Valérian Renault, le rire jaune d’un « poète maudit »
Festival Détours de Chant, Le Bijou, mercredi 5 février,
Avec sa guitare électrique pour seule compagne de traversée, Valérian Renault a pris le parti de la solitude en scène, lui qui connut six hommes pour équipage (faut-il le rappeler, il s‘agit des Vendeurs d’enclume). Voilà une année et quelque quarante concerts qu’il se voue à cette voltige sans filet. Quand il entre en scène, il affiche le corps et les traits du timide, du maladroit, du paumé, du « gars qu’a mal tourné », qui a l’idée saugrenue de vouloir chanter des chansons… et, annonce-t-il, pas des « rigolotes » ! Il gardera ce personnage peu ou prou déglingué jusqu’à la dernière.
Il tend au spectateur cette planche de salut du rire, du second degré, rappelant au passage qu’il faut veiller à ne pas prendre pour argent comptant ce qu’il chante. Car Il y aurait danger à croire qu’il est dans la vie l’« infâme homme à femmes » dont la vie est « une chasse » ou, pire encore, le « tortionnaire », l‘enflure qui violente sa femme (De Glace). En usant du pronom de première personne il a le courage d’endosser ce rôle là et la chanson pourrait être une arme contre cette désespérante réalité, si seulement nous pouvions croire qu’il suffit de chanter !
Oh non, elles ne sont pas légères ces chansons là qu’une voix, reconnaissable entre toutes, habille jusqu’au cri, comme l’injonction Reste ! d’une chanson récente ! Elles font de lui, par la qualité de l’écriture (si bien mise en évidence quand le texte est simplement dit, sans musique… moments de grâce absolue !) le petit frère de ces poètes mal aimés que la mort a fauchés dans leur jeunesse, avec leur mal de vivre, emportant avec eux leurs saisons en enfer : Rimbaud, Lautréamont, Corbière… Les histoires d’amour y sont torturées, condamnent le couple à soliloquer, dans l’incapacité de sortir de soi – ce que disent si joliment les deux chansons qui se répondent, l’artiste endossant alternativement les deux rôles : « Tu verras qu’ici chacun son printemps / Laisse couler, chéri, les larmes et le temps. » Malgré tout, l’amour c’est bien, puisque ça donne naissance aux chansons ! Dans ce répertoire où la camarde rôde, on peine à trouver une source de lumière, car même l’enfance peut être un enfer : A l’Enfant, terrible et inoubliable chanson !
Je me fais promesse de guetter cet instant où le poète maudit finira par chanter l’homme délivré de ses démons, où il écrira plus souvent « la vie c’est joli, quand la nuit vient / Il y a dans son lit un peu d’oubli et de satin…», des musiques en accord majeur, des valses légères comme celle que lui inspira « Petite Vallée » en Gaspésie.
Le site de Valérian Renault, c’est ici.
» Les chants désespérés sont les chants les plus beaux », et les chansons sombres et cyniques de Valérian Renault prennent aux tripes, mais oui, on aimerait voir une éclaircie, une embellie , une délivrance . On aimerait le voir sortir de cette saison en enfer .