ils se font traiter d’irresponsables et subissent les propos absurdes, voire insultants, d’un violoneux mal inspiré à tous égards…
Il y aurait aussi une réflexion sur une politique tarifaire : proposer à bas prix les concerts d’un artiste peu connu en complément de la place pour quelqu’un de connu. Du temps de Christian Camerlynck, le pass des « Faites de la Chanson » était un vrai pass qui ouvrait à tous les spectacles sans débourser un sou de plus, ce qui rendait « la totale » beaucoup moins chère que le système actuel qui incite plus le public à limiter ses frais… et le nombre de spectacles choisis !
Christian avait instauré le chant amateur à Arras et au Festival « Faites de la Chanson » les premières parties assurées par des chanteurs amateurs. Ca fait venir la famille, les amis, mais restent-ils après la première partie ? Et surtout reviennent-ils ensuite ? C’est une solution intéressante, mais qui a aussi ses limites : cette année, le théâtre n’a jamais été plein, même pour la soirée d’inauguration avec Laurent Viel !!! Peut-être faut-il creuser l’idée et faire des partenariats avec des chorales qui drainent beaucoup d’adeptes.
Enfin, le public de chanson se forme à l’école, dans les classes ordinaires, par des ateliers d’écriture de chansons, ou d’interprétation, ou de construction de spectacles de chansons dans le cadre de résidence d’artistes, avec des enfants éloignés de la musique et pas seulement avec des motivés des classes du conservatoire. Il y aurait sans doute là à dépenser plus intelligemment les subventions qu’à faire des fêtes aux décibels gratuites qui certes font parler du festival mais n’amènent pas un spectateur payant de plus dans les salles.
Tous les festivals sont concernés par ce problème… Et ils le seront de plus en plus par la diminution inéluctable des participations des organismes publics… Il n’y a pas de solutions miracles, ça se saurait : il y a des tas de petits aménagements à penser, à essayer, à évaluer ensuite, et des idées à glaner auprès de tous, car comme le disait Jofroi, c’est l’affaire de tous.
Je réponds ici sur Delphine Coutant et le public de Barjac…
D’abord un témoignage : J’ai fait pendant cinq années sur une radio associative une émission de chansons, et j’ai souvent présenté les disques de Delphine… Ceux qui font des émissions ne me contrediront pas : on n’a que très rarement des retours du public de la zone de couverture hertzienne, on en a plus des artistes ou du public extérieur qui vous écoute sur internet. Eh bien, j’ai eu localement des retours positifs sur les chansons de Delphine Coutant, ce qui prouve leur capacité à bien plaire.
Alors maintenant un essai d’analyse : telles que je les reçois, les chansons de Delphine sont des chansons de musicienne, et toute musique instrumentale est perçue de façon individuelle par l’auditeur, selon ses pensées ou son état d’esprit. Pour donner des repères, Delphine écrit des textes dont un des objectifs est de donner des pistes à l’auditeur pour qu’il prolonge la pensée, le rêve ou l’évocation avec la musique souvent très travaillée et très belle qui, dans le disque, est très présente. Il n’y a donc pas beaucoup de texte, le propos est parfois minimaliste, et il y a des répétitions pour ramener l’auditeur au sujet. En écoutant les chansons de Delphine à Barjac, j’entendais mentalement ses belles musiques de cordes qui dans le disque les accompagnent, et j’étais loin du seul piano, et j’aimais bien !
Maintenant, le public de Barjac, comme le précise Christian Camerlynck, vient pour écouter des chansons à textes, et ne se satisfait pas de bribes de textes. C’est comme ça, tout le monde le sait, et je ne vois pas pourquoi on s’en prendrait encore une fois à un public aussi bien identifié. Ce public-là aime aussi les découvertes dans son créneau : il n’a pas rejeté Tony Melvil en solo parce qu’il a entendu ses textes, quoiqu’on en pense (je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé s’il avait été accompagné par son percussionniste envahissant) ; il a fait un triomphe à Rémy Long et à Jean-Paul Den l’année dernière, preuve qu’il n’est pas fermé. Si le spectacle piano-voix de Delphine peut fort bien réussir dans une petite salle devant un public restreint, il n’était peut-être pas approprié à une grande scène en plein air devant 600 spectateurs, dont les plus actifs venus pour écouter de la chanson à texte ! Devant une telle foule, le visage convivial de la chanteuse s’efface, il ne reste que la silhouette, le piano et quelques paroles, et évidemment il y a de la déception. J’ajouterai que Delphine était connue du public de Barjac comme accompagnatrice de Michel Boutet et qu’elle y était appréciée : l’attente était donc élevée.
