Mini Mimi, maxi Jonasz !

Michel Jonasz, 15 juillet 2013, « Escapades » de L’Estival de la Bâtie d’Urfé, Le Firmament à Firminy,

Le minimaliste, savez-vous, est exercice casse-gueule. Y’a rien pour vous raccrocher, pour vous excusez de n’être pas au top, pas de batterie ni de basse, de claviers pour simuler tout un orchestre, stimuler votre chant, pas de violon pour faire digression, rien. Rien que les touches noires et blanches d’un piano. Et vous, quasi nu devant nous, habillé de votre seul talent.

Michel Jonasz et Jean-Yves d’Angelo donc, sur cette scène appelouse, à revisiter par touches les traces d’une œuvre, recenser les p’tits cailloux de nos mémoires et ainsi retrouver notre chemin commun, nos enthousiasmes, nos peines de cœur, nos veines qui globulent de blues… Jonasz, on l’aimait tellement fort qu’on l’aime encore. Même et surtout dans cette configuration, on ne risque pas de s’en lasser. Il malaxe ses mots, les crachent au prix d’ahurissantes grimaces, beaux et douloureux, chargés d’émotion : « Et j’ai posé mes lèvres sur ses lèvres enfantines… C’était l’île au trésor » C’est dingue comme Jonasz a pu chanter l’amour, la hantise de la rupture. « La vie n’est pas toujours drôle / La vie n’est pas toujours drôle / Mais si tu m’aimais plus / Ce s’rait trop lourd pour mes épaules… » En des trucs toujours déchirants, qui culminent en fin de récital par ce J’veux pas qu’tu t’en ailles : « Pourquoi ? / Parc’que j’ai attendu beaucoup / Et que je t’ai cherchée partout / A en boire toute l’eau des rivières pour voir le fond / Et pour en soulever les pierres / A couper les arbres des bois pour voir plus loin / Entre New York et Versailles / J’veux pas qu’tu t’en ailles /J’veux pas qu’tu t’en ailles… » Dire que c’est un grand moment est peu dire : vous en avez les yeux rougis, humides, hagards. La voix est suppliante et le combat perdu que ce Ne me quitte pas là… Humain, bouleversant !

Quitte à faire, malgré sa Bossa et ses Fourmis rouges, Jonasz explore avec raison, avec passion, des chansons un peu oubliées de son parcours, presque des faces B : Les odeurs d’éther, Une seule journée passée sans elle, Les réussites, Descends… Ce n’est qu’à l’approche du terme et dans la litanie des rappels qu’il se lâche, retrouvant Guigui et Super nana, rouvrant sa Boîte de jazz, se retrouvant Joueur de blues, immense et interminable chorus de toute une salle pleine à craquer de fidèles au long cours, de quinquas qui souvent le suivent, même par intermittence, depuis ses débuts ou presque, depuis ce Changez tout qu’il n’explorera pas ce soir (hélas) : on aurait aimé encore sucer avec lui des glaces à l’eau en regardant les bateaux…

Deux heures de concert, deux heures de bonheur. A savoir que Jonasz est toujours là, intact et puissant, avec une force d’évocation qui n’appartient vraiment qu’à lui… Nettement au-dessus de la mêlée.

La programmation de L’Estival de la Batie d’Urfé, dans la Loire, c’est là. Le site de Michel Jonasz, c’est ici. En vidéo, c’est parti pour 22 minutes de concert au Casino de Paris :