Dick Annegarn, bébé éléphant égaré
3 juillet 2013, le Bijou, Toulouse,
C’est un poète que Le bijou accueille pour clôturer sa saison : un fou des mots, de la tchatche, du conte, du Verbe. Et si Dick Annegarn vend à la sortie de son concert son livre Paroles, recueil de 180 textes de ses chansons, c’est assurément un signal appuyé de son engagement. En scène, il va même jusqu’à s’interrompre brutalement au milieu d’une chanson, pour l’un de ses apartés, décalés, oniriques parfois dont le public se régale. On aime cette connivence ainsi créée dès la première chanson. L’artiste est en scène comme dans son salon, ou au café du coin. Il bavarde, bavarde tandis qu’il accorde, désaccorde sa guitare ; il confie les menus faits de son quotidien, son passé en bord de Marne, sa péniche, sa rencontre inopinée avec Jean-Louis Trintignant un jour de tournage, son départ qui aura lieu demain pour une lecture, le degré zéro du spectacle – franchement je déteste ça ! – sa recherche d’une terre d’accueil pour son corps perclus d’arthrose – je suis un peu tordu comme la chaise de Van Gogh… J’ai été vieux très jeune… – son festival du Verbe dans ce minuscule village où il a posé ses valises, à Laffitte-Toupières en Haute-Garonne, évènement qui s’est fait doubler par Le Marathon des mots…On comprend assez vite qu’il ne s’agit pas d’un bavardage mais de la création de tout un univers dans lequel il nous entraîne et que l’on aura de la peine à quitter. C’est avec une dernière galéjade qu’il a mis un terme aux rappels des bijoutiers, bijoutières auxquels il avait même appris dans la soirée à faire une pluie très douce d’applaudissements, juste avec la bouche : Coucouche panier !
S’il est aussi un mordu de guitare à laquelle il impose d’incroyables figures acrobatiques, mordu de folk, de blues, mais aussi d’autres musiques traditionnelles, berbère, tchèque… un pianiste jazz aussi pour quelques chansons, c’est d’abord avec les mots, dont il use, abuse, s’amuse constamment qu’il fait mouche, avec cette langue, un terreau où il fait pousser ses chansons, confie-t-il.
Bien avant lui un poète avait choisi l’image de l’albatros que ses ailes de géant empêchent de marcher pour évoquer ce sentiment d’étrangeté parmi ses frères humains. Dick, lui, opte pour le petit pachyderme perdu : Quelle tribu voudrait m’adopter / je suis un égaré sans carte d’identité/ je me plierai à vos coutumes / Si vous acceptez mon volume. Le poète, étranger en France, mais surtout étranger dans ce monde, prenant de la hauteur avec nos réalités quotidiennes égrène ses doutes, ses questions, les nôtres : relatif est notre avenir (L’Univers), la terre n’est qu’un nid de fourmis, alors, à chacun sa route, chacun sa trace, chacun ses flots.
Dans quel panneau/ Sous quel drapeau tomberons-nous ? Dick, le poète, répond à sa façon : Je m’en vais / Je suis mon nez / Je vais loin
Le site de Dick Annegarn c’est ici. L’ami Dick précédemment sur NosEnchanteurs, c’est là. On se (re)fait plaisir en revoyant ces images d’archives, en 1973, à Dunkerque, en bébé éléphant égaré :
De « Ferraillage » à « anticyclone »en passant par « frères » , tout en s’attardant sur « adieu verdure » ou encore »plouc » et « approche toi », Maître Dick Annegarn depuis bientôt quarante années honore avec une belle vivacité la table des mots ( maux ) !
Qu’il en soit remercié !
« je suis solitaire à boire dans les fleurs
une cruche de balthazar comme consœur
je me lève et lève mon verre à la lune
sa silhouette me suit , nous sommes trois.
La lune ne sait même pas boire que nenni
c’est en vain et sans histoire qu’elle me suit
il faut vivre avec plaisance au printemps
quand la lune et la nuit dansent pour un temps
nous sommes sobres et solidaires camarades
nous sommes ivres et nos chimères nous balladent
la bonne nuit nous envahit bien trop tôt
nous vivrons dans d’autres vies d’autres os.( eaux )
« Buvant seul » paroles et musique de D Annegarn
« santé Dick ! »