Léo Ferré, autre homme libre

François-René Cristiani avait réuni  en 1969 le trio mythique Brassens-Brel-Ferré. Rencontre unique, marquée ponctuellement dans le temps  comme un événement et immortalisée par la photo de Jean-Pierre Leloir et le livre Trois Hommes dans un Salon (ed. Fayard/Chorus, 2003)

Les trois piliers de la chanson de la seconde moitié du XXe siècle ont aussi été réunis par la signature de Jacques Vassal, mais dans une démarche qui s’inscrit dans le temps. Depuis 1988, après plusieurs livres consacrés à la chanson francophone et américaine, Jacques Vassal, journaliste à Rock & Folk, Paroles & Musique puis Chorus, s’attache à ces trois stars de la chanson, sur lesquels il publie depuis un quart de siècle (1).

Passionné par la chanson, après un laborieux travail d’enquêtes pointilleuses, d’analyses pertinentes, de vérifications scrupuleuses, avec une écriture sans défaut, il nous présente des livres exemplaires, aux antipodes des biographies bâclées qui abondent dans le monde du spectacle. C’est sa rigueur professionnelle qui lui ouvre les portes les mieux protégées, afin de trouver chaque information, pièce minuscule d’un puzzle qui approche au mieux l’image de la réalité.

Son dernier ouvrage, Léo Ferré, la Voix sans Maître, n’est pas un livre de plus sur Ferré ; c’est une approche éclairée et éclairante sur le parcours insolite de l’homme et sur l’œuvre protéiforme de l’artiste. Passant outre les clichés, Jacques Vassal  cherche et trouve l’homme, avec ses qualités, ses faiblesses, ses craintes et ses désirs, pris dans le vent du vingtième siècle. Il trace l’ébauche de l’artiste jaillissant des remous d’une société basculant de la modernité au consumérisme, avec ses guerres et ses hypocrisies. L’un et l’autre uni par la sensibilité écorchée dès l’enfance, bridée dans la jeunesse, à peine contrôlée par l’expression musicale et poétique. De Monaco à la Toscane en passant par Paris, l’île du Guesclin, Peille et autres refuges, on suit Léo avec ses vieux copains, ses amours, sa famille, ses animaux. Benoit Misère confronté à la réalité biographique de Léo Ferré, entre l’imaginaire et le vécu, sans complaisance.

Trois cent pages en compagnie de Léo, illustrées d’extrait de chansons, avec des références discographiques et bibliographiques, des anecdotes significatives, de multiples témoignages, un cahier de photos et un avant-propos de Guy Béart, pour qui  « Léo Ferré fut et demeure le plus « moderne » de nos grands auteurs-compositeurs-interprètes. Dans sa vie et par son œuvre. »

Jacques Vassal, Léo Ferré, la Voix sans Maître, éditions du Cherche-Midi, 2013.

Un document rare : François-René Cristiani, Michel Trihoreau et Jacques Vassal au festival Georjacléo en 2004 (photo DR)

1. Jacques Brel, au Club des Stars Seghers, en 1988, puis Jacques Brel : vivre debout, Ed. Hors collection, 2003. Il poursuit avec Georges Brassens ou la chanson d’abord, Albin Michel,1991 Brassens, le regard de « Gibraltar »(avec Pierre Onténiente), Fayard, Éditions du verbe, 2006, Brassens, homme libre, Le Cherche-Midi, 2011 et enfin Léo Ferré : l’enfant millénaire, Ed. Hors collection, 2003 et Léo Ferré, La Voix sans Maître, 2013.

Sur l’activité éditoriale des vingt ans de la mort de Ferré, on lira ici.