Clémentine, interprète au si beau répertoire
Tant d’artistes autoproclamés s’autosatisfont de leur égo et de leur talent d’écriture parfois sans âme ni relief, d’une banalité affligeante, que de poser sur sa platine un tel disque est un bonheur, un vrai. A part collaborer sur deux titres, Clémentine n’écrit pas. Ne compose pas non plus. Elle se contente de se mettre en bouche des textes et notes d’autrui, de les magnifier. Elle n’est, excusez du peu, qu’interprète. Dont le catalogue d’auteurs est enthousiasmant : Bernard Joyet, Allain Leprest, Anne Sylvestre, Claude Lemesle, Xavier Lacouture, Christophe Andréani (ces six-là étaient déjà de service sur son précédent album, Portraits), Michèle Bernard, Vincent Roca, François Morel et d’autres moins connus, ça nous fera plaisir de les citer ici : Matthias Billard, Danièle Compère et Sabine Gayet.
Parfois la dame prélève dans l’œuvre de ceux qu’elle apprécie (L’éducation sentimentale de la Bernard, Le gérontophile du Joyet, Son cirque du Lacouture) ; souvent on lui offre des inédits ou, plus simplement encore, on lui écrit des textes rien que pour elle. Bel investissement vraiment. Pourtant Clémentine n’a pas la voix de Céline Dion ni les amygdales de Lara Fabian. Grand bien lui fasse. Elle a le respect des mots, de ses auteurs, de son public. Le respect de la chanson. Même sur disque, sa voix n’est pas sans légers ratés, mais ça vit, ça trésaille, ça sourit, ça chavire parfois, ça nous ferait presque rougir aussi ! Car, sans en faire comme certaines sa raison sociale, Clémentine ne dédaigne pas certains mots plus audacieux que d’autres : « Je choisis mes maris / Aux bourses bien garnies » (Sabine Gayet, Je dépense donc je suis), « Je l’avoue je n’apprécie guère / Votre manière cavalière / De nous montrer votre instrument / En tout lieu et à tout moment » (Joyet, Mobile apparent). « Jamais le moment jamais l’heure » pourrait lui réponse Sylvestre… On ne sait comment Clémentine à sélectionné ce répertoire mais il est amusant de faire s’entrechoquer les chansons. Ainsi Roca fait chaud et froid : « D’la chambre froide au crématoire / Un grand écart fumigatoire / L’a propulsée à toute vapeur / Loin des asticots ripailleurs » et Michèle Bernard nous conte ce « petit asticot blanc / qui a traversé pendant un an / un bouquin qu’on n’lisait plus guère » (L’éducation sentimentale)… Cherchez bien en ce disque réjouissant : vous en trouverez d’autres qui semblent converser entre elles, se répondre. Presque un jeu, volontaire ou non.
Signalons, pour parfaire le tableau, que la direction musicale de cet album est assurée par le pianiste Michel Précastelli.
Seul défaut, s’il faut en trouver un : l’ordre des titres imprimée sur le digipack n’a rien à voir avec celui sur le disque. Et n’indique pas ce document émouvant et précieux en piste cachée : l’ami Leprest, au téléphone, dicte à Clémentine la chanson qu’il vient d’écrire pour elle, Framboises groseilles ananas, et lui donne des conseils.
Clémentine tient salon, Camino Verde 2013. Le site de Clémentine, c’est ici.
Cher Michel,
Vous qui semblez si prompt à aimer les gens et leurs productions, vous qu’un rien enthousiasme, je vous enjoins à garder un peu de place dans votre emploi du temps pour aller découvrir d’autres mondes que ceux de la chanson et ainsi vous aurez peut-être le plaisir de découvrir de formidables interprètes, des gens qui ont fait du « jeu » leur métier. Vous prétendez qu’il faut laisser l’écriture aux auteurs et je suis d’accord avec vous, de même qu’il faut laisser les comédiens jouer et arrêter de croire que chacun peut se glisser dans des personnages. Le jeu, comme l’écriture et la musique, nécessite un réel savoir faire et celui ci est la résultante d’une certaine dose de talent et de beaucoup de travail, sinon le résultat est mauvais. J’aime les chanteurs et chanteuses qui développent leur propre univers à partir de leur humanité et je ne supporte plus les chanteurs et chanteuses qui s’improvisent comédiens. D’ailleurs les metteurs en scène de spectacles de chansons seraient bien inspirés d’arrêter d’avoir des « idées », des « lubies », de mise en scène, et surtout d’arrêter d’essayer de faire jouer des gens qui ne sont pas faits pour ça.
Vous vous en douterez en lisant ces lignes, je n’ai pas la même appréciation que vous du travail de cette artiste dont j’ai vu le spectacle et, je suis désolée si elle lit ces lignes, ça m’avait plutôt mis en colère.
Avec mes excuses pour la dureté de mes propos mais enfin, cessons d’être condescendant.
Pour avoir assisté avec plaisir à quelques concerts de Clémentine, je dois dire que ce disque est fidèle à l’esprit de ses spectacles. Clémentine est, en effet, une interprète qui choisit ses chansons avec soin et les chante avec conviction.
