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Barjac 2013 : la Femme, fertile terreau de Théraulaz

Yvette Théraulaz, formidable actrive, e=redoutable féministe (photo Catherine Cour)

Yvette Théraulaz, formidable actrice, e=redoutable féministe (photos Catherine Cour)

Barjac 2013 : la Femme, fertile terreau de Théraulaz

 

C’est comme avant les infos, les cours les cours de la bourse : « C’est l’instant  qu’on attend / Dehors ça bouge lentement / On espère on redoute / On bouge plus on écoute / ça y est la porte est ouverte / ça se bouscule… » Bon, on vous résume la chanson (de Ricet-Barrier) : les spermatozoïdes, mus par je ne sais quel va et vient, concourent pour la course à l’ovule, leur mât de cocagne. Attention ! il n’y aura qu’un seul gagnant. Et… la lauréate est… Yvette Théraulaz !

Ça c’est au tout début. A l’autre bout, il y a collection de pleurs, vrais ou simulés, avant la mise en terre. Les vers commencent dès lors leur office, à voler la vedette, à bouffer la Théraulaz : s’ils sont douze, ce sont des alexandrins.

Entre les deux bouts, une vie. Une vie de femme, de forcément salope car féministe.

Nous sommes en 1947. « C’est un garçon ? » « Euh, pas tout à fait… » « Bon, on f’ra avec, dit le papa. » Bienvenue en ce monde !

Les biberons, les langes qu’on nettoie, les premiers pas… On ne voit pas le temps passer, nous dit Ferrat. Ça et l’éducation, forcément rigide, pour le bien de cette gamine : « Une fille qui jure, c’est comme une rose qui sent l’oignon », « Il faut savoir réfréner ses désirs », « Si tu tombes enceinte c’est direct la maison de correction »… Effroyable carcan de principes hors d’âge à l’usage de jeunes filles crucifiées avant l’heure sur l’autel des grands principes : « T’as le diable au corps, chasse-le ! »

C’est l’autobiographie d’une féministe, dans son exacte chronologie, dans le délire d’une éducation castratrice, d’ahurissants préjugés, de régressions, de petits et grands combats, du refus d’une modeste tâche au manifeste des 343 salopes.

Yvette Théraulaz est chanteuse et actrice. Elle est femme surtout, témoin de décennies de luttes, en France comme en Suisse, pour le respect, pour l’égalité. Ce spectacle-là, c’est ça, c’est le récit, illustré de chansons, de ce combat toujours remis sur le métier, jamais tout-à-fait gagné. Théraulaz n’a certes pas un grand velouté de voix mais on s’en fout. Prodigieuse personnage de scène, elle campe à elle seule la lutte de femmes, avec un talent surnuméraire, une verve rare. Ça fuse sans temps mort, sans répit. Théraulaz fait chansons de tous bois : de Sabine Paturel (Les bêtises) à Barbara, de Jacques Brel à julien Clerc ! « Je veux être utile / A vivre et à chanter. »

Est-ce récital ? Non. Est-ce pièce de théâtre ? Pas plus… C’est une femme qui, au soir de sa vie (« De chrysanthèmes en chrysanthèmes, j’arrive » nous chante-t-elle), fait bilan, fait retour sur le passé, consigne l’Histoire, travaille nos mémoires. Tout ce qui oppresse la femme est ici, parfois dans l’humour – un rire jaune – souvent dans la dénonciation par l’exemple, le crachat.

On ne sort pas indemne d’un tel spectacle. Ici, à Barjac, on ne savait plus Théraulaz, qui elle était, ce qu’elle faisait, on ne savait pas ce spectacle-là. On s’attend au récital d’une vieille vedette de retour, bien configuré chanson aux intéressantes rimes, et on a ça : ce brûlot, ce bûcher aux flammes vives, incandescent, lumineux, prodigieux. Théraulaz est la gigantesque artiste d’un art majeur, qui, deux heures durant, refait l’Histoire, la commente, l’illustre, la chante, qui rend hommage, qui rend fierté à le Femme.

Une chanson, en fin de spectacle, en fait presque résumé par l’évocation d’une femme, une autre : Vanina, de Véronique Pestel. Ce n’est pas forcément le grand moment de ce spectacle, qui en a tant, simplement une chanson de dignité, de combat : la vie d’une femme debout envers et contre tout. On a l’impression que toute cette mise en scène n’a été créée que pour en arriver cette chanson-là, à célébrer l’exemplaire et quotidienne vie d’une femme. Vanina ou Théraulaz, et  toutes les autres, sont le terreau d’un combat toujours en cours, toujours recommencé.

Cette soirée fut une soirée majeure, un grand moment. La Théraulaz est formidable artiste. Merci de nous l’avoir fait savoir.

 

 

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