Evasion : cinq voix en liberté, en dignité
Evasion, 17 novembre 2013, festival Les Oreilles en pointe, Salle Daquin à La Ricamarie,
Epure. Trois stores tendus, parfois des chaises et c’est tout, mais une mise en scène et en lumières subtile et efficace. Cinq chanteuses, dont une qui se caresse le ventre et chante pour son enfant à venir. Cinq chanteuses et, par elles, en v.o., les chants de notre monde. Sauf à être polyglotte, on ne sait vraiment ce qu’elles chantent ni en quelles langues elles le chantent. En arabe, en portugais, en italien, en lituanien, en corse, en sarde, en russe… « - C’est beau ce chant en arabe ! ; – Non, c’est en hébreu mais on dirait de l’arabe, tout ça se ressemble… » Ah ! si les chants pouvaient se substituer aux colonies de peuplement… Nos cinq jeunes femmes se font chansonnières du monde comme d’autres feraient un herbier, avec le même soin, la même volonté d’en présenter les plus belles pièces, les plus rares. Paradoxalement les plus simples aussi. Avec une thématique appuyée, une raison d’être et de chanter : l’amour de la vie, le vivre ensemble, les luttes et l’espoir… On le perçoit plus encore quand elles chantent en français : ainsi ces deux chansons prélevées au répertoire de leur ainée et amie Michèle Bernard, Vieille terre et Des femmes tombent (toutes deux tirées des Nuits noires de monde que notre quintet vocal à partagé avec elle) : « Ce matin une chaise est vide / Dans la classe, sais-tu pourquoi ? / Adieu Jamal adieu Saïd / Sans papiers on n’étudie pas. » De Sarkozy à Valls, la triste et cynique actualité n’en finit pas de valider cette chanson-là…
Le spectacle de nos chanteuses aux pieds nus (elles viennent de la capitale de la chaussure) suggère la veillée, idéal lieu de transmission : elles nous y entretiennent du monde, loin de toute mondialisation, de toutes ces valeurs marchandes qu’on nous impose comme religions : vous pensez, elles nous chantent un idéal, des idéaux faits de partages et de générosité ! Ainsi, par elles, avec elles, nous sommes Place Tahrir, solidaires de ce qui pousse à la révolte, à la salutaire révolution.
Entretiens sur les heurts et malheurs du monde, et superbe confession à l’adresse de ce que nous sommes, moutons constamment manipulés, consentants, parfois puants : Qu’est-ce qu’ils sont cons, repris à l’ami Mathieu Côte, pour toujours d’actualité.
Cinq femmes debout, cinq flammes vivaces, cinq vigilantes aux chants si beaux, si précieux, si sages. Une énergie comme il est rare, une beauté de tous les instants. Au terme de ce spectacle le public sera debout, enthousiaste et fier.
Les jours précédents, un autre public a applaudi Evasion dans le cadre de ce festival : des scolaires, pour quatre séances. Et des stagiaires d’un atelier vocal, qui ce soir sont toutes là, à rejoindre Laurence, Nathalie, Anne-Marie, Soraya et Gwénaëlle. Il y des instants mémorables : celui-ci en est un.
Le site d’Evasion, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà écrit sur elles, c’est là.
Cinq voix à l’unisson pour une même parole aux accents multiples , une sorte d’auberge espagnole où chacune amène sa différence pour un plat commun aux épices mélangées , fait des plus beaux rêves humains, à partager sans modération . Et je vois que l’on ne s’en prive pas sur Nos Enchanteurs .
Vingt ans de moments rares, premier souvenir aux Francos, dans les années 95 ou 96, premier enthousiasme jamais démenti… Salut les filles, et Latcho drom pour les années qui viennent ..