Avignon off 2014 : flamme et slam de femme
C’est un spectacle inclassable… qu’il a bien fallu classer dans le programme du festival ! « Théâtre musical » ? Oui ! « Chanson » ? Oui ! « Slam » ? Oui ! « Poésie » ? Oui ! « Musique » ? Oui ! « Théâtre » ? Oui ! « Gospel » ? Oui ! Et bien plus encore…
De ma discussion impromptue avec l’artiste est née l’envie de découvrir « Origines » : écrit par une femme qui me dit « faire du slam », être comédienne et avoir écrit un spectacle « féminin »… et qui me fait penser par la grâce et la féminité à Anne Baquet (en un peu plus grand !) -et si vous avez lu les deux comptes-rendus que j’ai écrits sur Anne Baquet, vous savez que venant de moi, ce n’est pas un mince compliment- !
Je trouve que le terme de « slam » est bien réducteur pour décrire le « genre » d’Origines. D’accord, les mots fusent et claquent… mais la diction et la voix n’ont rien du ton monocorde et syncopé que j’associe au slam. Et puis là, il y a non seulement une musique pour soutenir et mettre en valeur la voix, mais il y a également (et essentiellement !) du chant. Et qu’avec une voix comme la sienne, Cigane ne se présente pas comme « chanteuse » à part entière… ben… à mon avis, c’est du gâchis !
Spectacle difficile à photographier… on n’ose en briser la magie par un déclic intempestif ! C’est tout en douceur, fragilité et féminité… Pas vraiment des mots que j’associerais au slam, hein ?
Les thèmes développés sont intéressants. Le rapport hommes-femmes, le langage, l’amour, le patrimoine culturel, sa place dans la construction de l’identité… l’addiction au chocolat (trrrrrès important, l’addiction au chocolat !) et la tolérance aux autres, l’acceptation de leur différence…
Le rythme slam est là dès le début : sifflet de police et contrôle d’identité… quête d’identité : « T’as qu’à pas taper / T’as qu’à pas toquer / T’as qu’à pas parler / T’as qu’à pas taper / T’as qu’à pas danser / T’as qu’à pas parler / T’as qu’à pas chanter / T’as qu’à te voiler »
Et puis des rencontres, des humains qui se cherchent en quête de l’autre, de sa reconnaissance… de sa naissance « Un jour je suis née / Je sais pas quand c’était / Là-bas, dans un coin de l’Afrique / Au Congo ? Au Mali ? Peut-être au Mozambique / Fumées d’usines sur ma mémoire / Le tapis défile, je broie du noir / Partie trop jeune, plus rien dans les tiroirs / Il est six heures / Je déprime«
Un des personnages m’a spécialement émue : Jean, le petit « dys… » : dix ans, dissemblable, dyslexique, autiste, artiste, équilibriste… tombé en disgrâce auprès de ses camarades, discriminé, et que la mort de son père disculpe des disputes, ce qui lui permet de créer de la distance et de se libérer de ses remords…
Jeux d’ombres et de lumières, surtout de lumières… et puis l’autre acteur de la pièce : Philippe, le musicien aux instruments incroyables de sonorités et de beauté, qui fait pleinement partie du spectacle, le structure, lui donne une âme sonore ! L’orgue de verres, beau en plus d’être chantant. Les tambours d’eau à la voix profonde qui s’adresse directement à notre diaphragme. La grosse calebasse dans laquelle il parle et qui semble résonner du murmure d’une foule qui y serait emprisonnée. Le flyer cite des noms auxquels je ne sais pas rattacher un instrument, mais dont la simple sonorité est belle à entendre : udu, tbila, sanza, cajon… Ils méritent d’être entendus, comme la chanteuse ! (oups ! la « slammeuse »… mais pas que !)
« Origines », au Pittchoun théâtre à 18h30. Le site de la Compagnie Zyane, c’est ici.
Une belle harmonie de mots et de sons qui claquent, caressent, questionnent, une tragie-comédie humaine à la sauce chocolat pimentée . Cigale la clameuse a tous les atouts pour interpeller son public et le tenir en haleine .
Danièle trouve les mots bien mieux que moi pour exprimer un ressenti… A écouter… A découvrir.