Barjac 2014 : Paroles de femmes, d’abord
Robinsonne l’ardéchoise (photo MK)
« Juste des femmes sur scène [ce soir], si ça vous étonne demandez-vous pourquoi… » C’est Anne Sylvestre qui nous en fait la réflexion. Elle est sur la grande scène, avec ses musiciennes ; Lily Luca l’avait précédée. Ce sont les dames qui tiennent le micro en cette première soirée de Barjac. Dans la cour du château comme dans la rue, en cette formule off où la chanson gagne les terrasses des restaurants.
Ainsi Robinsonne, nouvelle dans cet art, elle qui nous vient du théâtre. Il y a moins de deux ans elle rencontre le guitariste David Gaillard. Les deux s’associent pour une chanson qu’on devine sans mal épouser toutes formes de scènes. Bien sûr, ici, face aux dineurs, la sono n’est pas des meilleures et l’écoute approximative. Reste que pas mal de festivaliers prennent place ; va pour la pizza si c’est pour écouter cette ardéchoise, cette Robinsonne un rien sauvageonne. A elle de nous convaincre par sa chanson faite certes de nostalgies, de mélancolies même, mais où point le poing sinon de la révolte au moins d’une saine colère : « Dans les mains des pavés / A jeter dans la mare. » C’est le blues du trottoir, à l’adn teinté Ferré, chanson d’une « femme libre, pas libérale », d’une « femme fêtée, pas femme fatale. » Au moins en une telle circonstance, ça fait un peu goualante, sursaut de poésie qui supplante et de loin les odeurs de cuisine, chant impertinent pour endroit incongru qui s’impose lentement mais sûrement à nos ouïes. On reverra avec plaisir cette Robinsonne.
Lily Luca (photo Catherine Cour)
Il faut prendre la queue pour le château où c’est guichet fermé depuis des lustres. La marraine du festival s’y produit. Nous confie que son spectacle créé il y a quelques mois à Paris, elle l’a conçu et voulu pour Barjac, pour cet endroit qu’elle chérit entre tous. C’est elle, Anne Sylvestre, qui a désigné, presque adoubé, Lily Luca pour faire sa première partie, comme récemment lors la Chansonnade de Pourchères. Vous dire que cette soirée fut réjouissante, formidable même, relèverait presque du pléonasme tant nos dames sont à la cime de leur art, que le cadre, la technique, le son et la lumière furent à l’unisson d’un spectacle pleinement maîtrisé, à l’honneur des femmes, juste des femmes. Le lac Saint-Sébastien a beau être masculin, il est composé d’un infini de gouttelettes d’eau et c’est cette impression – de sagesse aussi – qui l’emporte dans un torrent d’applaudissements. Bravo.
Anne Sylvestre et ses musiciennes (photos Catherine Cour)
Quant à Lili Luca, nous ne dirons rien de plus que ce que nous avons pu dire lors du festival Femmes plurielles de Roujan ou de la Chansonnade de Pourchères. La lyonnaise ne cesse de nous étonner, de nous enthousiasmer. Quand donc s’arrêterat-elle de progresser ? Sa marge de talent est décidément immense.
Que des gens que j’aime… il a bon goût le Michel Kemper !
j’aime les champs
Noter également que la programmation a été cette année très féminine. Je ne sais pas si c’est le fait des « hasards de la programmation » ou une volonté des organisateurs, mais cela nous a un peu changé de ces dernières années où les artistes féminines se comptaient sur le doigt d’une main !
Ou de la présence d’Anne Sylvestre ? Mais il y a encore quelques belles femmes de scène qui pourraient ravir Barjac, quand on veut trouver, on trouve…
La présence d’Anne Sylvestre suffit-elle à « aimanter » d’autres femmes ? Ou a-t-elle une influence ?
C’est vrai qu’il y aurait une belle palette de femmes à programmer, on pourrait sans doute faire un « Chansons de parole » 100 % féminin, mais sans doute n’est-ce pas sa vocation.
Ce qui pourrait justifier une sorte de table ronde sur la femme dans la chanson, pas pour surfer sur le sujet de la parité, mais en 1954, c’est pas si vieux, la première ACI a été laminée par le showbiz qui n’acceptait pas qu’une femme puisse écrire et chanter ses propres chansons, en s’émancipant des tutelles en tous genres…
Oups ! Je ne suis pas une historienne de la chanson, j’ai quelques connaissances sur les années 60 mais c’est surtout depuis 1990 que j’écoute ce qu’il se passe. S’agit-il de Nicole Louvier ? Merci d’éclairer mes lanternes…
Si une telle table-ronde avait lieu, à Barjac ou ailleurs, merci de le faire savoir, le sujet m’intéresse !
Oui, c’est bien Nicole Louvier. Comme on a esquissé l’idée d’être à Barjac l’an prochain en faisant une sorte de Masque et la Plume de la chanson, ce thème de débat sur les femmes ACI est une piste de réflexion… Si ça se fait, ce sera annoncé urbi et orbi.
Mais le sujet peut être traité ailleurs, sous une autre forme, le sujet est vaste.
J’ai écrit un texte il y a quelques années sur « La Femme dans la chanson française » que je serais heureux d’envoyer en pdf à qui voudra me le demander par courriel: brian.thompson@umb.edu. Il est sorti dans une revue américaine de profs, Women in French, éditée par une association du même nom dont j’étais membre à l’époque.
Ah ! Quelle bonne idée, mon cher Norbert ! Que je sois off ou in l’an prochain à Barjac, je serai ravie de participer au débat !