Alain Nitchaeff : l’endroit de l’enfer
Nous étions il y a peu dans ce paradis suisse de Lutry, à l’Esprit frappeur, pour la création de ce nouveau et diabolique récital où Nitchaeff-Lucifer, le maître des lieux, scanne notre bas-monde avec malice et satisfaction. En voici la version discographique où, en douze étapes, notre diable d’homme liste les maux de l’homme pour lesquels il remue avec sadisme le couteau dans la plaie, et nous les fait visiter, un peu à la manière d’un guide touristique au volant de son autocar roulant à un train d’enfer. L’enfer, qu’est-ce donc aujourd’hui ? C’est celui de la communication, celui du « je », c’est la malbouffe autant que la surconsommation, ce sont les dépendances, l’argent, la politique. C’est l’enfer vert (mais étonnement pas Geoffroy-Guichard…) et… l’enfer du décor. En d’autres temps, Alain Nitchaeff et Romain Didier auraient été sculpteurs de bas-reliefs sur les édifices religieux de Suisse, de France et de Navarre, à graver au burin les pires scènes de l’humanité en d’étonnantes mises en abîmes… Signes des temps on ne grave plus la pierre mais des disques, tant qu’il en reste : rassurez-vous, les images sont pareilles, aussi sadiques, aussi véridiques. On gave les humains au MacDo, M’sieur Goldman joue du sax et empoche les taxes, on se shoote à la seringue comme aux amphétamines, on fait de la politique (on se fait avoir par les politiques), on se botox pour trois fois rien, on s’aime et on se tue, on réseausociotte chez face de bouc, on étale sa vie impudique, on pourrie le belle idée de l’Homme.
Que le diable s’intéresse à nous, qu’il s’en gausse en se tapant le ventre, c’est pas nouveau dans la chanson : Nitchaeff (paroles et interprétation) et Didier (musique) s’inscrivent dans la tradition. Ils y ajoutent simplement de nouvelles et belles pages, actualisées en temps réel : ce n’est pas la matière qui manque et ils s’y vautrent dedans. Dans un registre plutôt rock, où basse, claviers et batterie martèlent bien le son pour conditionner les pauvres hères que nous sommes. A noter qu’Alain Nitchaeff avait furtivement fait un séjour au paradis en 2011, par En mon âme ai confiance. Le fougueux artiste qu’il est semble en tous points préférer les chaudes flammes de l’enfer : diable d’homme.
Le site d’Alain Nitchaeff, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Et dans « L’Enfer du décor », Dieu mâche distraitement la terre …