Son personnage de scène, qui distille les bonnes manières tout en relevant les travers de notre société, est finement dessiné. Son côté à la fois supérieur et emprunté, donneur de leçons et pince-sans-rire, n’est pas là pour apaiser les spectateurs mais plutôt pour les titiller avec humour. Il y a du grinçant dans son spectacle, on le retrouve sur son disque.
Je la suis depuis quelques années maintenant et j’apprécie son travail méticuleux d’interprète peu médiatisée mais talentueuse.
Clémentine aime se moquer de certains travers de nos contemporains avec piquant et tendresse .
Elle y parvient et nous fait rire ou nous émeus. Cela ne marche pas avec tout le monde visiblement mais est ce une justification pour être gratuitement odieux chère Gabrielle?
« Pour critiquer les gens il faut les connaître, et pour les connaître, il faut les aimer. » disait Coluche.
Des propos lapidaires tels que ceux que tient « Gabrielle » à l’égard de Clémentine ne servent pas à grand chose. Accablez plutôt les chanteurs médiatisés à qui l’on mâche tout et soyez plus compréhensive envers ceux qui, comme Clémentine, font preuve d’une passion authentique pour la chanson et ne ménagent pas leur peine pour essayer de créer, sans aucune aide, des spectacles (que l’on a le droit de ne pas apprécier, bien sûr) , de rechercher du répertoire passé et présent original – que de talentueux auteurs lui ont écrit des textes! – et de fédérer tant d’auteurs-interprètes autour d’elle (il doit y avoir une raison). La sincérité de Clémentine saute aux yeux de qui sait voir. Et il y a chez elle une fraîcheur inhérente à cette qualité. L’intelligence et le goût (le vrai bon goût, pas les « bonnes manières »!) émane de ses enregistrements et le charme de sa voix et de sa petite musique opère. C’est là » l’univers » de cette interprète. Sans doute n’écrit-elle pas. Et alors? Pas comédienne? Elle est juste. Son spectacle n’a pas la prétention du one woman show. Il propose simplement de passer un bon moment au 2ème degré avec une dame qui s’amuse et qui nous amuse. Et voilà tout!
chère Gabrielle,
Aimez-vous un Biolay qui, lui, écrit ses chansons ? Moi non. Un type qui voudrait bien avoir l’air de Gainsbourg mais qui n’a pas l’air du tout ne m’intéresse pas.
Clémentine, c’est autre chose. C’est un personnage, un vrai, tour à tour drôle et émouvant.
Pourquoi un spectacle de chansons ne devrait-il pas être mis en scène ? Aves-vous eu l’occasion de voir les Frères Jacques ?
Et quels sont les autres univers dont vous parlez ? Soyez plus précise. Etes-vous artiste vous -même ?
Vous avez en tout cas raison sur un point : il faut cesser d’être condescendant.
Dans le débat ouvert par Gabrielle, je me sens aussi concerné, en bon disciple de « la pédagogie de l’enthousiasme » (selon Fred Hidalgo) En effet, je suis aussi un de ces enthousiastes, pas encore blasé malgré tout, qui préfère aimer que détester. Le genre « Billet au vitriol » façon Inrocks, c’est possible, mais il y a assez de beaux spectacles à voir (et à partager) pour ne pas s’attarder sur ce qui est moins bien. Toutefois, Gabrielle, si vous avez un peu suivi l’actu de Nos Enchanteurs ces derniers mois, il y a eu quelques articles critiques qui ont suscité des débats très vifs. Quant à dire « qu’un rien nous enthousiasme » c’est très subjectif, Montand était un chanteur, était-il comédien dans son approche du tour de chant ? On lui a assez reproché son perfectionnisme.
Brel, chanteur, comédien? C’est une particularité française de mettre des étiquettes spécialisées, chacun dans sa case, et ne bougeons plus. Bourvil aussi s’est sorti des cases pré établies, mais ça devient de plus en plus rare dans notre monde formaté.
Moi je suis assez d’accord avec Gabrielle et je ne trouve pas ses critiques si virulentes que ce qui lui est reproché.
Les gens qui lui répondent ici ne cessent de dire que « on a le droit de ne pas aimer » mais en même me temps ajoutent que « on ne peut pas critiquer ». Il faudrait savoir…
Et puis quant à cet éternel débat sur les artistes médiatisés et ceux qui ne le sont pas, je pense qu’il faudrait arrêter de brandir sans cesse cet étendard comme une excuse (là je développe un peu je ne parle pas de cet exemple précis) car ça n’est pas une « qualité » de ne pas être médiatisé, ça n’est pas une valeur, et encore moins un gage de qualité! Et que les artistes créent « dans leur coin » c’est la pratique la plus rependue, 80% des créateurs sont inconnus du grand public!
Je trouve aussi très intéressant ce que dit Gabrielle de l’interprétation, et je trouve que ce personnage que nous propose Clémentine gagnerait en justesse et en sincérité en tendant vers plus de simplicité.