Et il faut aussi reconnaître qu’elle a accumulé les malchances : la musique des karaoké en fond sonore (comme le fait remarquer Agnès), la menace de pluie qui occupait autant les spectateurs que ses chansons, et aussi peut-être la maladresse de la première chanson, « Les saisons » et de sa mise en scène… Il eût mieux valu commencer par une chanson plus explicite comme « Grands chevaux ».
Ce que je regrette le plus dans ce semi-plantage injuste et très lié aux circonstances, c’est que Delphine va le traîner comme un boulet, et elle ne mérite pas ça. Barjac sur la grande scène n’est pas son truc, mais je lui souhaite d’obtenir le plus possible de scènes ailleurs, pour que je puisse aller l’applaudir dans de meilleures conditions !
Ce décryptage précis et argumenté confirme ce que j’avais perçu (de loin) suite aux premières réactions après la soirée. Je ne connais Delphine Coutant que sur ses albums, mais il me semble évident que son univers en piano voix, dans une cour de château, n’est pas le plus à l’aise dans cette configuration. Il y a des spectacles qui ont besoin d’une certaine intimité. Leprest en piano voix, aux Francos, c’était au Grand Théâtre, pas sur le St Jean d’Acre, personne n’aurait pensé à ça, idem pour Delphine Coutant.
Ce foutu lundi… La journée avait pourtant bien commencé.
Delphine en solo sur la grande scène ? On s’inquiète toujours pour les gens qu’on aime, j’étais donc inquiet. Plus précisément, j’attendais cette soirée avec impatience, gourmandise et ce trac qu’on a quelquefois pour les autres. Delphine, je connais son exigence et sa probité, je sais qu’elle prend de vrais risques. C’est une femme qui chante, singulière, précise. Sa liberté ne lui a pas été donnée : elle l’a bâtie. C’est une artiste véritable, qui cherche, qui construit, qui avance. On n’entre pas à coup sûr dans son univers, ce qui est vrai pour tous, au passage, et c’est tant mieux : quel triste monde que celui de l’unanimité… Alors, Barjac, la grande scène, en piano-solo ? Oui, sur cet énorme vaisseau qu’est la cour du château, il y avait un risque : que la musique des mots ne soit pas entendue, que la chorégraphie soit confondue avec de la pose, que le charme si particulier du travail de Delphine ne passe pas la rampe. Ce risque, Delphine et Jofroi ont décidé de le courir. Qu’ils en soient remerciés : on voit aujourd’hui tant de spectacles où l’on veut réduire les risques à néant et, partant, les responsabilités. Ils ont déjà tous deux tiré les leçons de cette soirée, pour continuer d’avancer. Au final, karaoké « aidant » (merci, Agnès, pour votre remarque), je suis resté sur un sentiment de rendez-vous manqué, sentiment au goût un peu amer du fait de la violence de certains propos, dont je pense qu’ils sont largement minoritaires. À ceux qui les tiennent, je voudrais dire ceci : de temps en temps, laissez-vous déranger, acceptez la proposition d’une rencontre, ne faites pas trop vite de procès d’intention, cela ne grandit personne. Et au moment d’acheter un passe, songez qu’il ne vous assure pas que vous aimerez tous les spectacles qu’il englobe. Que c’est juste normal. Et probablement bon signe.
Enfin, à l’occasion, n’hésitez pas à prendre le risque d’une nouvelle rencontre avec Delphine, en écoutant son remarquable dernier disque, par exemple. Et, si d’aventure, Tomislav, Romain Dudek, Niobé, Éric Lareine (liste non exhaustive) s’arrêtent à Barjac, avec leurs fans, faites-leur une place : on peut bien se serrer un peu.