C’est pas peinard, c’est Pinard !
Rien que son blaze : c’est pas peinard, c’est Pinard ! Comme un tout venant qui sait ne pas être un grand cru. Et pourtant… Comme Bénabar, il nous chante les choses du quotidien mais c’est nettement moins docile, moins consensuel : c’est brut de pomme, ce n’est peut-être pas le même quotidien. Pourtant Pinard fait ses courses avec son caddie, circule en ville au gré des poteaux et des panneaux qui balisent ce quotidien, apprend avec zèle le politiquement correct, analyse ses gros mots qui peuplent son verbe et sa verve, fait l’inventaire de ses connaissances, coche sagement ses tests de personnalité (« je te prends : a/ sauvagement, b/ par les sentiments, c/ la tête »)… Il chante sa vie du dedans et l’effet que ça fait du dehors. Beaucoup d’effets, sans jamais mettre à nu ses sentiments ! C’est nerveux, truffé de gros mots, décapant, enragé. Rebelle, oui, mais pas au sens d’engagé, juste armé de provocations et d’humour. Rebelle, un peu comme anar. Pinard anar, qui l’eut cru ? Lui fait chroniques de vies, qu’il tranche à sa manière, comme les livrerait un dessinateur satyrique qui alterne les mines dures et les crayons gras. Chroniques d’amour aussi et beaucoup, et ça n’a rien à voir avec la collection Harlequin : « J’ai l’amour mal branlé / Quoique pour dépanner / J’ai l’amour mal fichu / Mais pris au dépourvu / Ça reste de l’amour / Ces restes de l’amour / Finissez-moi tout ça / Il faut pas me laisser ça. »
On n’est pas, chez Pinard, dans la finesse des propos. Par contre on l’est dans celle de l’écriture : un texte de Pinard peut se lire à haute voix, sans la moindre note, et c’est déjà enivrant. Le rock qu’il déverse sur ses vers est comme un fluide qui véhicule ses mots, impétueux, qui rien se saurait freiner. A l’écoute de ce lyonnais (encore un !), la première référence qui vient est celle de Thiéfaine. Et Lantoine. Le choc et la magie des mots. Une voix rugueuse qui n’est séduisante que par ce qu’elle charrie, une mélancolie poisseuse, puissante et séduisante…
Erwan Pinard, Sauvez les meubles, Kap n’doo, 2013. Le myspace d’Erwan Pinard, c’est là.
Il y a aussi du Kafka chez Pinard, humour surréaliste et sarcastique , et absurdité du monde , un bon cru ce Pinard !