Gabrielle, vous avez le droit de ne pas aimer Clémentine. Les interprètes ne chantent pas pour être aimée mais pour servir la chanson. Des chanteurs comédiens il y en eut toujours et particulièrement les interprètes. Gabin, Montand, Marc et André, Jean Roger Caussimon, Jean Yanne, Marie Thérèse Orain, Cora Vaucaire, en voulez vous d’autres… Catherine Sauvage etc…
Tous n’utilisaient pas les services d’un metteur en scène, d’ailleurs peut on parler de mise en scène? Je parlerais de mise en espaces. Permettez moi d’évoquer deux artisans chanteurs Jean Guidoni et votre serviteur. Pour Jean Guidoni, qui aurait écouté Crime Passionnel d’un bout à l’autre sans la magnifique mise en scène au théâtre des Bouffes du Nord? Sans son travail scénique? Savez qu’il a même travaillé la danse contemporaine pour l’un de ses spectacles , Connaissez vous beaucoup de ses auteurs compositeurs qui apprennent autres choses que d’écrire des chansons, pas même des cours de chant pour beaucoup d’entre eux, sauf quand ils ont des problèmes vocaux…
Quand à moi, il y a longtemps que je me suis rendu compte que les médias, la technique, les éclairagistes, les ingénieurs du son avaient dans leur mains un matériel technologique à la pointe dont ils auraient envie de servir et avec lesquels ils aimeraient faire joujou. Comme les techniciens de télé l’ont fait dans l’émission il faut savoir avec Aznavour. Au moment ou Lama interprétais la belle Chanson de Bécaud : l’absent, avec une vérité une sincérité que les autres participants avaient peu, les caméras nous montraient le public Ravi!!!! Les artistes aujourd’hui sont déposséder de leur art … Il n’en sont plus maitre. Sauf parfois quand ils rencontrent le public dans les salles… Clémentine je ne l’ai pas vu dans un spectacle complet pour raison de calendrier, mais j’irais la voir … Parce que je suis sur qu’elle veut servir la chanson et pas seulement son égo. Quand aux comédiens dont vous parlez, s’ils apprenaient la chanson cela leur ferait le plus grand bien, beaucoup le font et nombreux le souhaitent. Amicalement. PS je déteste le sectarisme d’où qu’il soit et pire encore les Intégristes…. Dans la chanson et les festivals y’en a aussi Michel Kemper n’est pas de ceux là.
En me relisant je m’aperçois que j’ai oublié de dire que c’est pour être libre et responsable de mon travail, pour servir la chanson que j’ai décidé que tous mes spectacles seraient mis en scène. La mise en scène est une écriture, Gilles Vigneault m’a dit que je devenais co-auteur des chansons, Jacques Debronckart m’a confié des chansons pour ce travail, Alain Leprest, devant témoins à Barjac, m’a dit tu les repeins bien… C’est pour cela que je continue, c’est pour cela que même les pochettes de Cd désormais j’en suis responsable. Chaque photo je les ai prises, et la mise en page n’est pas qu’esthétique même si personne n’en parle, l’ordre des chansons est une écriture. Oui J’écris mes spectacles avec les chansons des autres encore faudrait il que nos passionnés, que nos critiques professionnels apprennent à lire cette forme d’écriture.
Vous m’avez lu de travers: je n’ai rien contre les comédiens, au contraire! Mais ne l’est pas qui veut….(et dans ce cas mieux vaut en faire moins)….
bonjour
un jour j’ai rencontré Clémentine, grâce à elle j’ai découvert des auteurs extraordinaires. Je ne me suis pas arrêtée à sa voix, son jeu de comédienne ou autre partie d’un spectacle. Je l’ai écouté, les oreilles grandes ouvertes… et j’ai souri ! et je me suis dit « que ces mots sont beaux ! que c’est drôle ! quel bonheur ! » Et après, je suis allée écouter d’autres personnes qui chantaient ces auteurs… et mon bonheur fut de plus en plus grand.
Clémentine est une artiste. Elle m’a fait découvrir quelque chose. Je lui dis merci car elle a fait son job : elle m’a ouvert une porte.
Oui, c’aurait pu être quelqu’un d’autre. Mais c’était elle.
Alors vive toutes les Clémentines )
stephanie martial
Merci beaucoup, cher Michel pour cette critique du disque dont la sortie sera fêtée à l’Européen à Paris le 11 novembre à 20 heures en compagnie de presque tous les merveilleux auteurs et compositeurs de ces chansons.
Vous dites : « On ne sait comment Clémentine a sélectionné ce répertoire ». Pour la plupart, les chansons ont été concoctées pour moi et à ma demande par leurs auteurs dans l’idée de monter avec Xavier Lacouture, un deuxième volet de ma conférence chantée de bonnes manières avec des créations. Et c’est avec émotion et plaisir que j’ai découvert ce qui m’était proposé et que je me suis approprié les chansons au fur et à mesure que je les recevais. Quoi de plus grisant pour une interprète, de même que de réfléchir à la manière de les mettre en valeur, en espace. Aussi, merci infiniment encore et encore à mes très chers complices de ces chansons dont j’aimerais qu’elles soient très largement partagées…