Francis Blanche, Jean-Claude Darnal, Pierre Louki, Jacques Serizier, Roger Riffard…
Qu’ont en commun ces auteurs qui nous ont quittés depuis plus ou moins longtemps ? Ils ont tous écrit de très belles chansons que les auditeurs d’aujourd’hui ignorent ou au mieux ont oubliées… et qui ont été reprises dans des spectacles dédiés pour la plus grande joie du public. Rafraîchissons nos mémoires !
Les textes et chansons de Francis Blanche (qui nous a quittés à 52 ans en 1974) ont été repris par Annick Roux dans « Ça tourne pas rond », spectacle en tous points remarquable qui, il y a déjà plusieurs années, a ravi tous ceux qui l’ont vu et dont on trouve encore des échos sur internet car une captation vidéo en a été faite (cf ci-dessous).
Les chansons de Jean-Claude Darnal (qui nous a quittés à 81 ans en 2011) ont été réactualisées par ses enfants Julie et Thomas et toute une troupe dans « Tant mieux si la route est longue », prestation dont j’ai déjà dit le plus grand bien dans ce site.
Des chansons et aphorismes de Pierre Louki (qui nous a quittés à 86 ans en 2006) ont été interprétés avec beaucoup de brio par Claire Elzière dans deux spectacles, « La vie va si vite » du vivant de Louki, et, après son décès, « Un original, 13 originaux » contenant de superbes titres inédits.
Des sketches et des chansons de Jacques Serizier (qui nous a quittés à 57 ans en 1994) font l’objet depuis bientôt vingt ans du « Temps de la Serize », spectacle jubilatoire et évolutif autour de Nathalie Solence, Jules Bourdeaux, Vania Adrien-Sens et Claude Gaisne et de nombreux invités variables, joué au moins tous les ans en janvier-février à la Vieille Grille, et qui est décrit dans « Mes années Serize » dont j’ai rendu compte dans ce site.
Les chansons de Roger Riffard (qui nous a quittés à 57 ans en 1981) ont été chantées par une troupe de musiciens chanteurs de différentes générations avec une riche mise en scène de Gérard Morel dans « Gare à Riffard », à Portes-lès-Valence en janvier dernier. J’ai fait partager aux lecteurs de NosEnchanteurs mon enthousiasme pour ce spectacle débordant de trouvailles, d’humour et d’émotion.
Restons-en à ces cinq exemples de spectacles – il y en a évidemment d’autres – qui se rapportent tous à des créateurs dont le souvenir a été un peu occulté : à l’exception des fidèles, l’immense majorité des gens qui assistent à ces prestations ne connaissent pas ou très peu les chansons qu’ils vont y entendre. Mais, c’est systématique et flagrant, tous sortent émerveillés des textes et des musiques entendus, preuve que leurs inspirations sont encore actuelles sinon intemporelles, et leurs qualités propres à défier le temps qui passe et l’oubli qui ensevelit. Ce sont des soirées qui marquent les esprits dans une programmation ou dans un festival.
Ces spectacles devraient donc tourner plus qu’ils ne le font actuellement. Au mérite des artistes qui s’investissent dans un auteur moins médiatique, au souci des producteurs qui financent de tels projets (comme par exemple le Train-Théâtre et Vocal 26 pour « Gare à Riffard ») devrait répondre le courage des programmateurs de saisons ou d’événements, surtout lorsqu’ils drainent un public qui leur fait confiance, même si le nom à l’affiche n’a pas ou plus beaucoup de visibilité médiatique. L’histoire de la chanson ne se résume pas aux noms attractifs de Brel, Piaf, Barbara, Brassens ou Ferrat, aussi importants soient-ils. La défense du patrimoine impose qu’on ait la témérité de considérer aussi comme importants tous ces auteurs un peu occultés, dont il serait dommage d’ignorer plus longtemps la beauté des chansons et dont il faut encourager les reprises de répertoire.
Voilà cinq spectacles qui enchanteraient bien des amoureux de la chanson.
Annick Roux a superbement chanté Francis Blanche : » « Ca tourne pas rond »… On n’y peut rien : adhérons au parti d’En Rire… Bien sûr ! Mais ce serait trop simple. Sous des airs de flaque de pluie qu’assèchera le premier soleil, Francis Blanche est une eau profonde. Le couteau à la hanche, Annick Roux y a plongé longtemps. Lorsqu’elle a enfin regagné la rive, elle avait des perles plein les mains. Elle en a fait pour nous un beau collier… bien rond. Pierre Charras. »
Annick Roux a participé aussi à un spectacle musical : « Hommage à Colette Renard », avec Annick Cisaruk, Caroline Clerc et Marie Sylvia Manuel.
Et je ne résiste pas à cette « Idylle en forêt » : un petit bijoux…
http://www.dailymotion.com/video/x9ufw4_idylle-en-foret_music
La question qui se pose ici et maintenant est celle de la pérennité des chansons. Il est de bon ton de clamer aujourd’hui que la chanson est éphémère. Ceci arrange à la fois les marchands de chansons qui vendent des chansons jetables autant que quiconque peut en produire et les chanteurs dont la confidentialité du répertoire est mal assumée.
Evidemment même les pyramides sont périssables. Evidemment on peut mourir sans avoir vu Naples. Evidemment l’espèce humaine est en voie de disparition. Mais est-ce une raison pour hâter sa fin. Faut-il se jeter avec délectation dans l’entonnoir de la barbarie sous prétexte qu’elle est d’actualité, sinon l’avenir de l’homme ?
Soyons sérieux ! Il en est de la chanson comme de tous les arts : certaines œuvres méritent de rester dans les mémoires, d’être étudiées, portées vers le futur, comme les œuvres classiques ou plus modernes qui font partie de notre patrimoine culturel. C’est cela que nous devons défendre. Que la chanson reste un genre futile ou mineur, pourquoi pas ? Il faut beaucoup de peintres à Montmartre pour faire un Utrillo. Curieusement, ceux qui méprisent, sous prétexte d’élitisme, une certaine chanson de qualité, se posent en victimes comme si nous entreprenions la destruction de la chanson commerciale ! Quelle erreur !
Que cette chanson distractive, futile, éphémère existe n’est pas le problème. Le problème est qu’elle empêche de vivre en l’étouffant économiquement cette chanson que nous défendons et que vous appelez « à texte », « littéraire », « de qualité », « intelligente », « artistique », bref, celle que nous écoutons et non celle qu’on vous fait entendre.
Alors, résistez, faites découvrir Serizier, Louki et les autres, il y a chez eux des chefs d’œuvres que le show business a oublié.
j’ai vu Jacques Serizier à Nantes en 1969 je crois..
Un excellent souvenir.
j’aimerais beucoup revoir le spectacle qui lui est consacré…